réponse aux archéologues n° 3 : Et si l'on fait donner la garde...
tout
le monde, j’espère, poursuivra cet octosyllabe : On n'est pas loin
de Waterloo ! …
Quoique
des soucis de santé – disparus à présent – aient retardé la poursuite du
feuilleton que constitue la pluie de publications successives émanant des
Archéologues qui nous occupe depuis un an et plus – je n’ai pas écrit :
«échanges» pour la bonne et triste raison que nos arguments sont superbement
ignorés ou tournés en dérision – je poursuis mon projet de réponse : le
temps ne compte pas lorsqu’on doit remuer tous les fardeaux qui grèvent la
question «Alésia» ; et nous avons, mes fidèles du Cercle Alésia -52
et moi-même, la ténacité de Sisyphe.
Où
en sommes-nous ? Après deux manifestes de quelque trente pages chacun, une
adresse aux Élus et au Préfet, une pétition, puis un article reprenant le tout
et l’augmentant dans l’Est-Républicain, est venue grossir le stock une
charge aussi venimeuse que prévu de l’étudiant Clément Salviani [1] dans
Strathistorique… Peste ! nous ne méritions ni cet excès
d’honneur…
Nous
ne pouvions qu’en rire, je l’ai dit, puisque la démarche indécente des
Archéologues tombait à plat et les ridiculisait : on a soin de se
renseigner avant de vitupérer, on n’accuse pas ses adversaires de forfaits
imaginaires, sans quoi on risque de se faire instantanément mettre au pas et de
devoir battre sa coulpe, bon gré mal gré. Les textes revendicatifs étaient
fondés simplement sur les bruits qui courent, avant même que nous n’ayons
déposé la moindre demande de subvention. Quelle élégance… et quelle
bourde !
L’opération
Lidar en projet était entièrement couverte, en effet, par les fonds privés
issus d’un mécénat spontané – il faut le préciser, puisqu’on nous accuse
de faire du lobbying pour trouver des fonds ! L’opération a eu
lieu, ses résultats ont été évoqués il y a peu, lors d’une conférence à
Champagnole, le 28 mars 2018.
En
somme, ce fut beaucoup de bruit pour rien… D’autant que RIEN ne filtrait
et ne filtrera des résultats obtenus, hormis dans les rapports officiels.
Mieux
encore : la dernière cuvée de la prose alisienne mettait en avant la
proposition d’une aide de scientifiques pour le décryptage des clichés… Comme
si nous nous étions hasardés dans une recherche Lidar sans disposer des
spécialistes possédant les capacités voulues ! – Mais cette
«collaboration», d’autre part et surtout, ouvrirait aux Alisiens les archives
Berthier qu’ils enragent de n’avoir pu consulter. Mais oui ! nous ne
sommes pas tout à fait stupides… Renato Saleri et François Chambon n’ont pas eu
besoin d’une aide extérieure pour établir et traiter les clichés. Leur rapport,
monumental, près de 400 pages, sera présenté aux Autorités
archéologiques. Bon décryptage, messieurs ! (messieurs-dames,
devrais-je écrire aujourd’hui, comme il faudrait l’écrire dans Ruy
Blas !)
COURTOISIE ?
Nil
noui sub sole. Toujours l’agression verbale contre mes
écrits et moi-même. Après un titre insultant et racoleur Alésia à
Chaux-des-Crotenay : une escroquerie intellectuelle, le ton de ce
second Manifeste excède à ce point les limites imposées, même aux textes les
plus provocants, par l’expérience de l’écriture en milieu universitaire, qu’on
se rend tristement à l’évidence : le rédacteur du texte alisien, véritable
jet de fiel, ne peut qu’être issu de la nouvelle vague ; quelque jeune
chien fou enivré par sa propre audace. Encore que mes étudiants de Paris
IV-Sorbonne et ceux, aussi, de mes collègues, ne se seraient jamais permis
pareils écarts, sans être pour autant des dinosaures.
Mais
que des universitaires chevronnés s’abaissent à écrire des formules
infamantes telles que : «affirmations stupéfiantes… interprétations
délirantes…, manipulations… discours sans base scientifique…
mauvaise fois (sic !!!) inadmissible… dissimulent
sciemment… au mépris de toute déontologie, ils ignorent volontairement…
M. Reddé, cité de façon malhonnête par D. Porte … Mme Porte étale son
ignorance… succession de contre-vérités et de mensonges… parfaitement
incapables… pseudo-chercheurs... nos zélotes… nos
pseudo-experts militaires… L’argumentation de Danielle Porte sur
cette question est comme à son habitude jésuitique et incompréhensible…
Elle ne semble pas non plus capable de réaliser une analyse critique des
textes pourtant à la portée d'un étudiant de Licence d'Histoire »…
voilà un florilège proprement inadmissible. À moins que la courtoisie et la
simple politesse ne soient des vertus étrangères au monde de
l’archéologie ?
FALSIFICATIONS
D’une
publication à l’autre, le ton et les propos n’ont pas changé : aucune
réponse aux objections formulées contre le choix d’Alise, sinon des
affirmations que la réalité du relief envoie au tapis sans barguigner ;
toujours la même louange aveugle des résultats de fouilles, à ne surtout pas
vérifier ; toujours la remise en cause de la méthode Berthier, privilégier
les révélations du texte et ensuite seulement demander confirmation à la
recherche archéologique, les archéologues préférant creuser d’abord et plier le
texte pour qu’il corresponde à ce qu’ils ont trouvé. Les artefacts, à leur
tour, d’où qu’ils proviennent, se voient dater par référence au siège
d’Alésia : 52 av. J.-C. On imagine la cascade d’erreurs qui va
suivre ! dont la supposition d’un séjour de César en Hesse, avancée par un
chercheur suisse, puisqu’on y a trouvé les mêmes clous qu’à Alise… Le
pauvre !
Si
l’archéologie prouve tout et doit avoir le pas sur les textes, aussi bien
peut-on formuler une conclusion archéologique mais stupide : c’est
qu’Alésia était en Hesse.
(je soulignerai les citations du
Manifeste et d'autres écrits alisiens, déjà en italiques, pour
mieux les isoler du propos et éviter toute confusion avec le texte de César !)
La
question à ne pas poser est : «Si César a donné des mensurations, des
distances qu’on ne retrouve jamais sur le site bourguignon, sur quelles
réalités tangibles s’est-il appuyé pour livrer un ensemble cohérent, auquel ses
légats n’auraient rien trouvé à redire ?» Le dispositif minutieusement
décrit dans le de Bello Gallico n’est tout de même pas sorti tout armé,
telle Minerve, de son seul cerveau ! Il paraît indispensable qu’il eût eu
sous les yeux les rapports des chefs de travaux, ceux, évidemment, des
architectes militaires et des polémologues qui avaient conçu le système et lui
avaient soumis leurs plans ! Il lui faut, pour permettre sa naissance,
l’appui d’éléments plausibles, existant en vraie grandeur, qui puissent assurer
la solidité de la construction ; qui ne se contredisent pas les uns les
autres ; qui se retrouvent uniformément sur tout le pourtour de la ville
assiégée, ou dont des considérations acceptables puissent justifier d’éventuels
écarts ; que des hommes de métier, des militaires, des architectes ou des
ingénieurs, puissent avaliser sans réserve. Sans quoi, la légitimité d’un
chef dont les ordres auraient unanimement été aussi mal exécutés par ses subordonnés,
dans tous les domaines de la fortification, aurait été et serait sérieusement
sujette à caution. Je n’imagine pas, pourtant, qu’un César aurait toléré chez
les siens pareille indiscipline.
Mais
voilà… comme les correspondances imaginées entre terrain et texte sont toutes
entachées d’un «oui, mais…», les Alisiens nous accusent, nous, de
falsifier les textes…
Ce
en quoi les ils feraient bien de rester discrets…
- eux qui n’hésitent pas, pour cautionner leur grand fossé, à transformer en pas
les mesures données en pieds, obtenant par ce miracle les 750 m qui
leur conviennent, peu ou prou, au lieu des 140 qui conviennent à César.
- Eux qui traduisent altero die, le «lendemain», par : «le
surlendemain» pour (mal) expliquer l’impossible kilométrage (de # 30 à 60 km)
qui relie la colline où se sont installés les Gaulois à la plaine la plus
proche envisageable pour y loger l’embuscade montée par Vercingétorix. Et ce
contresens vient sous la plume de M.Reddé, pourtant «issu de la rue d’Ulm»…
Même l’hypothèse de Fain-les-Moutiers (J.-L.Voisin) ne tient pas (26 km ne
constituant pas une demi-étape).
- Eux qui prétendent que Vercingétorix avait fait appel à 250000 hommes, non
pas à «tout ce que la Gaule comptait d’hommes en âge de porter les armes», le
texte ajoutant qu’il en vit arriver beaucoup moins [2]. Confusion entre les
effectifs demandés et les effectifs reçus, comme si la liste que dresse César
était celle des combattants que son adversaire souhaitait – déterminés
par quelle prescience ? – alors qu’il a dressé la liste de ceux qu’on vit réellement
arriver. L’armée de secours fond déjà par un autre tour de passe-passe, avant
même d’avoir combattu. Historiens ou prestidigitateurs ?
- Eux, enfin, qui manipulent les chiffrages à leur gré. Contrevallation ?
Circonvallation ? Retranchements côté oppidum, retranchements côté
plaine ? Si l’on pouvait confondre les deux, cela confondrait si bien
l’adversaire !
M.Reddé s’évertue donc à encastrer
les 21/22 km. qu’il prête aux fortifications montées autour de notre oppidum,
à l’intérieur des 15 km que César a indiqués pour la contrevallation qui
cerne Alésia. Même un arithméticien débutant s’aperçoit sans réfléchir beaucoup
qu’ils n’y tiendront pas. Seulement... ce ne sont pas tout à fait les
bons chiffres !
Dans le texte, en effet, la contrevallation
mesure 16,280 km, les 20,720 sont la mesure de la circonvallation
(en mesures romaines : 11000 et 14000 pas ; les Alisiens retiennent
la leçon du manuscrit B1, 10000 pas plutôt que 11000 [3]).
Comme on confond les soldats demandés
et les soldats reçus, on va confondre allègrement l’intérieur et l’extérieur,
le périmètre «englobé» et le périmètre «englobant». On conclut donc
très justement : le périmètre de Chaux, #21 km, ne peut avoir été
circonscrit par celui que donne César pour Alésia, 16,280.
«Même en taillant au
plus court, on descend très difficilement en dessous de vingt-et-un, vingt-deux
kilomètres, en contradiction flagrante avec le texte de César, qui indique une
longueur de dix milles, soit quatorze kilomètres sept cents [4]».
Mais
c’est un leurre. D’où peuvent venir ces 21 ou 22 km ? Sans tenir
compte du périmètre réel de la colline qui porte Chaux et l’enceinte de
la cité antique, M.Reddé lui affecte le périmètre de la circonvallation
césarienne au lieu de celui de la contrevallation.
C’est
donner pour la mesure intérieure le chiffre de la mesure extérieure… C’est
raisonner dans le vide au lieu de s’appuyer sur les éléments concrets.
Si l’on
remet à leur place le périmètre extérieur et le périmètre intérieur, si,
surtout, on établit le calcul en fonction de l’oppidum-Chaux tel qu’il
existe en ses chiffrables mensurations physiques, on obtient un tableau plus
conforme à la réalité :
- Contrevallation
César :
16
km,280 ou 14,700
Périmètre
de l’oppidum Chaux :
entre
15 km et 16,2 km selon le mode de calcul
- Circonvallation
César : 20
km,720
"
Circonvallation" à Chaux : 20 km,608
On n’en est pas à dix mètres près,
c’est l’évidence. D’autant qu’ailleurs les chiffres ont changé : page 118
de l’Alésia, l’archéologie en face de l’imaginaire, on lit que l’oppidum
Alésia-Chaux mesure «au moins» 15 km de pourtour [5]. De 22 km, on
descend à 15. Dédaigner le site adverse n’oblige pas forcément à ignorer les
réalités de sa géographie.
Et l’on se garde bien d’appliquer ce système de mesures au site bourguignon! Comment faire admettre au lecteur, même de très bonne volonté, que le périmètre des lignes de César, 15 km pour le chiffrage alisien, révèle le périmètre du Mont-Auxois (4,5 km) ?
Il réagit vite, le lecteur même de très bonne volonté. Était-il besoin de 23 castella pour cerner si insignifiant pourtour ? Le général romain se serait-il diverti à faire grimper ses lignes sur les collines alentour, afin de pouvoir justifier leur invraisemblable longueur ? Aurait-il laissé à ceux qu’il comptait réduire par la faim et la soif la libre disposition des ruisseaux qui coulent non loin de là ? Tant de travaux, de tours, de fossés, de pièges, uniques dans les annales nous dit Velléius, pour investir quelque 4,5 km [6]… Quelle aberration ! Est-on assez peu soucieux de la peine des légionnaires, que pareils travaux auraient occupés plus d’un mois et demi, pleins effectifs, à plein temps ? Or, César écrit qu’il avait été «obligé», necessario, d’étendre sa ligne à ce point, et qu’il manquait d’hommes pour la défendre tout de son long [8] (VII, 72). Puisqu’il disposait de tout l’espace voulu autour du Mont-Auxois, que ne l’établissait-il plus courte, plus proche de lui, et donc garnie plus efficacement ?
Non,
ni A.Berthier ni moi n’avons falsifié. Nous avons simplement extrait le jus,
dirai-je, du texte, mis en lumière les précisions qu’apportent tel préfixe ou
tel temps d’un verbe. Si le laconisme reconnu de César a pris la peine
d’introduire ces finesses de grammaire, c’est qu’elles ont leur importance.
Deux
exemples :
-
Les bords. «Ainsi s’exprime D.Porte : ‘Deux
rivières lèchent ses bords» (César). L’Oze et l’Ozerain coulent à 300 m
des bords de l’oppidum’. Il faut comprendre qu’elles ne coulent pas au pied
de l’oppidum, selon D.Porte, dont la traduction est erronée et joue sur
l’ambiguïté du mot ‘bord’ qu’elle adopte de son propre chef. Le texte de César
précise que les deux rivières baignent (subluebant) le pied
(radices) de la colline (collis). Ce qui est le cas à
Alise-Sainte-Reine, que D.Porte le veuille ou non.»
Ce
n’est pas moi qui ne le veux pas, c’est César, si l’on traduit correctement subluebant.
L’écrivain-général, si économe de précisions qu’il fût, a pris la peine d’enrichir
sa description laconique d’une indication capitale. Il n’a pas utilisé le verbe
simple luebant, «léchaient», pour caractériser la position des deux
rivières qui arrosent l’oppidum, mais subluebant, «arrosaient par
en-dessous», ce qui laisse inférer que ces rivières rasent les flancs de la
colline, indication de relief corroborée par le mediocri interiecto spatio
«séparées par un faible espace», accordé aux collines avoisinantes. La Saine et
la Lemme coulent dans des gorges qui s’élargissent en la plaine de 3000 pas
qui, en avant de l’oppidum, accueille leur confluent, gorges déterminées
par la distance infime qui sépare de son flanc les collines alentour. Et le
texte de César est enrichi par Florus, qui évoque les «rives abruptes» des deux
rivières, autrement dit, les parois de l’oppidum dont elles frôlent les
bords [9]. Que ce soit «bords», «flancs», «côtés»
ou «parois», je ne vois guère en quoi ma traduction serait erronée. J’adopte
«bords», mais aurais pu choisir aussi bien l’un de ses synonymes, encore que la
façon de désigner les pentes d’une montagne longées par deux rivières n’offre
pas un large choix. Et puis… «lèchent ses bords» est-il si différent de
«baignent le pied» ? Une rivière ayant peu de chances de lécher le sommet
d’une colline, je n’ai pas employé le mot «pied», ce qui, je le croyais, allait
de soi ! Et pour «lécher» il ne faut pas se trouver, que je sache, fût-on
acrobate, à 300 m…
Je
n’invente rien, je raisonne. Si les rives sont abruptes, c’est qu’elles sont
constituées par des parois de montagne à pic, non par les aimables prairies
alisiennes.
Prairies ?
Oui. Une vaste étendue plate sépare les rivières Oze et Ozerain du pied du
Mont-Auxois, tandis que les hauteurs environnantes s’élèvent à # 2,500 km de lui.
