la Colline inspirée

la Colline inspirée

vendredi 12 décembre 2014

le Coup de pied… de l’âne



le Coup de pied...  de l'âne























C’est bien une semelle, en gros plan et d’autant plus infamante, qu’on peut voir dans le dernier numéro de la Recherche (494, déc. 2014, p. 93) en tête d’un article de Luc Allemand, son Rédacteur en chef, intitulé : « Touche pas à ma science : la bataille d’Alésia est bien terminée.  » Supposons, dans le meilleur des cas, une corbeille à droite de la semelle. Mais vu le ton de l'article, ce doit être une poubelle ou bien un caniveau. 

Sur un ton et avec un vocabulaire inqualifiables, l’auteur est censé rédiger une critique de la Supercherie dévoilée, mais croit s’en tirer en ne parlant que de la préface, due à Franck Ferrand, qu’il attaque violemment : « Franck Ferrand est-il stupide, cynique ou simplement malhonnête ? »

Et coule une prose fielleuse, nourrie d’aigreurs rentrées, qui incrimine la « notoriété acquise sur les ondes d’Europe 1 et consolidée à la télévision », « une lecture fondamentaliste du texte » (de César), les « motivations nationalistes » que « ne cherche même pas à dissimuler » « un animateur de radio qui préfère apparemment les histoires que l’on raconte à l’histoire que l’on étudie ».

Texte complet :
"Franck Ferrand est-il stupide, cynique ou simplement malhonnête ? Usant d'une notoriété acquise sur les ondes d'Europe 1 et consolidée à la télévision, il cautionne en effet en le préfaçant un ouvrage intitulé Alésia, la supercherie dévoilée, consacré à la "démonstration" qu'Alise-Sainte-Reine, en Côte d'Or, n'est pas le lieu de la bataille d'Alésia. Ces affabulations, apparues lors des premières recherches sur la question il y a environ cent cinquante ans, auraient dû rester cantonnées au passé, si cher en apparence à Franck Ferrand. Depuis les fouilles archéologiques menées à Alise-Sainte-Reine au cours des années 1ç90 par une équipe franco-allemande, plus aucun doute n'est en effet possible : c'est bien là que les légions de Jules César ont vaincu l'armée gauloise, dirigée par un certain Vercingétorix. Mais face à des méthodes d'étude scientifiques qu'ils ne comprennent pas, quelques nostalgiques du XIXe siècle invoquent une lecture fondamentaliste du seul texte contemporain de la bataille, écrit par César lui-même. Récusant l'archéologie comme source de preuves, ils refusent tout simplement qu'aucune localisation soit démontrable scientifiquement. L'animateur de radio, qui préfère apparemment les histoires que l'on raconte à l'histoire que l'on étudie, ne prend même pas la peine de dissimuler ses motivations nationalistes, en écrivant  "Si, en revanche, Alésia se situe - comme je le crois - dans le Jura, la démarche de Vercingétorix trouve à la fois sa logique, sa force et son panache" (p. 13). Luc Allemand

Danielle Porte (dir.) Alésia, la supercherie dévoilée, Pygmalion, 2014.

*******

Comment Franck a-t-il pu, en effet, cautionner un livre écrit par « des nostalgiques du XIXe siècle », « face à des méthodes d’étude scientifiques qu’ils ne comprennent pas » ? Des ennemis de la Science et de l’Archéologie Souveraines qui osent !... vous m’entendez bien, qui  O S E N T  préférer César à Michel Reddé !!!

Car c’est Michel Reddé qui est invoqué, tel Dieu le Père, pour valider la localisation d’Alésia, déjà en 2003, dans la Recherche, 3, 863, p. 16 : Alésia est une référence qui ne prête pas à discussion. Avec la morgue qui le caractérise, le directeur des fouilles de 1996 y confiait à Luc Allemand : 
« Les résultats de Napoléon III étaient suffisamment probants. D'ailleurs, pour les spécialistes d'archéologie militaire, il n'y a jamais eu de doute. La controverse, qui se poursuit encore aujourd'hui, est purement franco-française, et limitée au cercle des non-spécialistes. » Si les non-spécialistes se prennent par la main, ils vont vraiment former un cercle impressionnant ! 