Et l’on écrit tranquillement : le relief bourguignon «correspond
point par point à la description de César»… «correspond parfaitement à
la description de César»… «Il n’y a aucune contradiction majeure
entre le site d’Alise et la description de César. Il existe en revanche des
différences entre le site bourguignon et le texte césarien, d’une part, et les
récits tardifs et indirects d’auteurs grecs qui n’ont pas participé à
l’événement».
Que
les archéologues le veuillent ou non, le mot subluebant est de César,
pas d’un «tardif grec». Florus, du reste, n’est ni tardif ni
grec. S’il écrit – lui ou un copiste, d’ailleurs ! – en tête de texte, Gergovie
au lieu d’Alésia, simple lapsus ou condensé malheureux, les péripéties
qu’il raconte ensuite, dont la reddition du chef gaulois, se sont bel et bien
déroulées autour de la cité séquane [10]. Et
s’il fallait avoir «participé à un événement» pour le décrire, ce
serait condamner tous les historiens, les Alisiens en tête, au chômage !
- Il
en va de même pour l’emploi du plus-que-parfait au moment où César évoque les
préparatifs des habitants d’Alésia pour accueillir l’armée de Vercingétorix en
repli (B.G., VII, 69) :
«Les
Mandubiens avaient construit (præduxerant) une muraille en avant
de leur ville, ainsi qu’un fossé profond de six pieds»… creusé par les troupes
gauloises qui «avaient occupé» (compleuerant, § 69) tout l’Est de
la colline»… «Les troupeaux dont les Mandubiens avaient fait entrer, (erant
compulsa, § 71) un grand nombre dans leur place-forte»…
Le
fossé n’est pas creusé ni le mur édifié au moment où Vercingétorix arrive sur
l’oppidum, mais ils l’ont été avant, ce qui exclut la thèse d’une
fuite de hasard au sortir du combat de cavalerie. Et d’autre part, l’idée
s’impose à l’évidence, pour quelle raison les Mandubiens auraient-ils fait
fortifier et approvisionner leur citadelle, avant le combat de cavalerie
dont ils ne pouvaient connaître l’issue, s’ils n’avaient pas attendu
Vercingétorix et les siens ?
On ne
rassemble pas, qui plus est, un grand nombre de bestiaux en l’espace d’une
nuit, et pas davantage des provisions de bouche «pour trente jours» : ces
préparatifs indiquent clairement que la place avait été fortifiée en prévision
d’un siège susceptible de durer un mois, et qui se prolongera, du reste, à
cause du retard de l’armée de secours, causant le manque de vivres.
Où
voit-on là de l’imagination, de l’extrapolation, bref, de la triche ? Il
s’agit simplement de déductions tirées du texte, et ce genre de travail,
fondamental, est de la compétence des latinistes, habilités à comprendre ce qui
est écrit, et à rassembler les textes complémentaires. Un travail d’addition,
pas de soustraction. Et légitime, s’il est mené honnêtement. Contrairement à ce
que je lis sur mon compte, j’ai la prétention d’être honnête avec les textes,
et l’ai toujours été.
On
peut ajouter des considérations annexes qui vont dans le même sens : le
chef gaulois a pris la peine de récupérer ses bagages, ce qui ne serait pas le
cas dans l’hypothèse d’un sauve-qui-peut. Il fait parcourir une demi-étape à
des combattants déjà fatigués par une bonne demi-journée de lutte, soit environ
15 km, hypothèse jurassienne, et même davantage si l’on admet que l’engagement
s’est déroulé dans la plaine la plus proche d’Alise, 26 km (Fain-les-Moutiers [11].
Sur ces 26 km, il aurait pu trouver une colline bien plus adéquate que le tout
petit Mont-Auxois pour y retrancher ses troupes en fuite !
G.Lopez,
un des nôtres, a retenu deux possibilités dans les parages de Fain, si ce
dernier site doit être conservé comme théâtre du combat de cavalerie :
- la
Montagne de Cornu : environ 230 hectares à 7 kilomètres de Fain,
- et
le Mont du Cra : 101 hectares à 10 kilomètres de Fain [12]. Sur l’une comme sur
l’autre, le chef gaulois aurait pu installer ses hommes, ses chevaux et ses
bagages ; sur la première, princièrement. Sans leur faire aligner les
kilomètres inutilement, surtout pour échouer sur un refuge plus – trop –
exigu !
Cette
question de la distance excessive entre l’oppidum et l’emplacement du
combat de cavalerie, bien gênante, est prestement évacuée par toutes les études
des partisans d’Alise, qui la passent sous silence – absence totale dans les textes
sur Alésia réunis par J.Le Gall – alors qu’elle est essentielle : le choix
des textes s’effectue pour eux à partir du moment où César s’installe sous l’oppidum.
M.Reddé estime, pour sa part, que l’épisode du combat et les «flots
d’encre» qu’il fit couler, «encombrent les rayons des
bibliothèques. […] Comment trancher ? Et d’ailleurs, faut-il
trancher dans ce fatras ?». écrit-il suavement [13]. Il est tellement plus
confortable d’esquiver, sous prétexte de leur manque d’intérêt, les objections
importunes…
La
question du piège tendu ou non par Vercingétorix est traitée, si l’on peut
dire, à la hussarde par M.Reddé. Elle serait le fruit du patriotisme chauvin
des historiens du Second Empire, qui ne pouvaient admettre que le héros de
l’indépendance nationale eût été banalement battu par César. Toujours les a
priori politiques ou idéologiques prêtés aux gens du XIXème
siècle, a posteriori gratuits et contraires à la rigueur de la recherche
historique.
Elle
devrait être surtout le résultat d’une réflexion actuelle sur les
plus-que-parfait !
Le
meilleur de l’histoire, c’est que certains Alisiens se sont tout de même avisés
de la portée historique qu’avaient ces plus-que-parfait ; et, comme on
dit : «Ils y viennent !» Sans, bien sûr, citer nos écrits, les premiers
à soulever le problème. Témoin C.Grapin, op. cit., p. 50) : «Ces
indices [bétail, blé] plaident en faveur d’une préparation de la
place-forte dans l’éventualité d’un siège». Témoin le développement que
Y.Le Bohec consacre à la stratégie «de l’enclume et du marteau», énoncée
depuis belle lurette par André Berthier. S’il y a stratégie, il y a
projet conçu d’avance ; s’il y a piège, il y a dispositif ; s’il y a
dispositif, il y a organisation : il n’y a donc pas fuite. C.Q.F.D. Mais
de ces réalités on ne s’avisait pas hier, dans les milieux "bourguignons"…
Préparatifs ?
Cela va de soi. Mais pas sur Alise : où aurait-on entreposé ces nombreux
troupeaux sur une surface déjà bien trop exiguë pour y faire camper une armée en
sus de la ville et de ses habitants ? D’autant plus qu’on admet à la fois
la fortification de la place et sa découverte, au cours de sa fuite, par le
chef gaulois alors que les deux sont radicalement incompatibles ! On lit
donc avec quelque perplexité un compromis entre hasard et préméditation :
«Aux confins des territoires ralliés à sa coalition, au plus près du
secteur où il a choisi d’attaquer la colonne de l’armée de César en marche,
Vercingétorix y trouve avant tout un oppidum assez vaste et suffisamment peu
peuplé pour accueillir son armée. L’eau n’y manque pas. IL suffit d’y réunir
des vivres en prévision d’un hypothétique repli [14].»
Affirmation
que contredit l’examen de chacun de ses termes : «Au plus près» ?
26 km au minimum. S’il inspecta les lieux, le chef gaulois eût pu trouver plus
proche ; «assez vaste» ? À condition de vider la place de
ses habitants et de leurs troupeaux, et de démolir maisons, hangars, granges etc.,
avant d’y empiler son armée ; «suffisamment peu peuplée» ?
Diodore décrit une cité «très grande et très peuplée» : qui
croire ? Le contemporain de César ou l’historien de notre siècle ? «L’eau
n’y manque pas» ? Trois sources, selon l’auteur lui-même, ce qui
est loin de suffire pour les hommes, les chevaux et le bétail ; «en
prévision d’un hypothétique repli» ? Un repli n’est pas censé
durer longtemps : à quoi bon un mur, un fossé, un mois de blé et de
nombreux troupeaux ? Parce que le «repli» risque fort de se
transformer en siège : auquel cas, le choix du Mont-Auxois était une
aberration.
On
parle de «falsification» ? J’ai seulement le scrupule
de mettre en lumière toutes les révélations du B.G., là où les Alisiens
passent sur la pointe des pieds ou à pieds joints.
Autres
exemples.
- Le
mont Réa - qui est au nord-ouest, pas au nord, cf. infra, est
«une montagne au périmètre trop étendu pour qu’on eût pu l’englober dans les
lignes» (B.G., VII, 83 : Erat a septentrionibus collis quem
propter magnitudinem circuitus opere circumplecti non potuerant nostri).
Que devient ce majestueux massif sous la plume de nos archéologues, si férus
d’exactitude ? Un… «petit mont» !
Sans
vergogne, vraiment.
- Les
rivières ? Pas mieux traitées :
«Deux
rivières lèchent ses bords» (César). L’Oze et l’Ozerain coulent à 300 m des
bords de l’oppidum. Mais Il en existe deux autres, la Brenne, bien plus
importante en ce qu’elle interdit l’occupation de la moitié de la plaine, et le
Rabutin. Le texte porte bien duo flumina, «deux rivières», et pas «des»
(traduction de L.A.Constans, suivi par M.Reddé), cette dernière permettant d’englober dans
ce total flou les cours d’eau en surplus autour d’Alise.
Les
rives en sont escarpées (Florus, cf. supra ) ; celles des
ruisseaux d’Alise sont de plates étendues cultivées ; qu’on nous présente
souvent comme des falaises [15] !
- L’oppidum
est ceinturé de collines à un faible espace (B.G., VII, 69 : colles
mediocri interiecto spatio, oppidum cingebant) : les collines environnantes
étant séparées souvent de 2,500 km du Mont-Auxois, César dispose de toute la
place voulue pour poursuivre sa route, d’autant que les Gaulois, comme ils
l’ont toujours fait, ne se hasarderont pas à un affrontement en bataille
rangée. Ce faible espace, juste la place pour une rivière, n’est jamais évoqué
par les tenants d’Alise.
- Il
existe une plaine, à leur confluent, en avant de l’oppidum, de 3000 pas
(4,5 km) en longueur, glissée entre des collines (César) : il n’est jamais
question de cette plaine, lorsqu’on énumère les éléments du relief, pour
cause : la plaine des Laumes est «en largeur» et se développe à l’infini,
à l’ouest de la colline, jusqu’à Chalon sur leurs cartes... On en arrive (Y.Le
Bohec) à traduire in longitudinem par : «en largeur»
pour justifier l’immensité de la plaine des Laumes, mesurée, qui mieux est, par
certains auteurs, «en diagonale». Ou, s’ils commentent ce résultat inapplicable
à la géographie d’Alise, c’est pour l’expliquer piteusement par une mesure
prise en zig-zag ou en croissant [16], ce qui ferait sourire tous les
ingénieurs militaires. Personne n’a jamais cité ces superiores munitiones,
prestement escamotées puisque les objets témoins de l’identification Alise =
Alésia sortent du pied du mont Réa, pas de son sommet. César a dû
fantasmer quand il voyait des légionnaires en haut…
Les
auteurs du Manifeste m’accusent de retenir encore comme le camp Nord celui du
Réa, qu’ils ont abandonné depuis longtemps. Il a pourtant fourni le socle de
toutes les démonstrations alisiennes, lui et les trésors qu’il contenait. Et
aujourd’hui, les revues qui publient les reconstitutions imaginées par Y.Le
Bohec et J.-L.Voisin, continuent de faire comme si le camp Nord était toujours
au pied du Réa [17].
Qui croire ? Si les perspectives évoluent radicalement, il convient que le
grand public, dont je fais partie, en soit correctement instruit.
La
mesure de 4,500 km est respectée rigoureusement sur le site jurassien, où la
plaine est bornée par un étranglement, à Bourg-de-Sirod. Remarquons en passant
que la conformation de ce site explique l’obstination des guerriers romains et
gaulois à venir se battre dans la seule longue plaine en avant de la colline,
puisque la nature en gorge des rivières interdit toute autre possibilité sur
ses flancs ; tandis qu’autour d’Alise toute la place était disponible et,
curieusement, n’aurait pas été utilisée, ni par les uns ni par les autres.
Pourquoi ?
Voyons
aussi la localisation par rapport au parcours des légions
romaines.
*
Cette colline se trouve «en Séquanie» (= Jura) selon Dion Cassius, Plutarque et
Planude, tous formels si le texte de César (in Sequanos) peut laisser
hésiter entre la direction et l’aboutissement d’une marche. Refuser
l’utilisation des auteurs grecs sous prétexte qu’ils sont tardifs suppose qu’on
ignore l’existence de quinze autres relations de la guerre des Gaules,
contemporaines de celle de César, dont ces auteurs se sont inspirés.
Mais
voilà : «les sources (livresques) évoquées par D.Porte n’existent
pas.»
Il
aurait fallu écrire : «n’existent plus». Nous n’en possédons pas
les textes, mais les Anciens pouvaient les lire, puisqu’ils en citent les titres,
portant mention explicite de la guerre des Gaules ou englobant forcément son
exposé dans un contexte qui en dépasse l’époque. Entre autres, pour mémoire :
les Éphémérides de César lui-même, dont nous avons deux extraits. On les
lit et les cite encore au IVème siècle après J.-C. et elles comportent
des récits absents du B.G., preuve que l’ouvrage était alors disponible
et avait été lu, puisqu'on les cite. On invoquerait aussi les biographies de César signées de
ses officiers, Oppius et Ampius ; les Annales des Gaules
(Tanusius) ; les Données techniques de la guerre des Gaules (Furius
Bibaculus) ; le livre 108 de Tite-Live entièrement consacré à l’année
52, tout comme celui d’Appien publié à part de son histoire générale ;
l’Histoire de Rome qu’Asinius Pollion poursuivit jusqu’au principat
d’Auguste etc. Strabon, pour sa part, né en 60 av. J.-C. nous a été
conservé. Ce sont là, sans l’ombre d’un doute, les sources auxquelles ont puisé
les savants plus tardifs. Disparues mais encore accessibles aux temps où des
historiens relataient la guerre des Gaules, dès l’époque d’Auguste.
* Le
départ a lieu depuis le pays lingon (Dion Cassius) où César a concentré l’armée
en attendant l’arrivée des Germains ; non de Sens, région tenue par les
Gaulois et d’où partit l’insurrection.
* Le
virage vers l’Ouest et Alise amènerait dès lors César en plein milieu des
forces ennemies qu’il cherche à éviter. Et à quoi rimerait ce crochet
invraisemblable ? L’heure n’est plus à la conquête mais à la retraite…
* On
ne peut dire que les péripéties du dernier combat, que César développe et
commente par le menu (VII, 83-88) retiennent longtemps l’attention des
archéologues, elles qui furent pourtant à la source des trouvailles d’artefacts
tant vantées. J’aimerais fort une description argumentée et localisée des
mouvements successifs. Jamais aucune étude sur Alésia n’entre dans le détail
des péripéties décrites par César en les appliquant de façon critique au site d’Alise. Comme si
ces six chapitres du B.G. n’existaient pas.
* Puisqu’on
n’a pas voulu tenir compte de la qualification du camp Nord comme superiores
munitiones, on ne comprend rien au déroulement de la bataille, si tout se
passe dans la plaine, auquel cas on fait l’impasse sur l’expression ex
ascensu temptant, «ils escaladent» et son complément prærupta, «les
abrupts».
- Désire-t-on respecter mieux le texte ? Il faut, alors, trouver des
abrupts… Las ! Ils sont bien discrets, les abrupts au pied du Réa.
Tournons-leur donc le dos et faisons escalader aux Gaulois assiégés les pentes
de Flavigny… à condition qu’ils aient pu traverser la contrevallation !
César, alors, fronce le sourcil : «J’ai tout de même bien précisé que les
diverses phases se replaçaient à l’endroit où j’avais envoyé Labiénus !
C’est-à-dire au camp Nord de mon § 87 ! Et que je sache, Flavigny n’est pas précisément
au Nord !»
INCOMPATIBILITÉS
Aurons-nous plus de chance avec les chiffres [19] ?
Ne nous risquons surtout pas à les examiner ! Il suffit de prétendre qu’ils
corroborent absolument ceux qu’a livrés César. On déplore son laconisme et ses
imprécisions, mais, pour une fois qu’il parle mathématiques, on lui coupe la
parole en coupant les chapitres 72 à 74, gorgés de chiffres… inacceptables, il
va sans dire, pour l’Alisien moyen. Mais la Bible étant le Rapport de fouilles,
pas question d’en contester, voire d’en examiner les résultats en détail.
C’est pourtant ce que nous allons faire.
*Le «grand fossé» devrait être à 400 pieds (120 m) des lignes, il l’est à 750
m, voire 1000. Du coup, je l’ai signalé, on transforme les 400 pieds (400 x 0,30)
en 400 pas (400 x 1,30) ce qui dissimule l’aberration. Ni ses dimensions ni son
profil ne sont licites, et changent d’un sondage à l’autre. César le voit en
«fond de cuve» (= parois verticales équidistantes au sommet et au fond), Alise
le révèle à fond en V, pointu.
*Ses chiffres ?
Un
fond de 5,80 m est requis par le B.G., ainsi qu’une ouverture de
5,80 ; la profondeur doit être de 2,50 m.
Résultats :
largeur
du ht (Alise) : sondage 1 : 5 m
sondage 2 : 4,60 m
sondage 3 : 4,80 m
largeur du fd (Alise) : sondage 1 : 2,30/2,50 m
sondage
2 : 1,50 m sondage 3
: 1,80 m
profondeur (Alise) : sondage 1 : 2,70 m
sondage 2 : 2,00 m
sondage 3 : 1,70 m
Pas de 5,80 m, ni en
ouverture ni en fond.
*Les autres fossés sont
profonds de 0,80 m, alors qu’ils devraient l’être de 2,60 m. Ce
n’est pas leur «association» qui doit être incriminée, c’est l’«élément
défensif» lui-même. Mieux vaut ne pas évoquer les fossés de 0,80 m
de profondeur, qualifiés de «militaires»... ni les marécages autour du Mont-Auxois, qui forçaient déjà Victor Pernet, sous Napoléon III, à faire
écoper !
*Il en va de même pour les
pièges (nombre, taille, disposition etc. des fosses, des tranchées, des
pieux) : aucun des chiffres de César ne concorde avec les découvertes de
terrain.
Distance
entre les trous :
César :
0,90 m
Alise : 2,60 m
Nombre de rangées
César : 8
Alise : 5 ou 6
Profondeur
des trous
César
: 0,90 m
Alise
: 0,70 m, ou 0,30 m
Diamètre
des pieux
César
: # 0,20 m ("la taille de la cuisse", feminis
crassitudine)
Alise
: 0,85 m…
En
admettant que le nombre des rangées eût fluctué suivant les terrains, la
dimension des pieux devrait au moins être identique ! Rien de tel.
Parfois, les pieux ont un diamètre de 0,10 m, installés, on ne sait trop
comment, dans des cônes profonds de 0,15 à 0,20 m (Bussy), à moins que des
pieux de 1 m de long eussent pu tenir d’aplomb, comme au camp B, dans des cônes
de 0,05 m… Sur la montagne de Flavigny, les cônes sont distants de 9 m et
sur 9 rangées, alors que sur la montagne de Bussy, les 17 trous se
touchent ou peu s’en faut. Je ne savais pas les terrassiers romains si
éclectiques.
«Aucun
piège ou élément défensif n’échappe à la description césarienne»… écrit
pourtant le Manifeste. Ah ! bon ? Nous avons vu sur pièces que
ce n’était le cas pour aucun des dispositifs décrits par César ! les
lilia, les stipites, les tribuli retrouvés autour d’Alise
mais absents du texte de César (!), et les fossés non conformes, et
l’éloignement aberrant des tours etc… Quel César ont-ils donc lu ?
*Les camps devraient occuper
un minimum de 45 ha pour 2 légions. Polybe, qui compte 4500 hommes pour la
légion de son époque, en a précisé la surface. Or, le plus grand des camps
repérés (Bussy) taille 7,9 ha. Il en existe même de 35 ares (d’après les
chiffres de Napoléon III reproduits par J.Le Gall). César a parlé de camps, pas
de clapiers.
*«On sait qu’il a fait
construire 23 postes (præsidia) répartis sur l’ensemble des
fortifications pour les surveiller. Si tous ces postes avaient eu la taille des
camps évoqués par D.Porte, César aurait alors disposé de plus de 12 légions.»
C’est
là une argutie qui frôle la mauvaise foi. Je n’ai jamais supposé que les castella
(postes de garde disposés tout autour des lignes d’investissement) contenaient le
même effectif que les camps !!! Sinon, déjà, leur appellation ne
serait pas un diminutif de celle des camps (castellum est un diminutif
de castra, messieurs les archéologues !) Au contraire, César est
dit avoir «détaché» de nuit dans ces postes de «fortes garnisons» (firmis
præsidiis, VII, 69) soit une fraction de l’effectif des camps. N’importe
quel amateur tant soit peu au courant des réalités militaires n’irait pas
confondre castra et castella !
Mais
ces enclos de 35 ares qu’on baptise castella, peuvent-ils réellement
passer pour des établissements militaires ? Difficile. Même les Alisiens
en reviennent.
Tous
les camps de la plaine ont été rejetés les uns après les autres, ce qui conduit
à dépouiller de toute structure de siège la moitié du pourtour d’Alise. Celui
du mont Réa, autour duquel ont été élaborées toutes les reconstitutions des
combats du B.G. VII, 83-88, a été lui aussi dénoncé, ce qui amène à
supposer que l’amas des trouvailles archéologiques (armes et monnaies) qui en
provient serait un «dépôt rituel [20]» - datant de l’Âge du Bronze et,
forcément, enrichi de génération en génération…
Où
est, alors, l’Alésia de César ? Elle qui ne tient déjà que par ses
trouvailles (discutables !) d’artefacts…
Il
faut s’y résigner : le beau plan traditionnel qu’on présente toujours, depuis
Napoléon III, n’existe nulle part en réalité.
Quant
aux dispositions… Camps ou castella occupent des positions
bizarres : ils chevauchent le retranchement (camps 4, 5, 7, 9) ou sont
installés en dehors de lui, (1, 2, 3, 10), surgissent entre les lignes,
(11) perdant toute l’efficacité militaire qu’assurent habituellement des postes
«avancés».
*Les tours devraient être espacées régulièrement de 24 m, elles ne le sont pas
une seule fois. Tous les chiffres possibles, jusqu’à 60 m, mais pas de
24…
Remarquons
que la reconstitution au Muséoparc écarte ces tours d’un espace
identique : César y est, mais pas Alise !
Laissons
les Alisiens à leur béate satisfaction : «Ce sont donc bien les
lignes de cippes, mais au nombre de quatre au lieu de cinq, et les emplacements
des tours, mais à une soixantaine de mètres les unes des autres, qui sont
visibles sur les photographies aériennes de la montagne de Bussy [21].»
Moi
qui classais l’archéologie parmi les sciences exactes !
Pour
mon plaisir personnel, je reproduirai les constatations désabusées de J.Le
Gall, accompagnées de leurs références, que je publiai dans la Supercherie :
on m’accuse de tout mélanger pour accabler le cher homme, mais lui-même me
fournit les éléments d’une critique fondée :
«En
1861, on avait rencontré un, puis deux fossés qui partaient de la
circonvallation à la fouille 54 : on n’avait su quoi en faire. […] En réalité,
ces fossés n’avaient probablement rien à voir avec le siège.» (Bataille
d’Alésia, p. 54).
«Aucune porte n’ayant été repérée, s’agissait-il
d’un camp ?» (ibid., p. 55).
«Quant aux castella, nous ne
pouvons dire où ils étaient installés.» (p. 55).
«Le
camp G a-t-il existé ? […] Tout aussi embarrassants sont les deux fossés
symétriques… […] N’aurait-on pas pris pour un fossé de César un fossé médiéval
?» (p. 56).
«Le
mont Réa a posé – et continue de poser – un problème insoluble au sujet des
camps.» (p. 57).
(En
aval de Grésigny :) «Ce fossé ne continuait pas au-delà du chemin n° 7,
aujourd’hui la D 954 : sans doute n’avait-il rien à voir avec le siège.»
(p. 59).
« Les
fouilleurs de 1861 se seraient laissés tromper par des travaux médiévaux ou
modernes abandonnés de longue date. […] Même dans l’hypothèse la plus
favorable, à quoi auraient pu servir deux fossés montant de l’Oze au Réa ?»
(p. 60).
(Le
grand fossé d’arrêt :) «On doit se demander pourquoi César a fait
creuser cet obstacle exceptionnel si loin de la ligne qu’il devait protéger et
ne l’a pas fait défendre. […] Ce fameux fossé n’a donc été finalement qu’un
obstacle passif.» (p. 65).
«Les
photographies aériennes de M.Goguey indiquent une trace parallèle qui paraît
être celle d’un second fossé, distant d’une dizaine de mètres, mais les
fouilles de M. l’Abbé Jovignot, en 1967 et 1968, n’ont pu en déceler des
vestige.» (p. 67).
«Il
est certain que les fossés, sauf exception, n’ont jamais eu exactement les
quinze pieds (4,40 m) indiqués par César.» (p. 68).
«On
est étonné de voir que le fossé de la circonvallation ne rejoignait pas
exactement celui du camp C […] La porte à titulus du camp C, destinée au même
emploi, était à côté mais séparée de la circonvallation par le fossé et le
rempart du camp : sans doute ces deux sorties n’étaient-elles pas destinées aux
mêmes unités.» (p. 75).
«Les pseudo-trous de loup…» (p.
75).
«Cette hypothèse (de Napoléon III) fut largement
suivie par la suite, or elle est inacceptable.» (p.
76).
Moralité : On n’est jamais si bien servi que
par ses ennemis !
*Pour ce qui est des objets, on connaît les manipulations ou les erreurs
d’appréciation commises à l’époque de Napoléon III (mélange d’armes
mérovingiennes et de l’Âge du Bronze final ; substitution du statère d'or à celui que livrèrent les fouilles ; incertitudes sur la
provenance «de Gergovie ou d’Alésia» lisait-on sur les étiquettes
afférentes ! et il en existait 7 à 800 perdues pendant un seul
assaut et réunies dans un seul fossé). Les conclusions actuelles étendent même
les doutes : les monnaies prétendument frappées pendant le siège sont très
usées, alors qu’elles n’ont circulé que pendant un mois et demi.
Et de
toute façon, si elles ont été trouvées, comme on me le signale, non pas dans un
fossé de camp qui n’existe pas mais dans le fossé de contrevallation, leur
présence fait supposer que l’armée de secours a pu traverser les fortifications
et gagner le pied de l’oppidum, puisque les monnaies proviennent de tous
les peuples coalisés… alors qu’elles ne devraient appartenir qu’aux Arvernes,
aux Éduens et aux… Mandubiens, radicalement absents. On tient même pour
sérieuse l’idée que ces monnaies ne proviendraient pas – pour cause – de
l’armée de secours : «Il est plus que probable que les monnaies qui
s’y trouvent ne proviennent pas de soldats gaulois de l’armée de secours mais
qu'elles constituaient le butin d'un légionnaire ou d'un auxiliaire. Ce qui
expliquerait que la composition monétaire suive la géographie des campagnes de
César. D’autre part, l’abbé [Villette] ignorait aussi que 15
concentrations monétaires du même type que celle des fossés de Grésigny ont été
retrouvées sur un autre champ de bataille, relié au désastre de Varus, à
Teutoburg, en 9 ap. J.-C.»
Pareille
candeur laisse pantois. Un authentique collectionneur, ce guerrier anonyme, qui
avait pris soin de réunir un échantillonnage des monnaies de toutes les tribus
soumises par César, et transportait sur lui, pour aller se battre, 755, voire
800 monnaies ! Les monnaies gauloises étaient minuscules, certes ;
mais le total devait peser son poids et encombrer malaisément le propriétaire [22]… comme le beau canthare devait
paralyser un bras de l’«officier de haut rang» qui était parti se
battre avec son argenterie [23] !
Comme
cette explication branlait quelque peu, on lui a substitué une autre
justification pas plus convaincante : Cette hypothèse absurde devient
réalité, avec ce «il semble désormais probable» : «il
semble désormais probable que les légionnaires, à la veille d’une bataille,
cachaient leur pécule avant d’aller le récupérer s'ils survivaient au combat,
ce qui n'a pas été le cas lors du désastre de Teutoburg.»
Serait-il
exagéré de demander à nos archéologues de réfléchir un instant ? Imaginer
d’aller enfouir, dans les fossés à l’extérieur du camp, un pareil trésor
en repérant, bien sûr, l’endroit exact où on le récupérerait si l’on sortait
vivant du combat… sans s’aviser qu’il faudrait en évacuer auparavant tout ce
qui l’aurait alors encombré, cadavres, armes, terre etc. par-dessus les
précieuses piécettes ? Et quand bien même le propriétaire eût trouvé la
mort au combat, il tombe sous le sens que la piété de ses compatriotes ne
serait pas allée jusqu’à laisser le trésor en place, pour que ses découvreurs,
quelques millénaires après, l’utilisent pour prouver qu’Alise avait bien été
Alésia ! «Chacun pour soi», l’adage est valable en tout temps…
S’il
s’agit du butin caché par un légionnaire, cette idée de creuser un trou dans le
fossé extérieur d’un camp, a fortiori dans celui de la contrevallation,
peut paraître curieuse, puisque ce dernier était accessible aux Gaulois de l’oppidum…
S’il s’agit d’un trésor amassé par un Gaulois de l’armée de secours, vu
l’origine multiple des monnaies, il eût fallu qu’il franchît tout l’espace
occupé par les Romains pour parvenir, par quelque miracle, à ce fossé proche de
l’oppidum… Là aussi, la vue de l’esprit ne tient pas longtemps ses
mirages !
Et
quel moyen notre prévoyant guerrier put-il utiliser pour baliser le parcours
jusqu’à son trésor souterrain ? J’aurais bonne envie d’intituler ce
paragraphe : «Du bon usage du GPS dans l’Antiquité, exemple : autour
d’Alise». Je résiste, néanmoins.
De
guerre lasse, il faut croire, M.Reddé en est venu à ce fameux dépôt rituel
étalé de l’Âge du Bronze aux temps médiévaux… Tout se paye : avec ces
monnaies-là, Alise perd son Alésia…
Ces
doutes sur l’argumentaire fondé sur les monnaies, on les émit déjà lors de la
discussion qui suivit la communication de M.Reddé. Laissons la parole à une
Autorité incontestable, celle du Pr. Robert Turcan [24] : «Parmi les
découvertes faites sur l’oppidum lui-même, les pièces en bronze au type de
Vercingétorix ont évidemment de quoi intriguer. Ont-elles vraiment circulé en
tant que monnaie ‘obsidionale’ ? Si elles avaient servi à payer les
troupes, il me semble qu’on aurait dû en trouver davantage. Mais une partie du
matériel peut avoir échappé aux archéologues…»
OMISSIONS
Le
plus choquant est encore la froide élimination des textes grecs, même ceux des
contemporains de César. Eh ! oui… ce sont les "Grecs", Plutarque, Appien,
Diodore, Dion Cassius, Planude etc. qui fournissent des précisions
enrichissantes pour les données trop lapidaires qu’a concédées le Proconsul à
notre curiosité. Petits détails, rares et restreints, mais d’une importance
capitale ! Ce sont eux, qui attestent
- son départ de «chez les Lingons» plutôt
que de chez les Sénons ;
- eux qui placent le combat de cavalerie, la veille de l’arrivée sous
Alésia «chez les Séquanes» dont César a «franchi le territoire», non chez
les Éduens.
- Eux qui mentionnent la «très grande
population» de cette «très grande ville» d’Alésia, restée indépendante
jusqu’à la victoire du «divin Jules», peut-être à cause de ses «énormes
remparts», défendue, qui mieux est, sur le plan spirituel, par sa qualité de
«foyer religieux et ville-mère de toute la Celtique», royalement exclue du
recueil de J.-L.Brunaux, qui cite bien Diodore, mais en enlève la précision
qu’il s’agit d’une métropole religieuse… pourtant essentielle dans un
livre qui s’intitule : Religions gauloises : les rituels cltiques de la
Gaule indépendante... On hésite entre l’impudence et la malhonnêteté.
- Eux qui nous livrent des anecdotes sur le
combat de cavalerie situé à une demi-étape d’Alésia, peu glorieux pour César
qui y fut un moment capturé.