Il est amusant de comparer les affirmations de Michel Reddé en 2003 – les références de Luc Allemand datent ! – et les plus récentes orientations des Alisiens (car, de 2003 à 2014 il a coulé beaucoup d’eau sous les ponts de la Saine comme de l’Ozerain). Aujourd’hui, on récuse le camp du Réa comme étant le camp Nord, une fois qu’on s’est eu enfin aperçu qu’il était en bas de pente, pas au sommet, ce qui faisait croire que César avait trop bu lorsqu’il avait vu les Gaulois « tenter l’escalade ». Mais en ce cas, s’ils n’occupent plus le Réa, il faut bien caser quelque part les deux légats, Réginus et Rébillus, et leurs deux légions.

On les a donc déplacés sur le Bussy (au nord-est, cette fois, toujours pas au nord). Mais le Bussy est déjà pris par Labiénus, dont les deux balles de fronde marquées, dit-on, TLAB,  « assurent de manière absolue (l’) identification ». En pareil cas, ou bien on case, comme on peut, trois légions dans les 7,9 ha que couvre le camp de Labiénus, déjà trois fois trop petit pour une seule ; ou bien, si l'on persiste à entasser les deux nouvelles venues au Bussy, on doit éjecter Labiénus et l’installer un peu plus à l’est, ce qui l’amène au Pennevelle, resté sans occupation militaire. Et le nord n’a toujours pas son camp... où se joue pourtant le dernier épisode du drame et le sort de la Gaule.

Toutefois, comment renoncer à son fossé, puisque en sortirent toutes les armes et les monnaies dont s’enorgueillissent les musées napoléoniens ? Il est plus difficile à biffer que ce troisième fossé bien encombrant que Napoléon III effaça d'un coup de gomme. On le conserve donc… Et nous voilà riches d’un fossé sans camp… d’un fossé bizarre, d’ailleurs, s’il est vrai que, tourné vers l’intérieur, côté oppidum, et donc attaqué par les hommes de Vercingétorix, il pouvait difficilement contenir les monnaies des peuples attaquant le fossé extérieur, celui de la circonvallation, surtout celles des peuples qui n’étaient pas venus secourir Alésia. Quant aux armes… les Alisiens de bonne foi – dans les entractes – sont tout aussi dubitatifs de nos jours que l’étaient ceux qui les découvrirent : Joël Le Gall reconnaît qu’en 52 av. J.-C., « il y avait belle lurette » qu’on n’utilisait plus d’armes de bronze analogues à celles qu’on trouva à Alise, « cela faisait bien un millénaire ! » (Alésia, archéologie et histoire, 1961, p. 70). 
  
Lorsqu’il parle devant les membres de l’Institut, en 1993, Michel Reddé s’éloigne à petits pas d’Alise-Alésia, et considère qu’après tout, vu les disparates entre les armes de plusieurs époques (Âge du Bronze jusque bien au-delà du Bas-Empire) et l’invraisemblance des monnaies, mieux vaut considérer le matériel archéologique d’Alise comme… un dépôt votif ! Il est difficile de décider, en effet, « si le matériel provient de sépultures, d’offrandes votives, ou constitue le dernier vestige des affrontements sur le champ de bataille ». Un aveu sans doute éphémère et chuchoté en cercle restreint, mais qui, sous cette plume autorisée s’il en est, vaut son pesant d’or.

Ses thuriféraires ne suivent donc plus aveuglément le Maître, lorsqu’ils reviennent joyeusement à la seule Alésia, en bousculant ses hésitations : pourquoi examiner « une question qui ne devrait plus se poser » (J.-L. Voisin, Alésia, un village, une bataille, un site, p. 161). Sans doute n’est-ce pas un hasard si tant de petits livres exaltant Alise parurent la même année 2012 : le chant des sirènes du Muséoparc avait dû susurrer de plus séduisantes notes que les buccins et les carnyx des vieux textes. 