«Ah !
voilà qui prouve que César dissimulait les faits néfastes à sa
réputation !» s’écrie triomphalement le chœur des Alisiens. Désolée,
Messieurs… Servius le Grammairien et Plutarque les ont prises dans les Éphémérides
d’un certain… Jules César, dont ils avaient lu, eux, toutes les œuvres encore
disponibles de leur temps (IIème et IVème siècle
après J.-C . )
Est-il
néfaste à sa réputation qu’Alésia eût été une très grande ville, très peuplée,
foyer religieux ? Au contraire. Mais si l’on connaît Diodore, même du bout
des lèvres, pour ce qui est de sa description de la cité religieuse,
opportunément exploitable pour lui faire correspondre, bien que gallo-romains,
les artefacts et vestiges à caractère religieux d’Alise, on l’ignore
superbement pour ce qui est des détails embarrassants qu’il donne sur la
ville-même : la «très grande ville» et «très peuplée» passe mal, pour une
Alise que ses propres défenseurs décrivent ainsi : «Alésia n’a
jamais eu ni l’ampleur ni la densité des capitales des grands peuples voisins»…
«L’Alésia de Vercingétorix n’est pas une ville dense et étendue. L’archéologie
révèle une agglomération assez modeste à l’époque du siège [25]»…
Assez
modeste, une métropole ? Nous qui croyons avoir lu ce mot sommes de grands
rêveurs. Cette métropole de toute la Celtique est un leurre, «une
invention de Diodore.» César en aurait parlé,
voyons ! : «Dans ces conditions, il est incompréhensible
qu'il n'évoquât nulle part, pour magnifier ce haut-lieu de sa
geste militaire, le fait qu'Alésia fût la métropole de toute la Gaule [26], ce qui en réalité est une invention de
Diodore. Il n'y a pas en Gaule de métropole de toute la Gaule, car la Gaule
unifiée inventée par Diodore et les autres auteurs méditerranéens, dont César,
n'existe pas.» (Manifeste des Archéologues).
Mais
surtout… Ils osent m’accuser, moi, d’avoir inventé la métropole
religieuse qu’était Alésia ! «Néanmoins, nous
sommes satisfaits de découvrir que D. Porte ne nous explique plus qu'Alésia
était une grande métropole religieuse, ce qui reste une pure invention de sa
part, Diodore n'évoquant jamais cet aspect.»
On
suffoque.
Déjà,
devant l’incohérence de la pensée : dans une phrase, Diodore a inventé la
métropole, dans l’autre, «Diodore n’évoquant jamais cet aspect»,
il n’en parle jamais. À mon humble avis, si Diodore a inventé la métropole, on
doit en conclure qu’il en parle… Surtout au pays de Descartes.
Je
m’en veux de triompher aussi facilement… mais il faut bien que les Textes, si
méprisés par eux, montrent aux Archéologues qu’ils peuvent leur faire mordre la
poussière. Relisez un peu Diodore, chers ennemis des textes ! Vous y
trouverez en toutes lettres [27] (grecques ; mais rien n’interdit aux
archéologues d’apprendre un peu de grec) la métropole qu’aurait déjà reconnue
votre exemplaire étudiant de Licence d’histoire ! Avec ce «pure invention de
sa part», je suis en droit de vous accuser, à mon tour, de mensonge.
Euréka ! Un
trait de lumière : F.Favory et ses archéologues ont lu Diodore… chez
J.-L.Brunaux ! Et comme il ne connaît pas la métropole religieuse que
fut Alésia, ils ne la connaissent pas non plus… Ah ! bravo ! bel
exemple de recherche en survol ! Chez nous, en Lettres, nous
apprenons à nos étudiants qu’on doit aller chercher les textes originaux, on ne
se contente pas aveuglément de la traduction tronquée d’un
collègue !
Voilà
ce qu’il en coûte de se fier aux petits copains au lieu d’élargir ses horizons
en lisant un peu autre chose que les tricheries des pro-Alise ! Allez donc
vérifier vos sources dans le livre de J.Le Gall [28], qui cite, lui, honnêtement,
l’intégralité des témoignages !
Bilan :
il est difficile de s’y retrouver dans l’écheveau confus de ces affirmations
contradictoires. En somme, Danielle Porte a inventé la métropole religieuse
dont Diodore ne parle pas puisqu’il l’a inventée lui-même… Se sont-ils vraiment
relus ?
*Passons au dernier épisode du siège. Solution radicale : la gomme. Il est
certain que si l’on ne tient pas compte des paragraphes qui décrivent le
mouvement tournant de Vercassivellaun avant l’attaque du camp Nord, on n’a pas
à s’expliquer sur les péripéties narrées dans le détail par César. Auquel cas,
les reconstitutions alisiennes tombent, irrémédiablement. Ce mépris des textes
greva déjà un article du colonel A.Deyber, pour qui tout se passait dans la
plaine, et qui n’écrivit même pas le nom de Vercassivellaun [29] !
Le
même Alisien a fait mieux, depuis. Son dernier ouvrage, navrant, intitulé Vercingétorix
chef de guerre, préfère explicitement ne pas parler du siège d’Alésia !
Y.Le
Bohec, responsable du compte-rendu de ce livre, y traite déjà le siège d’une
façon expéditive : «Enfin, nous arrivons au siège d’Alésia, où
Vercingétorix voulut appliquer la tactique dite «de l’enclume et du
marteau» : ses hommes, enfermés derrière les remparts de la ville,
formaient l’enclume ; une armée dite «de secours», venue de l’extérieur,
devait servir de marteau. Le marteau fut défaillant, en sorte que l’enclume dut
se rendre».
Tout
émoustillé par cette enclume qui se rend, on se précipite, avec la gourmandise
qu’on imagine, aux pages d’A.Deyber qui concernent Alésia. Pages ?
Au pluriel ? Naïfs que nous sommes ! Est-il encore utile de parler
d’Alésia, même dans un ouvrage qui traite des qualités guerrières du chef
gaulois ? On atteint vraiment le sublime :
«Le
plan semblait tout de même fonctionner. Malheureusement pour lui, la suite
tourna en sa défaveur. Il n’y a pas le lieu de raconter dans ce livre les moindres
détails du siège d’Alésia et celui de la bataille livrée héroïquement [30] par l’«armée de secours» sur les lignes
extérieures érigées par César».
En
style télégraphique : «Alésia ? stop. Rien à dire.» Mais le nettoyage
par le vide n’est pas une argumentation. Imagine-t-on une biographie de
Napoléon qui ferait l’impasse sur Waterloo ?
Justifiée,
cette lacune, malgré tout, mais avec quelle morgue : «Parmi une
abondante littérature, le livre de Michel Reddé, Alésia, présente
l’incomparable avantage d’en faire le récit complet en convoquant à la fois le
texte de César et l’archéologie. Tous les ouvrages publiés après s’inspirent de
ce travail et n’apportent rien de neuf au débat.»
Trop
beau pour être vrai !... Pour mes propres ouvrages, je devrais être
édifiée depuis longtemps. Mais comme je ne me suis pas inspirée, il s’en faut,
de M.Reddé, je n’imagine pas me retrouver dans le même sac-poubelle que Y.Le
Bohec, J.-L.Voisin et J.-L.Brunaux. Ce serait humiliant.
On
est pourtant sans rancune, au doux pays d’Alise ! Y.Le Bohec conclut son
étude par cette appréciation : «À notre avis, il ne sera plus
possible de parler de Vercingétorix comme stratège et tacticien sans utiliser
le livre d’Alain DEYBER qui va plus loin que ses prédécesseurs.» Lesdits
prédécesseurs, en effet, n’avaient pas cru devoir informer leurs lecteurs de ce
que pouvaient être un «combat», une «bataille», une «marche de nuit», une
«attaque», une «guerre civile»… un «siège»… un «soutien»… du
«harcèlement»… une «embuscade»… une «défaite»… des «forêts»… des «montagnes»,
toutes définitions développées en annexe et d’une incontestable utilité. Ils
n’avaient pas non plus évoqué, à propos des légionnaires, «la
redoutable virtuosité des Cosaques du Don dans la danse du sabre ou du poignard».
En
effet, comment se passer de pareil trésor de savoir ?
PETITS
POINTS DE DÉTAIL …
- Le temple de Mercure à
Gergovie :
Un premier temple a été construit vers 50 ap. J.-C.
au sommet du Puy de Dôme. «Bien que des objets datant de la fin de
l'indépendance de la Gaule aient été découverts, aucune trace de bâtiment
gaulois n'a été mise au jour. Ceci amène à supposer qu'avant la guerre des
Gaules, les lieux ne faisaient l'objet que d'une fréquentation épisodique sans
construction pérenne.»
Peut-être. On observera toutefois que, Mercure étant, selon
César (VI, 17), le plus grand des dieux gaulois, il serait étonnant qu’on eût
attendu le 2ème siècle ap. J.-C. pour lui rendre un culte. Un simple
temenos (enclos cultuel) suffisait, de bois probablement, puisque les
Gaulois se refusaient à enfermer leurs dieux dans des bâtiments «humains». Les
chemins processionnels ne peuvent pas dater que du 2ème siècle. Il
devait exister quelque monument sur cette montagne, avant que les Arvernes
aient missionné le sculpteur Zénodore pour l’édification d’une statue de 4
millions de sesterces en ce lieu (Pline, H.N., 34, 18). Pour parodier
les assertions au sujet du camp du Réa, les fouilles n’ont rien révélé, ce qui
n’exclut pas que l’avenir révèle.
- La montagne Nord. «La
montagne au nord d’Alise est effectivement au nord-ouest, mais César ne
précise jamais que la montagne est exactement au nord, et il est très rare
que le latin indique les points cardinaux intermédiaires (nord-ouest,
nord-est, etc.). Il est donc parfaitement normal qu’il utilise le terme
générique de nord pour localiser un relief qui, de fait, est bien au
nord pour César.»
Nouvelle
preuve d’ignorance, que je dénonce depuis mon premier livre sur la
controverse : on n’a pas à aller loin dans le B.G., pas plus loin
qu’au premier paragraphe de son premier livre, pour y rencontrer le fameux
point cardinal intermédiaire, exprimé en toutes lettres par César à propos de
la Belgique : Belgæ... spectant in
septentrionem et orientem solem, «les
Belges… regardent vers le Nord et l’Est», c’est-à-dire : sont situés au
Nord-Est du reste de la Gaule dont l’auteur délimite les différentes parties.
S’il eût voulu évoquer le Mont Réa, personne ne l’empêchait d’écrire ad
septentrionem et occidentem solem. Dont acte.
Nous avons vu la question des abrupts et la situation,
hérétique, du camp Nord, en bas au lieu d’en haut. Excuse
classique : ce camp du sommet existe, mais on ne l’a pas encore rencontré.
- la soif. «La question de l’eau a été
définitivement tranchée en 2010 par Jonhattan Vidal et Christophe Petit : https://rae.revues.org/6500
: l’eau mobilisable par les Gaulois avec les moyens techniques de l’époque est
en quantité largement suffisante sur le site de l’oppidum d’Alise.»
Étude
de cette question «définitivement tranchée», par B.Gay dans la Supercherie
dévoilée. Même P.-M.Duval reconnaît qu’il fallait descendre chercher de
l’eau sur les pentes. Et si les hommes peuvent supporter la soif, le bétail,
non.
- « … se
replie sur Alésia» :
Encore
un jeu sur les mots, où «se replie» est traité comme synonyme de
«s’enfuit» ! Ce n’est nullement un sauve-qui-peut où les fuyards se
dépêchent de se réfugier n’importe où et très près. Toute l’armée de retrouve
sur Alésia, à près de 15 km du champ de bataille, ce qui se comprend mal pour
une «fuite» non préparée. Vercingétorix ne fuit pas, il prend le temps de
rassembler ses bagages et de gagner Alésia. Il y avait laissé le gros de son
infanterie, en prélevant seulement sur elle un «fort contingent», l’avait fait
fortifier et approvisionner en bétail sur pied et en blé, bien sûr en prévision
d’un siège : le § 69 le prouve clairement. Un mur de 2 m de haut ne s’édifie
pas le soir où l’on arrive, et il faut aussi prévoir troupeaux et blé pour un
bon mois, ce qui ne s’improvise pas !
- Omission du Quénot, qu’on
nous reproche...
ce si petit Quénot qu’il n’existe même pas dans la liste des cours d’eau du
Jura, où l’on trouve pourtant jusqu’aux ruisseaux (Wikipedia : Liste
des cours d’eau du département du Jura). Le considérer comme un «affluent
de la Lemme» réjouirait tous les habitants d’Entre-deux-Monts. Le
Conseil Municipal l’évoque, dans le Progrès du 4 juin 2017, comme un «ruisseau».
En fait, un «ru» suffirait amplement, sa taille avoisinant celle d’une
gouttière. (voir photo in fine). D’autant moins fallait-il en signaler
l’existence qu’il ne coule pas dans la zone des combats ; tandis que la
Brenne, elle, traverse la vaste plaine d’Alise, sans offrir de gué ce qui ne
facilite pas les combats de cavalerie.
- Et quant au nom…
«Le nom antique Alesia est attesté par plusieurs inscriptions
gallo-romaines trouvées sur le mont Auxois.»
Attestation
toujours citée mais volontairement et unanimement faussée. La plaque gravée
dite «de Martialis», première source épigraphique, où se lit le nom gaulois
d’Alise, l’écrit : Alisija,
ce qui n’est pas «Alesia».
Confondre les deux est aller trop vite en besogne. César, lit-on
immanquablement, avait entendu de travers le nom de la ville qu’il assiégeait.
Ignore-t-on que certains de ses officiers parlaient parfaitement gaulois, dont
le père de Trogue-Pompée, secrétaire de César, interprète, ambassadeur et garde
du sceau [31].
Un tel personnage aurait évidemment rectifié toute graphie ou toute appellation
orale fautive.
Il
faut approfondir un peu, et s’informer de la répartition des témoignages, plus
que probante.
° Déjà, toutes les
autres inscriptions, que ce soient les jetons de théâtre ou la passoire de
Couchey, portent ALI-
° En revanche, lorsque César
nomme la ville, c’est toujours sous la forme Alesia, avec un E,
de même que les auteurs grecs. Toutes les variantes citées dans le
recueil de J.Le Gall, tant grecques que latines, concordent sur ce point.
° Lorsque, d’un
autre côté, il est question de la ville gallo-romaine puis médiévale d’Alise
Sainte-Reine, tous les cartulaires, les registres paroissiaux etc. l’écrivent
Alisia, avec un I.
° La jonction
entre les deux est opérée par le moine Éric d’Auxerre, traducteur de la Guerre
des Gaules, ce qui peut expliquer l’allusion au siège d’Alésia. Ce poème,
écrit en 864 ap. J.-C. est, comme il se doit, en vers, ce qui justifie la
graphie Ale-, puisque un nom composé d’une initiale brève suivie de
trois i dont un i consonne, est incasable dans un vers latin, où l’exigence
métrique a codifié l’alternance des syllabes longues et des brèves. On ne se
risquerait pas plus à écrire une longue où les règles exigent une brève qu’on
n’espérerait trouver un public ou un lecteur passif, si on lui proposait «2 et
2 font six» ou toute autre hérésie. L’intransigeance était absolue.
°Mais dans
une autre œuvre écrite en prose, cette fois, parlant de la ville
assiégée, il la nomme de son vrai nom, Alisia, puisqu’il n’a plus à
respecter l’alternance obligée des syllabes longues et des brèves.
Il ne
faut donc pas confondre les deux !
- Le fameux murus gallicus ? Les Alisiens eux-mêmes [32] en
attribuent les fragments retrouvés soit à l’Âge du Bronze soit aux temps
gallo-romains. Si ce murus est bien gallicus, il ne peut
correspondre à l’«énormité des remparts» qui protégeaient Alésia (Plutarque) ni
à la ville «fondée par Hercule» de Diodore. Quelque argutie qu’on développe sur
l’époque d’Hercule, ses fondations grecques (Tirynthe, Argos, Mycènes) sont
difficilement datables du IIème comme le sont les oppida
pourvus d’un murus gallicus, mélangé pierre et bois.
… ET
GRANDE QUESTION : LA TAILLE DE L’OPPIDUM
« D.Porte
affirme, dans La Voix du Jura du 1er septembre 2016, que les «90
hectares (du site d’Alise) ne peuvent accueillir que 9000 hommes (Polybe) et
(qu’)ils sont 95 000 nouveaux arrivants sur le Mont Auxois». Cette affirmation
suscite deux questions : pourquoi 90 hectares – en l’occurrence plutôt 97 – ne
pourraient accueillir que 9000 hommes, et où Polybe évoque-t-il la question du peuplement
des oppidums gaulois ? »
J’imagine
que la typographie du journal a fait sauter deux mots, à savoir : «deux
fois», devant «9000 hommes», et en reste contrite.
*
Sachant que 2 légions (2 fois 4500 hommes à l’époque de Polybe = 9000)
occupent 45 ha, on en peut déduire que sur 90 ha on en case 2 fois 9000 ;
mais aussi que toute la surface disponible est couverte de soldats. Gaulois, il
va sans dire.
* Les
97 ha correspondent à la surface totale, reconnue par les Alisiens, du Mont
Auxois.
* Les
1000 ha de «l’oppidum Chaux» semblent, en comparaison, excessifs ? Il ne
faut pas confondre l’oppidum-colline et l’oppidum-ville, désignés
en latin, par le seul mot oppidum (Varron, Tite-Live). Il est certain
que dans les temps de l’arrivée de Vercingétorix sur Alésia, ses troupes ne
campèrent pas dans la ville-même, puisqu’il ne les y admettra que dans un
second temps, quand il en aura fait sortir ses 15000 cavaliers. Si on comprend
«fait entrer ses troupes dans l’oppidum» comme signifiant «fait entrer
ses troupes sur la colline», puisque Alésia est censée occuper toute la
hauteur, c’est qu’auparavant ils étaient dans la plaine !
Il
convient, malgré tout, de ne pas oublier qu’une ville comporte des maisons d’habitat,
des greniers, des espaces réservés aux pâturages, qui doivent être assez
considérables pour avoir contenu les bagages, les 15000 chevaux des cavaliers,
le cheptel des Mandubiens, les «nombreux troupeaux qu’ils avaient fait entrer»
pour nourrir les guerriers gaulois retranchés (B.G., VII, 71). Pour que
Chaux puisse être Alésia, estime M.Reddé, «il manque un
oppidum et une plaine», puisque l’acception classique du mot oppidum
implique qu’une ville occupe l’ensemble de la hauteur. Si la ville occupe tout
le plateau, objecterons-nous, où case-t-on les indispensables pâturages ?
Entre les huttes ?
Sans
préjudice de l’arsenal de guerre dont Vercingétorix disposait (B.G.,
VII, 82, 84, 86), depuis les simples perches à crocs jusqu’aux galeries
couvertes, et qui tenaient de la place, ainsi que les ateliers où on l’avait
fabriqué. En comptant, ne les négligeons tout de même pas, les habitants
d’Alésia, notre «très grande ville, très peuplée» selon Diodore de Sicile (4,
19, 1-2) dont il faut préciser qu'il est contemporain de César. Ce qui laisse
rêveur quand on lit que «5 fonds de cabane» ont été trouvés à En-Curiot, ce que
les Alisiens exploitent à leur avantage en écrivant avec audace : «le
tout permettant d’affirmer que ce quartier, situé à une porte de l'oppidum, a
été densément occupé au Ier siècle avant J.-C.». Densément occupé... Cinq cabanes… pour une «très grande ville, très peuplée…» On conçoit l’intérêt d’ignorer Diodore !
Pour
loger toute cette masse de gens, d’animaux, de bâtiments, la surface du Mont
Auxois est déjà largement insuffisante.
À
coup sûr, je ne connais pas Alise aussi bien que Chaux-des-Crotenay. Je l’ai
néanmoins visitée plusieurs fois, la dernière en compagnie de Franck Ferrand,
et des 5 visiteurs en tout et pour tout que compta l’après-midi du 15 octobre
2016. Je l’ai même survolée en Cesna, et n’en pus croire mes yeux devant la
surprenante exiguïté du lieu, autant que devant l’espace (2,500km sur carte)
qui le séparait des hauteurs – si l’on peut dire – alentour, théoriquement
serrées autour de l’oppidum (B.G., VII, 69, mediocri
interiecto spatio) qui laissaient aux Romains toute la place voulue pour
passer et même, en cas de siège, pour s’installer confortablement dans la
plaine.
Il
est comique de lire que Polybe, au temps des guerres Puniques, aurait pu
évoquer «la question du peuplement des oppidums gaulois». Naïveté
volontaire ? Ignorance des lacunes de notre information sur les réalités
antiques qui ne nous permettent que de procéder par approximation et comparaison
? La seule estimation chiffrée dont nous disposions est celle de Polybe –
traitant de l’armée romaine, évidemment –, et il nous faut bien nous en
inspirer. Je suis partie de son texte parce qu’aucun auteur antique ne s’est
préoccupé de nous renseigner pour ce qui est du peuplement gaulois. Il ne m’a
pas paru aberrant de considérer qu’un Gaulois et un Romain occupaient
sensiblement la même portion d’espace, et surtout pas utile de justifier cette
transposition, ce qui, au surplus, aurait laissé penser que je sous-estimais
l’intelligence de mon lectorat.
Lorsque
les Alisiens tournent en dérision le calcul de Y.Jaouen sur l’occupation d’un
lieu comparable à la surface d’Alise à partir d’un concert d’une jeune
chanteuse moderne, ils manifestent la même navrante ingénuité. Si la salle
Garnier avait présenté des dimensions et un taux d’occupation adéquats, la
fanatique d’opéra que je suis n’aurait pas demandé mieux que d’en faire notre
terme de comparaison. Tant pis pour le snobisme ! Selon le célèbre
alexandrin moderne, «On fait ce que l’on peut avec ce que l’on a !»
Toutefois,
notre comput n’est pas encore satisfaisant. Il ne faut pas loger seulement
l’armée gauloise, les Mandubiens, les maisons, bâtiments, animaux et les
pâturages indispensables, qui restreignent d’autant l’espace susceptible
d’accueillir l’armée de Vercingétorix, il convient de tenir compte du fait que
les «formidables remparts», s’ils existaient, ou même un simple murus
gallicus, seraient forcément construits quelques mètres en retrait des
«falaises». D’où l’estimation des 90 ha, soient 97 diminués de 7, disponibles
pour l’occupation. (suggestion et calcul de Régis Sébillotte).
On
peut augmenter ou diminuer le chiffre, certes, mais il convient d’en tenir
compte ; ce qui, avant R.Sébillotte, homme de terrain longtemps spécialisé
dans l’ingénierie des constructions en pierre, ciments, bétons etc., n’a
jamais été fait. Sauf, peut-être dans une note sur laquelle je tombe par
hasard, jamais utilisée, d’ailleurs, par les Alisiens eux-mêmes, due à René
Goguey :
un «plateau de 90 hectares, défendu par les falaises abruptes de l’Oze et
de l’Ozerain». Toujours les falaises abruptes des deux ruisselets, –
une vue d’avion augmentant peut-être les hauteurs et diminuant les distances –
et pas de détails sur le chiffre, c’est-à-dire sur la surface réelle diminuée
des remparts ; s’il faut, c’est la surface de l’oppidum entier qui
mesure 90 ha, et si on en retranche encore la surface des remparts, que devient
la surface utile ?
Enfin,
si les Gaulois de l’oppidum peuvent, pour suivre des yeux les péripéties
du dernier combat, «sortir en avant de la ville», en VII, 80, c’est bien
qu’Alésia n’occupait pas entièrement le socle montagneux qui la supportait, et
que de l’espace la séparait de ses bords escarpés, assez d’espace pour contenir
une foule de spectateurs. Pas directement sur les falaises, non plus. Principe
de précaution.
Encore
quelques considérations sur les camps :
«Le
recours au modèle des camps romains de Polybe présente le même type
d’approximation. D.Porte s’appuie sur une description des camps romains par un
auteur mort vers 126 av. J.-C., soit plus de 70 ans avant la conquête de la
Gaule. En outre Polybe y décrit des camps d’étape d’une armée en déplacement,
et n’évoque en aucun cas la question de camps construits dans le cadre d’un
siège. D’autre part, César ne donne pas les dimensions des camps implantés
autour d’Alésia.»
Polybe
est un moindre mal, puisqu’il est largement antérieur à César. Mieux
vaut s’appuyer sur le modèle d’un camp antérieur que sur les camps d’Hygin ou
de Végèce, d’époque impériale, dont César eût été bien en peine de connaître
les dimensions ! et ne pas se référer à la colonne Trajane pour donner une
idée de la vêture et de l’armement un siècle et demi avant elle, ce qu’on
trouve régulièrement, et in primis dans l’album de M.Reddé.
Je ne
sache pas que les Romains eussent donné à leurs camps d’étape une configuration
différente de celle des camps de siège. Au contraire, l’uniformité de leur
construction, quotidienne, est facteur de sérénité pour le légionnaire qui y
retrouve l’organisation de sa maison (Polybe, VI, l). Quand on installe un
siège, on ignore combien de temps il durera : un jour, comme le siège
expéditif de Vellaunodunum (VII, 11), ou vingt-sept comme celui, terrible,
d’Avaricum. Après tout, un camp de siège n’est-il pas un camp d’étape qu’on
doit prolonger ? Pour ce qui est d’Alésia, le camp est construit en
arrivant sous la citadelle, et donc comme les camps d’étape ordinaires. Donc,
conformément à la description de Polybe.
La
preuve ? César, toujours, B.G., VII, 68. Dans un premier temps
l’armée arrive sous Alésia et y construit son camp, ad Alesiam castra fecit.
C’est alors un camp d’étape. Dans un second temps César, après avoir examiné la
position, perspecto urbis situ, et reconnu l’impossibilité d’un assaut,
décide l’investissement, circumuallare instituit. C’est alors seulement
que le camp d’étape devient camp de siège, sans que rien, du reste, soit
modifié dans son organisation.
Soucieuse
de raisonner sur des chiffrages antiques, j’ai pris comme base les normes
indiquées par Polybe pour les camps militaires, car on ne dispose pas d’autres
données. Sur quelle base chiffrée antique les Alisiens peuvent-ils eux-mêmes
définir les normes d’un habitat, civil ou militaire ?
Ils
feraient mieux de s’aviser que les effectifs ont varié, entre l’époque de
Polybe et celle de César : Marius, grand-oncle de César, a porté
l’effectif d’une légion de 4500 hommes à 6000, ce qui augmente notablement la
superficie indispensable : les 45 ha sont prévus pour 9000 hommes, pas
pour 12000 !
Si
Vercingétorix a choisi (car il l’a bien choisie, fait fortifier et
approvisionner) Alésia pour y piéger César, c’est que cette place offrait la
surface nécessaire pour y installer son armée. De vastes espaces devaient
entourer le lieu d’habitat, ce qui est le cas sur la hauteur qui porte Chaux.
Il
faut admettre, en effet, que les 95000 arrivants et les chevaux de la cavalerie
ne campaient pas à l’intérieur de la ville. Lorsque Vercingétorix fait
rapatrier toutes ses troupes, c’est dans l’oppidum, pas dans la ville,
ou alors, à Alise, il faut faire éclater les murs ! On doit estimer que le mur
grossier (maceria) et le fossé fortifiaient l’endroit où s’installa
l’infanterie, en avant du rempart de la ville.
Je me
suis étonnée aussi que les camps gaulois aient été installés à l’est. À l’est
d’Alise, évidemment. Je ne contredis nullement le texte de César, j’en fais
seulement l’application au site incriminé, en énonçant toutes les
impossibilités que suppose cette installation : n’est-il pas surprenant
que les combats se soient déroulés dans la plaine des Laumes (ouest) alors que
les camps gaulois étaient à l’est ? Et l’on peut s’étonner aussi que le
mont Pennevelle, bien plus vaste que le Mont-Auxois, n’ait pas été utilisé par
Vercingétorix. Je ne vois là ni «textes tronqués» ni «mauvaise fois»
(orthographe alisienne… No comment !)
«L’ensemble
des effectifs estimés n’a jamais occupé l’oppidum en même temps.»
Les
citations de César relevées ne concernent que les cavaliers (15000 au départ).
Restent les 80000 hommes de l’infanterie qu’on doit bien loger quelque part,
mais pas dans la ville, occupée par les Mandubiens. Eux ne sont pas employés
pour les engagements dans la plaine et campent sur la colline, qui doit donc
pouvoir les accueillir.
M.Reddé
affirme [35]
que les cavaliers sont partis recruter, que les Mandubiens ont été expulsés et
le bétail mangé. À la fin du siège, oui. Pas au début. Pour partir, il
faut bien avoir séjourné quelque part quelque temps ! Pour être mangé, il faut
bien avoir occupé son espace jusqu’à l’abattage, qui ne fait place nette qu’au
fur et à mesure, pas d’entrée de jeu. Il faudrait supposer l’existence de
frigos à l’époque, et... (Biffons : les gens d’en face vont encore
me prendre au sérieux et se scandaliser de l’anachronisme.) Donc,
à l’arrivée sur Alésia, il faut bien caser tout le monde, ce qui, sur Alise,
est mission impossible.
PHILOSOPHIE DE L’HISTOIRE
Dans le droit-fil des affirmations provocantes de Ch.Goudineau,
le Manifeste des archéologues nie l’existence de la Gaule avant César.
Cette
inexistence de la Gaule unifiée n’empêche pas les différentes tribus de se
réunir autour d’une métropole près ou loin de laquelle elles auraient essaimé,
pas plus qu’elle ne les dispense de la réunion annuelle dans la forêt des
Carnutes, tenue «à date fixe», donc aucunement tributaire des événements, «dans
un lieu consacré, au centre de la Gaule», et où «affluent de toutes parts tous
ceux qui ont des différends». Si des Gaulois, de toutes les tribus
indifféremment, y viennent «se soumettre à leurs [36] décisions
et à leurs arrêts», c’est bien que l’autorité des druides, et de leur grand
chef en particulier, est reconnue communément par les Gaulois. La Gaule
unifiée n’existe pas encore, certes, puisque c’est Vercingétorix qui la
forgera [37],
mais les «provinces» existent, et nonobstant leurs particularités, sont
capables de s’entendre en cas de menace venant d’un ennemi commun.
L’unification n’est pas encore là, mais l’unanimité y est.
Elle
est justement signalée par César pour ce début de l’année 52 ! (B.G.,VII,
1), en même temps qu’il évoque le serment prêté chez les Carnutes, incluant le
rite du mélange des enseignes, qui constitue «le plus sacré des liens», grauissima
cærimonia continetur. La liberté qu’ils revendiquent au prix de la guerre ?
Ils la tiennent de «leurs aïeux», libertatem quam a maioribus acceperint.
Des tribus qui se reconnaissent les mêmes aïeux dans un même idéal ne
constitueraient-elles pas une seule et même nation, au moins de cœur ? Je
contrarie gravement la Gaule inexistante, ou la Gaule créée par César, chère à
Ch.Goudineau [38],
je sais. Mais il tombe sous le sens que les Gaulois n’ont pas attendu César
pour se sentir Gaulois.
En
veut-on encore ? Voici l’assemblée générale «de toute la Gaule», totius
Galliæ concilium, tenue à Bibracte (B.G., VII, 63), où le
commandement de Vercingétorix lui est renouvelé ad unum, «à
l’unanimité». Une phrase de César révèle l’enthousiasme de tous les chefs
présents à s’unir pour chasser l’envahisseur, en des termes qui montrent bien
que ce n’est pas une coalition de hasard : «Telle fut l’unanimité de la
Gaule entière à vouloir reconquérir son indépendance et recouvrer son antique
gloire militaire, que la reconnaissance et les souvenirs de l’amitié [avec
Rome] restèrent sans force, et qu’ils furent unanimes à se jeter dans la guerre
de tout leur cœur et avec toutes leurs ressources. (B.G.,VII, 76)».
L’unité politique n’est-elle pas conditionnée d’abord par celle des sentiments
? S’il en est ainsi, avant sa conquête par César, la Gaule est déjà une, et,
pour un moment, indivisible.
Accessoirement,
on ne lit nulle part que les différentes tribus aient dû recourir à des
intermédiaires pour communiquer les unes avec les autres. Pas d’interprètes
entre elles. Si elles n’avaient pas disposé d’une koinè, comme les
Grecs, ce que j’appellerais volontiers un «espéranto gaulois», en usage dans
les rencontres internationales, il leur eût été aussi difficile de se
comprendre qu’il le serait à un Basque ou un Corse de dialoguer avec un Ch’ti
ou un Breton. Par-delà les particularités des divers dialectes, le fond de la
langue devait appartenir à tous les Gaulois, et qui dit «langue commune» dit
par là même origines communes, socle de civilisation commun.
Et
puis, cherchons dans les arcanes de la langue : la première mention du mot
«Gaule» se trouve tout de même chez Caton l’Ancien [39], à l’époque de la 3ème
Guerre Punique, un siècle avant César…
Il
n’est pas question d’envisager, néanmoins, disent nos Alisiens, que
Vercingétorix eût pu tenir la dragée haute à César, ce que ce dernier reconnaît
pourtant plusieurs fois, «Jamais César ne précise être contraint à la
déroute». Il l’a fait, implicitement (quel chef d’armée oserait
écrire : «Voilà, je n’ai plus le choix, je prends la poudre d’escampette
» ?) pour qui, sans beaucoup d’imagination, sait additionner deux et deux,
c’est-à-dire rassembler les indices successifs qui décrivent une situation.
Déjà, Labiénus a rapatrié ses troupes en hâte devant le soulèvement des
Bellovaques suscité par l’annonce de la retraite de César (VII, 59). Dès après
Gergovie, César «s’attendant à un soulèvement massif de toute la Gaule», Ipse maiorem Galliæ motum exspectans, envisage
la retraite «pour éviter d’être enveloppé par toutes les tribus», ne ab omnibus civitatibus circumsisteretur, et
réfléchit aux possibilités de quitter Gergovie consilia inibat quemadmodum
ab Gergovia discederet. Il songe alors à organiser la réunion de toutes les
troupes romaines, ac rursus omnem exercitum contraheret, «sans qu’un
départ décidé sous la crainte d’une défection [40] ne parût une
manière de fuite» ne profectio nata ab timore defectionis similis fugæ
videretur (VII, 43, 5). Le mot «fuite» est écrit en toutes lettres,
même si César avoue explicitement qu’il fait en sorte que cette fuite
passe pour un simple départ, profectio. Jamais auparavant les troupes
romaines n’étaient retournées en Italie sans laisser quelques légions pour
surveiller la Gaule, à Sens, à Langres, à Vienne, à Orléans p. ex. Cette fois,
l'évacuation est complète.
Cette
Gaule capable de faire front commun contre Rome existe donc bel et bien, la
menace est prise au sérieux par César, d’autant plus pressante que son échec
devant Gergovie ne l’incite pas à rester pour y faire face ! Quant à
l’itinéraire, même s’il n’est pas expressément énoncé, il va de soi : «toutes
les routes sont coupées» (interclusis omnibus itineribus (VII, 65) par
les tribus gauloises que Vercingétorix a déployées au fond du couloir Saône et
par les Éduens qui bordent ce couloir : ce barrage de toutes les autres
routes à l’ouest montre bien qu’il incitait César à emprunter, on peut
dire : faute de mieux, la seule qui lui restait permise, celle des cols,
qui existait déjà (route Langres-Genève) providentiellement et
intentionnellement laissée libre. Vercingétorix avait préparé les lieux et ne
fut pas pris au dépourvu, il s’en faut, à l’issue du combat perdu.
Que
l’armée romaine fût la plus importante «jamais mobilisée par Rome dans
toute son histoire en dehors des troupes que Trajan mobilisera lors de la
conquête de la Dacie» n’est pas un argument recevable, puisque cette
armée est largement inférieure aux effectifs gaulois (10 ou 12 légions = 60000
ou 72000 hommes contre 95000 + 254000 Gaulois – est-il utile de
conclure ?)
Le
dernier argument du Manifeste prête même à sourire : «Enfin, précisons
que, si brillant fût-il, Vercingétorix a perdu face à un adversaire très
inférieur en nombre».
Preuve
par les effectifs : nombre ne fait pas loi ! César fut à deux
doigts de perdre le dernier combat, ses soldats fléchissaient de tous les
côtés, lui-même dut monter au secours des siens au camp des hauteurs où la
bataille faisait rage, grandement secondé, du reste, par l’inertie des myriades
venues de toutes les tribus gauloises mobilisées qui se croisèrent les bras,
probablement conditionnées par la haine que portaient les chefs éduens à
l’Arverne Vercingétorix [41]… Que compte, alors, la valeur
militaire ? La Fortune agit à son gré en ces moments de bascule où
victoire et défaite tiennent à un de ses célèbres caprices. Plus que le nombre,
il y faut la cohésion, la discipline des combattants, le génie d’un chef
capable de redresser une situation désastreuse en jouant son va-tout au moment
crucial où tout va se décider, et tout cela intervient et se module au gré des
événements, là où les considérations d’effectifs sont bien dépassées. D’autant
que la réunion des tribus date seulement de janvier -52 alors que l’armée
romaine pouvait se prévaloir de huit siècles de fonctionnement cohérent,
organisé, soumis à une discipline infaillible qui en assurait la suprématie
reconnue sur ses adversaires.
De
plus, condamné à l’impuissance, bloqué sur son Alésia, Vercingétorix ne
participe pas à la bataille du camp Nord, uniquement menée par Vercassivellaun.
Il fut vaincu, absent, plus par la trahison des siens que par l’action
de César. Il porte seul le poids de la défaite alors qu’il avait vaillamment
essayé de franchir les retranchements romains et que César combattait, lui, au
camp de la montagne. Il ne fut donc jamais en face du chef ennemi.
Oui,
il fut «brillant», dans toutes ses initiatives, mais le combat
final fut remporté par ses adversaires contre d’autres que lui, qui avait mené
la guerre jusque-là. Il mérite au moins qu’on lui rende cette justice.
***
Il se
peut, toutefois, que je n’aie rien vu de ce qu’il fallait voir…
«Elle ne semble pas non plus capable de réaliser une analyse critique des
textes pourtant à la portée d'un étudiant de Licence d'Histoire. César fait de
la prise d'Alésia l'apogée de son commentaire de la Guerre des Gaules : la
description du siège met d'ailleurs fin à la partie qu'il rédige lui-même. Le
nombre de chapitres consacrés à Alésia est très supérieur à celui des autres
batailles de la Guerre des Gaules, laissant croire que la guerre est terminée,
la Gaule soumise et surexposant ainsi le rôle de Vercingétorix. On oublie ainsi
un peu vite que la guerre durera encore plus d'un an avec d'autres sièges et
d'autres batailles. L'objectif de la propagande césarienne est évident : César
utilise Alésia pour valoriser sa victoire militaire et préparer son triomphe.»
Il a
bien étudié son catéchisme, l’étudiant de Licence d’Histoire formé par nos
chers collègues, et bien assimilé le poncif d’école primaire des «intentions de
l’auteur». Refusons le bla-bla-bla spéculatif pour rester plus terre à
terre : César aurait arrêté tout exprès son récit de la guerre sur Alésia
pour magnifier sa victoire et préparer son triomphe ? Étrange.
Préparait-il son triomphe en -52, alors que la Gaule n’était toujours pas
conquise (elle le sera avec la chute d’Uxellodunum = Capdenac en – 51), et il
ne célébrera qu’un triomphe en bloc, sur tous les pays vaincus, en août et septembre
46. Gonfle-t-il sa victoire, par les deux mots qu’il consacre à la
reddition de Vercingétorix, qu’il aurait eu tout lieu d’exalter s’il avait
formé des intentions sous-jacentes ? On entend déjà un Cicéron broder sur ce
thème ! César ne s’offre même pas ce luxe. Deux mots, Vercingetorix
deditur, et il suffit.
Cela
nous amène à évoquer la seule explication qu’on donne à ces chiffres
incompatibles avec l’hypothèse Alise : la gloire de César. «César
fut l’un des plus grands menteurs de l’histoire [42]» ose écrire Y.Le
Bohec ! Et donc, les chiffres qu’il énonce ne sont pas à prendre en compte…
Aucun exemple précis à l’appui de ce jugement lapidaire, que des affirmations, tout
aussi gratuites que vagues : «Il a menti pour faire carrière car il
recherchait le pouvoir»… Affligeant. Là encore, la profondeur d’un
fossé est un puissant adjuvant quand on brigue le consulat, ce dont, du reste,
César se moquait bien, étant Triumvir depuis 60 et Proconsul des Gaules depuis
59 !
Ah !
la «gloire de César» ! On la retrouve sous toutes les plumes, sans le moindre
exemple indiscutable, et pour cause, puisqu’on ne dispose d’aucun élément de
comparaison…
La
référence immanquable se porte sur l’ouvrage de M.Rambaud, toujours cité mais
rarement lu, (l'Art de la déformation historique dans les commentaires de
César), qui est une charge outrancière en ce qu’il suppose des visées
politicardes qui déforment régulièrement la vérité. Rappelons que l’auteur va
jusqu’à dénombrer toutes les mentions du nom de «Vercingétorix» dans le livre
VII du B.G., pour montrer que César ne perd pas une occasion de se
glorifier, y compris lorsqu’il précise que Vercassivellaun est «le cousin
de Vercingétorix» parce que cela lui fournit une mention de
plus !!! Et dire que c’est devenu la Bible…
L’argument
moteur des réponses alisiennes à ces écarts entre le texte et le terrain est de
privilégier la recherche archéologique par rapport au texte de César, en
alléguant son manque de précision, voire ses tricheries. C’est oublier que le
chef romain était entouré d’un État-Major qui pouvait facilement rectifier des
distorsions, que ses rapports officiels étaient envoyés au Sénat chaque année
et ne pouvaient plus être modifiés lors de leur réunion en livre, en 51 av.
J.-C. ; que César ne dissimule pas ses échecs, ses hésitations, ses
décisions extrêmes. Était-il obligé, par exemple, de relater l’épisode des
Mandubiens expulsés par Vercingétorix, et qu’il refusa de secourir ou le
châtiment des deux mille défenseurs d’Uxellodunum-Capdenac à qui il fit
trancher les mains ? Bref, il courait plutôt le risque de se desservir
qu’il ne trouvait un moyen de se glorifier. À preuve le jugement que portèrent
les Autorités de Rome : ses ennemis du Sénat, comme Caton, jugeront de
telles représailles «inhumaines».
Au
finale, César est démenti par chaque coup de pioche des archéologues, mais il
est tout de même crédible… Savent-ils au juste ce qu’ils veulent ?
Terminons
par le plus odieux et le plus futile : quand des universitaires perdent le
contrôle…
AIMABLES
APPRÉCIATIONS
«Il
est compliqué d’avoir un débat scientifique avec quelqu’un qui possède un
système de datation basé sur des récits mythologiques et qui
pense visiblement, à la lire, que les Cyclopes ont existé».
De
quoi rire ou pleurer ? Certes, je ne déverse pas, dans des ouvrages «grand
public» des flots d’érudition sur les glaciations du Jura et les galets gravés
à l’Epipaléolithique-Mésolithique : nous serions bien loin de 52 av.
J.-C., qui devrait constituer notre seul propos. Je maintiens simplement qu’il
est difficile de dater menhirs ou mégalithes, par définition dépourvus
d’indications gravées : Stonehenge est-il daté avec précision ? Non,
les prospections Lidar ont même détecté, voilà cinq ans, d’immenses structures
souterraines qui remettent en cause l’estimation traditionnelle.
Cette
fois encore, il est permis de se poser des questions touchant le fonctionnement
de certains cerveaux : pourquoi, étudiant des textes latins et grecs,
ferais-je intervenir des systèmes conçus a posteriori par des savants
modernes ? Bien obligés sommes-nous d’utiliser ceux que les Anciens ont
mis à notre disposition dans l’expression qu’ils leur ont donnée. Et dont l’un
des critères était l’époque des héros et des demi-dieux ou demi-hommes de la
mythologie.
J’ai
écrit, à propos de l’orthostate baptisé «déesse Alésia», qu’elle remontait
«bien plus loin dans le temps» que l'Âge du Bronze. Simple synonyme
d’«antédiluvien». Je ne l’attribue pas formellement à l’époque de Cro-Magnon
dont j’ignore sereinement l’appartenance chronologique, l’estimant sans intérêt
pour le conflit entre César et Vercingétorix. Et je persiste dans mon jugement.
D’autre
part, je précise toujours que les peuples «antiques» (et oserai-je
«préantiques» au risque de crouler sous les dissertations pédantes ?) adoraient
des structures naturelles mais qui présentaient quelque singularité les désignant
à l’attention, voire les retouchaient pour en accentuer les caractères qui
suggéraient une origine divine pour eux, humaine pour nous. Ne pratiquant ni
l’écriture ni les représentations «artistiques» des dieux, les Gaulois et leurs
ancêtres nous ont laissé des témoignages muets de leurs croyances, forcément
soumis à la conjecture. Myriam Philibert en a étudié [43] les diverses expressions,
rapproché les formes et les signes, décrypté les symboles, dégagé l’importance
des orientations, des dispositions circulaires, des accompagnements de pierres
alignées, et nous nous rejoignons sur bien des points, sans espérer pouvoir
affiner davantage une datation impossible en soi.
Mes
interprétations sont «délirantes» : peut-être… mais fondées sur une
information sérieuse touchant les cultes antiques – ma spécialité
universitaire officielle. En tout état de cause, elles sont comprises de tous
les lecteurs, ce qui n’est pas le cas pour les dissertations des archéologues.
Pour présenter un site méconnu et dans la globalité de son contexte historique,
il est tout de même nécessaire d’être compris. Je pense que «mur cyclopéen»
parle davantage que «mur en opus siliceum du Latium primitif émigré en
Gaule»…
On
lit d’ailleurs partout que les constructions de Mycènes ou de Tirynthe, entre
1600 et 1100 av. J.-C., sont attribuées à Hercule à cause de la dimension
de leurs pierres, ce qui correspond exactement à l’époque de la guerre de Troie
(1334 ou 1135), à laquelle participa Hercule. Se gausser de l’existence réelle
d’Hercule ou des mythes troyens est vraiment ne rien connaître à l’utilisation
antique de la mythologie : Strabon, par exemple, signale la présence
d’Hercule dans les récits fondateurs d’un bon nombre de peuples méditerranéens,
ce qui faisait du demi-dieu un repère chronologique familier à tous ses
lecteurs.
Nous
présentant, donc, comme de doux fantaisistes, le Manifeste des Archéologues en
vient à dénigrer notre information et le sérieux de nos recherches. «Au
mépris de toute déontologie ils [=les «Jurassiens»] ignorent
volontairement les rapports de fouille et de sondages.»
Bien
au contraire, pour écrire la Supercherie dévoilée, J.Berger,
J.Rodriguez, E.de Vaulx et moi-même avons épluché les trois gros volumes du
grand rapport de fouilles publié sur les travaux de 1991 à 1997 par Michel
Reddé et Siegmar von Schnurbein (en 2000, 957 pages, 2129 notices), ainsi que la
communication présentée devant l’Institut par M.Reddé, le 2 avril 1993.
Toutes
les distorsions que j’ai signalées dans l’Imposture Alésia 1 et 2,
et dans la Supercherie dévoilée sont extraites de ces Rapports,
qui citent les doutes et les aveux des rédacteurs eux-mêmes concernant leurs
propres travaux. Je laisse Michel Reddé saper lui-même les merveilleuses
recherches qui prouvent «indubitablement» qu’Alise fut Alésia : le
fossé césarien de 20 pieds «n’est pas à 120 m de la contrevallation, mais
il n’est même pas à 600, et il n’a de toute façon pas 20 pieds de large. Les
lilia, les stimuli, les cippi n’ont jamais été retrouvés au complet et dans le
bon ordre.» […] «Le catalogue du matériel comprend des
objets intrusifs postérieurs à l’épisode de 52, de même qu’il comprend du
matériel plus ancien. On se gardera donc de conclure que tout objet retrouvé
dans les fossés d’Alésia constitue nécessairement un repère chronologique
absolu.» (M.Reddé, Rapport de fouilles, Paris, 2000, p.
501-502). Et ce n’est qu’un
exemple !
«Ces
personnes ignorent les progrès des recherches historiques et archéologiques des
30 dernières années.»
Les
30 dernières années n’ont apporté aucune nouveauté «historique», le déroulement
du siège n’ayant guère pu varier depuis que César – le mieux informé il me
semble – l’a retracé. Qu’on nous montre seulement un seul progrès décisif pour
l’identification d’Alésia que la recherche actuelle aurait pu apporter… Pas du
bavardage ou de l’enfumage savant, mais du concret, du probant !
Les
plans du siège proposent toujours les reconstitutions de Napoléon III, dont on
connaît depuis l’origine les tricheries (fortifications au-dessus d’une
basilique, gommage d’un fossé en trop, etc.). On souhaiterait un plan
conçu en fonction des «progrès archéologiques des trente dernières années»
faisant état des vestiges réellement retrouvés. Mais les Alisiens se
fondent toujours sur les plans napoléoniens qui ont bravement supposé des
continuités de fossés là où aucune fouille n’a été pratiquée. Tout en nous
accusant d’en rester aux rapports établis sous Napoléon…
Sœur
Anne, ne vois-tu rien venir ?
Les
signataires versent alors dans la pure calomnie : «Ils refusent de
publier leurs théories dans des revues scientifiques reconnues comme ils refusent
de communiquer leurs résultats lors de colloques nationaux et internationaux.»
Il
est facile de répliquer : Encore faudrait-il qu’on nous le propose !
Quel colloque centré sur Alésia nous a jamais contactés pour y
participer ? Lorsque François Chambon prit l’initiative de téléphoner à
Bibracte pour demander s’il y aurait place, au colloque organisé là, pour un
exposé sur Alésia à Chaux-des-Crotenay, la réponse, donnée par une voix anonyme
(nous apprenons par le Manifeste qu’elle devait être celle de Mme Nuninger) fut
sans équivoque : ce serait extrêmement difficile, voire impossible. Aucune
justification.
Et si
l’on envoie un article à une revue internationale, il est refusé parce qu’il
porte sur un sujet «trop polémique»… (ainsi, Latomus, pour un
article sur Héric d’Auxerre, pourtant rédigé suivant les strictes normes
universitaires, selon mon habitude). Quant aux revues de vulgarisation, dans
lesquelles la plume des historiens d’Alise ne dédaigne pas de se commettre, si
elles publient ad nauseam des fascicules sur Alésia, Vercingétorix,
César, le génie méconnu des Celtes etc., elles ne répondent jamais aux
propositions d’études qu’on peut leur adresser [44]. Rien d’étonnant : elles sont
toutes des satellites du groupe Errance / Faton, ancré sur Alise.
Pour
qu’il y ait refus, encore faut-il qu’il y ait offre !
À ma
connaissance, le colloque international sur Alésia est encore dans les limbes.
Si toutefois un téméraire se risquait à imaginer un vrai débat sur la
question, non pas un échange biaisé comme le fut celui de Beaune, inutile de
dire que nous répondrions présents !
Puisque
morgue et dérision président à l’exposé des titres d’universitaires alisiens
aussi bien qu’à la réfutation des aptitudes de nos partisans, il nous faut bien
justifier ce qui n’aurait aucun besoin de justification si les archéologues alisiens
voulaient bien cesser de se draper dans leurs dignités au lieu de regarder en
face la réalité. J’ai amplement traité la question des titres dans le blog
précédent (Être ou ne pas être… du sérail) et me bornerai donc à
compléter.
Le
Manifeste des archéologues vise évidemment à impressionner grâce à un étalage
de titres, chaque fois répétés. Comme si le nom seul ne suffisait pas à vous
faire exister. Normalien un jour, Normalien toujours ! Mais il faut
y regarder d’un peu près. Car un titre ne donne pas automatiquement la
compétence, lorsque le sujet qu’on traite touche à une pluralité de domaines
étrangers au simple exposé historique aussi bien qu’à la recherche
archéologique ; et qui exige des connaissances et une expérience approfondies
dans bien des aspects scientifiques et techniques, militaires et civils, dont
l’exploitation échappe à la compétence des archéologues, parce qu’ils exigent
qu’on regarde l’ensemble des données autrement qu’avec le petit bout de la
lorgnette.
Aucun
des récents auteurs d’ouvrages sur Alésia (Y.Le Bohec, J.-L.Voisin,
J.-L.Brunaux, A.Deyber) n‘a signé le Manifeste, quoiqu’ils aient défendu le
site bourguignon avec les mêmes arguments que ses signataires,
c’est-à-dire en évitant soigneusement toute discussion portant sur les réalités
d’Alise, déclarée une fois pour toutes intouchable par les Grands Maîtres, et
que, donc, il est sacrilège de toucher. «Alise est une référence qui ne
prête pas à discussion», écrit M.Reddé, p. 123 de son Alésia,
l’archéologie face à l’imaginaire, 2002. Il n’y a rien à voir, passez.
Seconde
constatation qui saute aux yeux : les spécialités des archéologues ne
concernent nullement César et son époque. Leur association résulte
davantage de solidarité de classe ou de profession que de véritable intérêt
pour l’époque républicaine de Rome, pour Alésia ou pour César.
Proto-histoire... paléo-environnement… archéologie de l’Antiquité… muséologie…
géomati(qu)e… tout cela est fort respectable en soi, mais bien éloigné de la
guerre des Gaules et de 52 av. J.-C. J’aimerais bien interroger
individuellement les signataires pour leur demander, par exemple, d’expliquer
la stratégie du dernier combat…
Mes
collaborateurs, choisis précisément parmi les spécialistes de ces «domaines
extérieurs et complémentaires», ne sont pas «universitaires», et pour cause.
Mais au sujet d’ossements de chevaux exhumés, l’avis d’un vétérinaire, par
exemple, est bien plus recevable que celui de muséologues ou de géomaticiens,
si respectable puisse-t-il être… Les co-auteurs de la Supercherie dévoilée, 2014,
publiée pour rétablir la vérité sur les arguments qui «prouvent»
qu’Alise fut Alésia, ont mis, eux, leurs compétences professionnelles au
service des recherches techniques sur les points cruciaux du siège d’Alésia,
passés sous silence par les archéologues et les historiens d’Alise, quoiqu’ils
entrent pour beaucoup dans la compréhension du siège et donc dans sa
localisation : questions d’itinéraires, de longueurs d’étapes ;
reconstitution des péripéties du siège ; chiffrage des effectifs et des
délais indispensables à la réalisation des travaux nécessaires pour encercler
Alise ; estimation des mesures et surfaces en fonction des occupants,
hommes, animaux, matériels ; conditions de vie : peuplement, hydrologie,
pollution, hygiène ; opérations stratégiques ; fonctionnement des
engins militaires ; datation des artefacts (monnaies, fibules, amphores), etc.
Voilà
qui est plus utile à la question Alésia que de dépenser un paragraphe à définir
ce qu’est une marche de nuit, ou échafauder de nouvelles théories sur la
sédentarisation des chasseurs-cueilleurs primitifs !
(Michel
Reddé et Christian Goudineau), nous dit-on, «sont des agrégés de lettres
classiques, formés à l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm, pensionnaires
de l’École française de Rome, et des philologues reconnus avant d’être des
historiens et des archéologues».
L’agrégation
de lettres classiques ne confère pas l’infaillibilité même dans la traduction.
Lorsque des agrégés traduisent, par exemple, altero die par «le
surlendemain» ou in longitudinem par «en largeur» on peut s’inquiéter.
L’argument
des appellations et diplômes, acquis par définition en début de carrière, n’en
est pas un : seuls doivent compter les ouvrages publiés ensuite, lorsqu’on
s’est eu spécialisé dans telle branche de la recherche, voire dans plusieurs.
Ainsi procède-t-on sur les formulaires et questionnaires… à l’étranger.
Puisqu’il
faut donner dans les vétilles prestigieuses : quoique issue de la filière «Lettres»,
j’ai rapidement mis de côté la philologie pure pour m’intéresser à l’histoire
et à la civilisation de Rome, et présenter une thèse de doctorat d’État
sur un sujet d’histoire de la religion romaine (1980). Ce titre est supérieur à
une simple agrégation, puisqu’il demandait, en son temps, un minimum de dix ou
douze ans de recherche avant une soutenance de thèse. Au vu d’une centaine
d’études dont la majeure partie porte sur des points controversés ou restés
mystérieux de la religion et de l’histoire romaines, je pense passer aux yeux
des chercheurs universitaires pour quelqu’un de sérieux. On se doute bien,
également, que je ne suis pas le seul chercheur à investiguer sur le problème
d’Alésia et sur le texte de César. Avant de me prononcer sur tel ou tel point,
j’ai toujours eu soin de soumettre mes textes aux collègues compétents,
notamment philologues. Ils sont unanimes.
Et
nous sommes rejoints tous les jours par des spécialistes en toutes branches,
séduits par la pertinence de nos raisonnements, tandis que le grand public
(notamment les 1600 personnes qui ont signé le Livre d’or de l’exposition «Et
si César avait dit vrai ?» à Château-Chalon, entre avril et octobre
2016), s’étonne que des doutes puissent encore subsister et que les universitaires
nient encore l’évidence. Beaucoup de Bourguignons ont d’ailleurs abandonné
l’hypothèse Alise et nous l’ont dit ou écrit. Quant à l’étranger… Je citerai
simplement un courrier adressé, d’Oxford, à Michel Wartelle, par le Professeur
d’Archéologie européenne Barry W.Cunliffe, le 6 janvier 1995 :
« Dear Mr Wartelle,
It
was extremely kind of you to take the trouble to write to me about Alisia, and
the claim of Chaux-des-Crotenay to be the site of the famous engagement.
I do
not know the book to which you are referring, but I will make sure that I
obtain it. Your comments were extremely interesting to me. I visited Mont
Auxois some years ago with a copy of Caesar’s Gallic Wars in my hand, and I
must confess I did not find that the two fitted very well, though I was
prepared to accept the general opinion of my French colleagues. I will now try
to take the opportunity to re-think the situation inspired by your letter.
Thank
you again for your kindness and interest
(formule
de politese illisible) Barry Cunliffe»
« 6 janvier 1995,
Cher Monsieur Wartelle,
C'était très aimable à vous de prendre la peine de m'écrire à
propos d'Alisia, et de la revendication présentée par
Chaux-des-Crotenay : être le site du célèbre engagement.
Je ne connais pas le livre dont vous me parlez, mais je ferai
mon possible pour me le procurer. Vos commentaires étaient extrêmement
intéressants pour moi. J'ai visité le Mont Auxois il y a quelques années avec
un exemplaire de la Guerre des Gaules de César à la
main, et je dois avouer que je n'ai pas trouvé de concordances évidentes.
Néanmoins, j'étais tout disposé à accepter l'opinion générale de mes collègues
français. Je vais maintenant essayer de saisir l'occasion pour repenser la
situation inspirée par votre lettre.
Merci encore pour votre gentillesse et votre intérêt : Barry W. Cunliffe. »
Voilà qui est clair.
Passons encore une fois à la bienséance. Puisque le nom de Franck Ferrand est
associé à celui de Danielle Porte, je me permets d’évoquer en propres termes,
pour ceux dont je sais qu’ils s’en régaleront, «les invectives gratuites
et insultantes de Franck Ferrand». Lui qui se fait traiter
régulièrement d’«historien de pacotille», de «pseudo-historien»
ou d’«historien d’occasion», s’est borné à répondre par trois mots
éloquents aux épithètes malveillantes que nous avons subies des années durant et
dont lui-même bénéficie dans ce Manifeste («F.Ferrand a un DEA d’histoire
moderne sur Versailles et se contente de recycler des thèses éculées et
complotistes, sans rien apporter de nouveau»). Il a simplement
affecté aux trois auteurs d’ouvrages récents qui ont sévi contre nous
sans nous épargner des avanies qui suent une indéniable malveillance [45], les
noms des trois Mandarins du Turandot de Puccini. J.-L.Voisin, Y.Le Bohec
et J.-L.Brunaux sont donc devenus Ping, Pang et Pong. «Invectives» ?
«Gratuites» ? «Insultantes» ? Signe de culture, plutôt. Il n’est pas
interdit de préférer l’esprit à l’injure ou à la calomnie. Mais doit-on mettre
une note, à l’usage des incultes, chaque fois qu’on recourt à une
citation ? Il faut croire. Navrant.
Le
Manifeste poursuit dans le dénigrement : «… (de l’absence de toute
publication scientifique argumentée), catégorie de publication dont D.Porte et
F.Ferrand sont parfaitement incapables»… Ni Franck Ferrand ni Danielle
Porte n’ont la prétention de traiter de questions hautement spécialisées, en
archéologie tout au moins, tandis qu’est parfaitement de leur ressort une
réflexion sur une question d’histoire antique, à rendre accessible aux cerveaux
doués d’une vertu indispensable et indépendante du savoir pédantesque :
le simple bon sens.
Vulgarisateurs ?
Certes. Et sans complexes. Pourquoi refuser au «peuple», uulgus, la
connaissance historique, sous une forme qui lui permette de comprendre ce qu’il
lit ? Si l’on écrit à l’usage des seuls initiés, que ne garde-t-on ses
cogitations pour soi et les siens ! Je constate tout de même, et l’ai dit,
que les spécialistes ne jugent pas indigne de leur transcendance les revues
d’histoire et d’archéologie «populaires» (qu’on achète et lit souvent
uniquement à cause des fort belles photos) dont le succès et la multiplication
montrent bien qu’elles intéressent ? Et là, plus de jargon, de sabir,
d’hébreu ou de sanscrit scientifiques, preuve que les archéologues descendent
parfois de leur piédestal. Qu’ils n’invectivent donc pas leurs homologues qui
ont adopté la règle d’écrire simplement.
Le
savoir, ces derniers le possèdent, sur la question d’Alésia. Sans atteindre
l’érudition inimaginable de Franck Ferrand sur le thème d’Alésia, dont il
connaît à la virgule près, sans textes, en langue originale – bien que n’ayant
aucun diplôme de Lettres classiques – toutes les sources grecques et latines,
ceux qui collaborent aux écrits sur la guerre des Gaules ont creusé dans le
détail les points importants et les questions qu’ils posent. Et il suffirait
que les signataires aient pris la peine de lire les 517 pages, en tout petits
caractères pour le chapitre sur Alise, de mon Alésia, l’imaginaire de
l’archéologie, 2010, pour que ce type d’appréciation ne sorte pas de leur
plume. Si mes publications ne sont ni scientifiques ni argumentées, que
faut-il, alors... Toutes les références y figurent… Et tout un chapitre de
la Supercherie dévoilée commente le Rapport de fouilles dans le
moindre détail.
«C’est
là un florilège rare d’ignorance.»…
En
résumé, les archéologues du Manifeste n’ont pas compris que nous ne parlions
pas le même langage qu’eux, Franck Ferrand et moi ; que la simplicité de
l’expression n’enlevait rien au sérieux de la démonstration ; qu’il était
vain, dès lors, de reprocher un langage non universitaire à des ouvrages qui ne
voulaient surtout pas l’être. Vain, surtout, de déverser sur nos têtes des
torrents d’une érudition complètement inutile sur la géologie dans le Jura,
puisqu’elle n’éclaire en rien les structures cultuelles néolithiques ou les
vestiges militaires et césariens à décrypter, dont elle nie, au surplus, la
simple existence.
Mieux
vaudrait, de l’un ou l’autre des signataires, un volume intitulé Alésia-Alise,
52 av. J.-C. ! Mais là…
Pour
conclure sur ce lamentable Manifeste, débordant d’accusations fielleuses et
dérisoires, je me bornerai à laisser mes lecteurs juger du haut niveau de son
contenu grâce à quelques citations que je rougirais, à la place de leurs
auteurs, d’avoir signées :
«On
rappellera que la localisation d’Alésia à Chaux-des-Crotenay est une
escroquerie intellectuelle fondée sur le mensonge, l’imposture, la manipulation
des textes antiques et la falsification des résultats de fouilles
archéologiques.»
Comment
qualifiera-t-on, en ce cas, la localisation à Alise Sainte-Reine !
Aux
yeux de ses défenseurs, elle est le résultat d’une démonstration
impeccable : «Nous confirmons d’abord que l’oppidum du mont Auxois à
Alise Sainte Reine et le siège militaire du Ier siècle av. J.-C. qui y a été
révélé par l’archéologie correspondent bien à la bataille d’Alésia».
et :
«Aucun
piège ou élément défensif n’échappe à la description césarienne : c’est
essentiellement leur association et leur organisation spatiale qui peuvent
varier. Tout ceci est bien évidemment expliqué en détail dans les différentes
publications liées aux fouilles de 1991-1997 que D. Porte est censée avoir lues.»
«Nous
confirmons»… sur quelles bases ? Sur quelles découvertes nouvelles
qui viendraient sceller la question et les bouches des adversaires ? Rien
de nouveau qui puisse réfuter définitivement les objections que soulève
toujours le choix du Mont-Auxois. Une «confirmation» aussi bien étayée
suscitera difficilement l’adhésion. «Croyez ce que nous disons parce que c’est
nous qui le disons». Ou, très récemment, sous la plume de François Sauvadet,
dans Côte d’Or Magazine, 14.2.2018 : «Nous sommes le seul
site qui a acquis la certitude que nous sommes bien à Alésia, parce que
d’autres n’ont pas fait les efforts de valorisation que nous avons faits. Si
nous les avons faits justement, c’est que nous sommes sûrs qu’Alésia, c’est là». En
termes clairs : Alésia est en Bourgogne parce que la Bourgogne a beaucoup
plus dépensé que le Jura pour amener à l’affirmer. Et ces dépenses nous
permettent d’affirmer que c’est là». À quoi bon se ruiner pour prouver ce dont
on est certain ? Le somptueux Muséoparc peut-il imposer un dogme que les données
antiques, la simple raison et les résultats aberrants des fouilles dénoncent
dès qu'on prétend en approfondir les racines ? À l’argument d’autorité
s’ajoute, à présent, l’argument finances… ce qui veut tout dire.
Bref,
c’est un hymne vibrant à la toute-puissance de l’Archéologie qui nous fait
atteindre les sommets de l’outrecuidance : «Ce n’est pas le texte
latin qui peut éclairer la localisation, mais la localisation qui permet de
choisir comment traduire le texte de César.»
Prétention
ahurissante. Il faudra donc corriger, pour éditer son texte, toutes les
distances inter-tours (6 ou 7 différentes), toutes les profondeurs et largeurs
des fossés, autant de fois qu’il y a eu de fouilles, sans parler du grand
fossé ; descendre le camp Nord dans la plaine ; multiplier la surface
de l’oppidum par dix ou douze ; tasser la plaine jusqu’à ce que sa
longueur devienne sa largeur ; écarter la ceinture de collines à plus de
deux kilomètres etc… Bref, imposer une caricature.
Et
instaurer une guerre, bien futile, entre rats de bibliothèque et creuseurs de
trous…
Les
trouvailles anachroniques, depuis l’Âge du Bronze jusqu’aux temps mérovingiens,
signifient-elles quoi que ce soit pour ce qui concerne un siège de 52 av.
J.-C. ? L’extravagance des mesures et des chiffres de toute sorte
concernant les fouilles, en face de ceux qu’a écrits celui même qui fit
réaliser les travaux, permet-elle cette substitution insoutenable ? Si
l’archéologie d’Alise éclaire les écrits de César, ils sont bons à brûler en
place publique.
Laissons
le grand chef des Alisiens, M.Reddé, calmer lui-même l’enthousiasme excessif de
ses partisans trop zélés : «L’archéologie montre à l’évidence que cette
description [= de César] ne correspond, pour l’instant, à aucun des
secteurs explorés : les systèmes défensifs romains varient d’une ligne à
l’autre, d’un point à l’autre du site, parfois à quelques centaines de mètres
de distance. [46]»
César dirait : «Sans commentaires».
© Danielle Porte
[1] J’ai
fini par comprendre d’où provenait l’incommensurable hargne de ce personnage à
mon égard : c’est un élève d’Olivier de Cazanove, chargé de fouilles
à Alise Sainte-Reine. Vrai !... Ce petit ?... Déjà
prête-plume ! Se peut-il ?... On n’est jamais trop jeune
pour cajoler sa carrière, voyons !…
[2] En
B.G., VII, 71, 2, répété en VII, 75, 1.
[3] Le
chiffre de 11000 donné par le manuscrit α, considéré comme le plus
conforme au texte de César par L.-A.Constans, est retenu par tous les éditeurs
du B.G., douze, que recense l’édition de K. Jungermann en 1669 ; la
version grecque qu’il cite écrit 96 stades pour la contrevallation, 112
pour la circonvallation. Sachant qu’un stade équivaut à 184 m, la
contrevallation mesure, chez ce Grec, 17,664 km et la circonvallation
20,608.
[4] M.Reddé,
article de Ch.Thévenin dans les Dépêches du 7 août 2003
[5] Ce
chiffre de 15 km figure p. 141 d’Alésia, A.Berthier, 1990. Entre 15 km
et 21/22 km, il existe une petite différence ! On admet une estimation de
15 à 16,2 km, pas davantage.
[6] On
remarquera que le calcul, fondé sur les plans alisiens, par addition des
segments dessinés, ne révèle que 12 km… Noter aussi le tracé fantaisiste des
deux lignes de défense, tantôt exagérément écartées sans raison, tantôt presque
jointives (110 m d’écart), ce qui oblige à rejeter les camps à l’extérieur et
constitue une pure aberration militaire. Les considérations de reliefs à
contourner ne peuvent être invoquées pour les camps de la plaine des Laumes.
[7] B.Gay,
dans Alésia, la Supercherie dévoilée, 2014, passim.
[8] Quoniam
tantum esset spatium complexus, nec facile totum opus corona militum
cingeretur.
[9] J’emploie
ce mot, dénoncé par les Archéologues, car je renonce à comprendre leurs
arguties sur l’«ambiguïté» du mot
«bord», avec laquelle je suis censée jouer. Ce qui se conçoit bien… Prétendre
que des cours d’eau «baignent le pied» d’une colline à… 300 m de distance est
une affirmation éhontée.
[10] Même récit, mais avec distribution correcte de
Gergovie et d’Alésia chez Strabon, IV, 7. Son texte a-t-il été utilisé
par Florus, et ce dernier, ou un copiste, a-t-il commis un «bourdon» sur
quelques mots de son modèle ?
[11] Et
encore ! Cette identification est bancale, puisque Fain n’est pas située
dans une plaine ; cf étude de toutes les «plaines» envisageables et
trop éloignées du site par F.Chambon (Supercherie dévoilée, 2014).
J.-L.Brunaux tranche le nœud gordien en ne se posant pas la question de
l’itinéraire parcouru entre le combat de cavalerie et le site du siège :
il se déroule bien à 15 km d’Alise, mais où ?... Bonne question ;
mais sans réponse… pour cause. J.-L.Brunaux, 27 septembre 52
avant j-.C., Alésia, 2012, p. 67.
[12] Suggestion
de G.Lopez.
[13] Alésia…
imaginaire, 2003, p. 44 & 46.
[14] C.Grapin , l’Alésia de
César au regard de l’archéologie, dans l’Archeothema, 22.6, 2012,
45-51, p. 51.
[15] P.
ex. R.Goguey, cf. n. 33.
[16]
C.Grapin , dans Archeologia, h.s. 14, 2012, p. 22.
[17] P.
ex. dans le Figaro Histoire, 9, 2012, p. 62 ; le Monde, Histoire
et civilisations, 12, 2015, p. 32-33.
[18] §
83 : Erat a septentrionibus collis […] Haec Gaius Antistius Reginus et Gaius Caninius
Rebilus legati cum duabus legionibus obtinebant. Maxime ad superiores
munitiones laboratur, quo Vercassivellaunum missum demonstravimus. §
86 : Caesar Labienum cum cohortibus sex subsidio laborantibus
mittit ; § 87 : eo quo Labienum miserat contendit; cohortes
quattuor ex proximo castello deducit. Tout se passe au Nord.
[19]
Étude critique chiffre à chiffre dans Alésia, la Supercherie dévoilée,
2014, p. 41 à 80. Tous les chiffres examinés proviennent des ouvrages de
J.Le Gall, M.Reddé, M.Mangin et du Rapport de fouilles (M.Reddé et
S.von Schnurbein). M’accuser de manipuler ou d’inventer les chiffres revient
donc à mettre en doute leurs augustes écrits.
[20] Déjà
M.Reddé, dans sa communication à l’Académie, 2.4.1993, 281-320,
p 311.
[21] Rapport de fouilles, p. 86.
[22] Si on
estime le poids d’un potin gaulois, p. ex., entre 4 et 5 g, notre guerrier
aurait transporté sur lui 3,775 kg parfaitement inutiles dans un combat, et
même exposés à tous les dangers !
[23]
L.Olivier, l’Archéologie du siège d’Alésia, dans l’Archéothema
22, 2012, 52-59, p. 59. L’idée apparaît d’abord sous la plume de J.Le
Gall.
[24] Op.
cit. supra, p. 313.
[25] C.Grapin, op. cit. (l’Archéothéma).
[26] Est-il
utile qu’un pays soit unifié pour qu’il reconnaisse une métropole
religieuse ? Qui dit métropole suggère aussitôt un éclatement de
divers peuples issus d’elle, loin de toute unification politique. Le Vatican
n’est-il pas une métropole religieuse pour bien des peuples d’Europe, pourtant
éloignés de l’Italie ?
[27] Hapasès
tès Keltikès Hestian kai mètropolin (Ἁπάσης τῆς Κελτικῆς Ἑστίαν καὶ μητρόπολιν.)
[28] J.Le
Gall, Alésia, textes littéraires antiques, Paris, 1980 (1973), p. 56.
[29] Alésia,
la bataille décisive, dans le Nouvel Observateur h.s. 78, 2011,
50-52,
[30]
Remarquons que, une fois de plus, tout se passe dans la plaine : cette «bataille livrée héroïquement» sur les
lignes extérieures n’est pas celle du gros de l’armée de secours, qui n’eut
rien d’héroïque puisqu’elle ne combattit pas, mais l’expédition de
Vercassivellaun, dont l’auteur ne connaît décidément pas l’existence !
[31] Justin, Hist. Phil., 43, 5, 11-12.
[32]
Fabienne Creuzenet, Cherche Gaulois désespérément, dans Historia,
77, 2002. Même nombre dans le Manifeste de 2017. Seize ans après, les
cherche-t-elle toujours ?
[33] Vingt
ans d’archéologie aérienne, de la Bourgogne à l’Alsace, dans Archeologia,
132, 1979, 71-82, p. 74.
[34] Ce
qui donne, pour 10 à 12 légions autour d’Alésia, 60000 à 72000 guerriers, et
non «40000 à 45000 » comme le veulent L.Olivier, op. cit., p. 57, et
les études actuelles. Non. Une légion époque César compte 6000 hommes, aucune
hésitation. Il suffit de fonder la multiplication sur le bon chiffre…
[35] Alésia,
l’Archéologie… imaginaire, p. 148.
[36] Celles
des druides, auxquels sont consacrés les § 13 et 14 du livre V.
[37] Il le
dit en propres termes au § 29 du livre VII, lorsqu’il dévoile ses
intentions : «Il fera en sorte de rallier celles des cités qui ne
s’associent pas aux projets du reste de la Gaule, et fondra en une seule les
volontés de l’ensemble de la Gaule, unanimité à laquelle même le monde entier
ne soit pas en mesure de faire face.»
[38]
Parmi de nombreuses expressions, la plus expéditive se trouve dans Il était
une fois la Gaule, dans le Nouvel Observateur, 4-10.8.2005 ;
aussi : la Gaule n’a jamais existé, dans Historia, 77, 2002,
74-75.
[39] Dans
les Origines ; cité par Varron, R.Rust., I, 2.
[40] On
traduirait volontiers par «lâchage», la coalition des peuples auparavant amis
et alliés de Rome étant considérée comme une traîtrise.
[41] VII, 63, lors du concilium de Bibracte. Les troupes de l’armée de secours qui auraient dû compléter l’attaque des Gaulois sur deux fronts (oppidum et camp Nord) sont restées dans leurs camps (Fit protinus hac re audita ex castris Gallorum fuga.)
[42] Comment on devient César, dans le Figaro Histoire, 3, août-sept. 2012, 48-51, p. 50.
[43] Dans le Grand secret des pierres sacrées, Monaco, 1992. Aussi : Dictionnaire des symboles fondamentaux, éd. du Rocher, 2000 ; la Pierre, Pardès, 2004 ; B.A.BA des Mégalithes, Pardès, 2000.
[44] Hormis quelques belles pages de Science et Inexpliqué, 16, 2010, dues à Bernard Alain-Jean, La Vérité sur Alésia.
[45] Pour Turandot : Figarovox, 30.5.2014 ; voir ce blog «À chacun sa vérité».
[41] VII, 63, lors du concilium de Bibracte. Les troupes de l’armée de secours qui auraient dû compléter l’attaque des Gaulois sur deux fronts (oppidum et camp Nord) sont restées dans leurs camps (Fit protinus hac re audita ex castris Gallorum fuga.)
[42] Comment on devient César, dans le Figaro Histoire, 3, août-sept. 2012, 48-51, p. 50.
[43] Dans le Grand secret des pierres sacrées, Monaco, 1992. Aussi : Dictionnaire des symboles fondamentaux, éd. du Rocher, 2000 ; la Pierre, Pardès, 2004 ; B.A.BA des Mégalithes, Pardès, 2000.
[44] Hormis quelques belles pages de Science et Inexpliqué, 16, 2010, dues à Bernard Alain-Jean, La Vérité sur Alésia.
[45] Pour Turandot : Figarovox, 30.5.2014 ; voir ce blog «À chacun sa vérité».
Nos Mandarins :
Entre diverses perfidies pour le moins déplacées, dont un
portrait du contestataire-jurassien-type, qu’on pourrait appliquer trait pour
trait à l’Alisien moyen (!) des appréciations fielleuses de J.-L.Voisin :
«Avoir chez soi la première page
de l’histoire de France est un privilège qui rapporte gros.» Pour
l’instant, c’est surtout le Muséoparc alisien qui rapporte, le site jurassien
ne bénéficiant d’aucun soutien régional financier ou autre, ni, Dieu
merci ! de structures touristiques. «Aussi,
les élus ne se privent pas de soutenir des initiatives et des revendications
locales qui ne reposent archéologiquement sur rien, mais qui pourraient
transformer un site inconnu en un « lieu de mémoire ». On ne sait
jamais, des curieux peuvent se déplacer» (p. 164). On voit bien que J.-L.Voisin
ignore tout de l’Alésia jurassienne, même et surtout dans le Jura ; «L’insolite et le farfelu plaisent.
Surtout quand il est local», p. 163. Je rappelle que les collaborateurs
et successeurs d’André Berthier ne sont pas Jurassiens :
chronologiquement, lui-même de Beaumont-sur-Oise, André Wartelle de Saintes, Jacques
Berger de Toulon, Jean-Pierre Picot de Montpellier, Danielle Porte de Grenoble,
Bernard Gay de Lille, Franck Ferrand de Poitiers, François Chambon de
Lyon ; les miens : Guillaume Lopez d’Angers, Pierre-Jean Bardin de
Cortambert (Bourgogne), Maryse Hugon de Dijon, Éric de Vaulx de Beignon (Bretagne), Régis Sébillotte de Chassagne-Montrachet.
Enfin ! deux Jurassiens, Jacques Blondeau et Xavier Griffond. Et je ne
compte que les têtes capables de raisonner et d’écrire sur la question…
Pour Yann Le Bohec, même ignorance et mêmes
appréciations : «La découverte ne
déplut point aux habitants de la région et l’on vit fleurir au long des routes
des établissements appelés «auberges de Vercingétorix», «hôtel de César», sans
préjudice d’autres maisons accueillantes où Astérix et Obélix furent appelés à
la rescousse » p. 100. Tout cela est pure imagination galopante,
hormis Astérix et Obélix qui ornent une boîte à lettres du Vaudioux, et encore,
vue sur un documentaire ! Et les
deux compères de se réunir dans la même condamnation : «La localisation
d’Alésia est un problème mort depuis des décennies, et il n’intéresse plus que
quelques auteurs, selon Y. Le Bohec, 2009, p. 192. Les controverses
appartiennent désormais à un chapitre folklorique de l’historiographie» p.
55, n. 3 du livre de J.-L.Voisin. Et pourtant, les deux auteurs et J.-L.Brunaux
ont sorti trois livres sur la question en 2012… S’acharner à traiter une
question «résolue» prouve justement qu’elle ne l’est pas ! Sinon, on
s’épargnerait encre et plume : à quoi bon écrire sur un cadavre ?
[46] M.Reddé, Rapport de fouilles, p. 125. Comme
rien d’extraordinaire n’a été découvert depuis la publication de 2000 puis celle
de 2003, ce «pour l’instant» peut
être corrigé en : «définitivement».
le Quénot, redoutable obstacle militaire
(ph. jacques Blondeau)
(ph. jacques Blondeau)
Le plus grand respect pour votre ténacité,et votre travail remarquable et titanesque .
RépondreSupprimerMerci de tout coeur pour le jura , et la vérité .
??? Rien de plus neuf ?
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