Eh ! oui… La preuve par neuf, c’est le Muséoparc. Même ouvrage et dernière page  (206) : « Manque la perspective du futur. Elle est désormais ici dans cette gigantesque rotonde due à l’imagination de Bernard Tschumi. Où chacun voyage selon sa fantaisie à travers les siècles et devient tour à tour gaulois, romain, germain. Il devient Alisien. » Pas si sûr ! Combien d’aveux avons-nous reçus de visiteurs sortant de la prétentieuse rotonde : « Mais il n’y a rien ! »

Voilà donc Michel Reddé lui-même dépassé par le Muséoparc…

Revenons à la Recherche. Il est clair que Luc Allemand, tout à sa rage contre Franck Ferrand, n’a pas poussé sa lecture plus loin que la préface. Il se serait aperçu peut-être que, loin de nous contenter d’examiner le texte de César à la loupe – ce qui est tout de même le B.A.BA de toute recherche – nous avons abordé tous les aspects scientifiques de l’épisode Alésia, y compris ceux que les Alisiens se gardent bien d’approcher, tels les problèmes de surface, d’eau, de déchets, de possibilité d’exécution des travaux.

Les historiens ne condescendent pas à lire nos livres ? Nous, nous épluchons les leurs et combattons nos adversaires avec leurs propres armes : tous nos arguments contre Alise sont tirés des ouvrages-mêmes des Alisiens, que nous mettons, sur références, en face de leurs contradictions : comment put-on retrouver dans le fossé intérieur des os de chevaux germains, venus avec César, d’autant que, selon lui, les chevaux des Germains n’ont pas combattu ? retrouver sur l’oppidum des monnaies usées alors que leur frappe datait d’un mois ? et retrouver des monnaies gauloises dans un camp romain ? Toutes nos questions, nées d’une réflexion menée au XXIe siècle, pas au XIXe, et sur lesquelles les historiens et les scientifiques alisiens passent à pieds joints, restent sans réponse. Le silence est bien facile, mais ne trompe personne.

Il m’étonnerait que les auteurs des derniers ouvrages, bien légers et superficiels, des Alisiens récents, Yann le Bohec, Jean-Louis Voisin, Jean-Louis Brunaux, connaissent vraiment le grand Rapport de fouilles de M. Reddé et S. von Schnurbein aussi bien que nous, qui l’avons lu et commenté ligne à ligne. Oh ! non, nous n’en sommes pas restés au XIXe siècle ! Nous avons même recouru au LIDAR, à la magnétométrie, au géoradar, avant les chercheurs d’Alise.

Mais avions-nous le droit de nous occuper encore d’Alésia, cette question déclarée tabou par les Autorités Scientifiques Unanimes Associées ? À en croire Luc Allemand, non, puisque son seul grief à l’égard de Franck Ferrand est d’avoir préfacé un livre dont le titre commence par le nom maudit. Peut-être même, vu l’indigence de l’article, n’a-t-il lu que le titre.

Et c'est là, unilatérale, formelle et forcenée, la négation de l'indépendance d'esprit, de la simple et saine curiosité ; la condamnation à mort de la recherche et du progrès scientifiques. À rabâcher toujours la même antienne, surtout si l'on n'en a pas analysé les termes, on s'endort, on s'immobilise, on se statufie. 

Si les chercheurs en histoire doivent demander l’Autorisation des Autorités avant de noircir leur première page, le champ de la recherche, la vraie, court le risque de se rétrécir comme peau de chagrin !

Et s’il leur faut obtenir le visa des mêmes avant de publier, les éditeurs vont courir à leur perte… comme, aujourd'hui, se sclérosent les revues d'histoire et d'archéologie, obstinées - ou obligées - qu'elles sont à toujours, toujours et encore, sortir les mêmes sottises sur le même sujet, si pauvres d'idées qu'elles le font parfois sous la même couverture ! On attend, avec un soupir désabusé, le tableau du Vercingétorix se rendant à César et l'on est rarement déçu. Et l'on voit disserter sur des questions essentielles : avait-il de la moustache ou pas ? Tout ! tout, même l'insanité, pour éluder la question Alésia : de toute façon, puisqu'on est sûr que c'est là, à quoi bon perdre son temps ? 


Pauvre France, jadis terre de Liberté…  

*********

Un grand nom auquel fait immédiatement penser le tabou qui pèse sur Alésia, celui de Galilée.

Ah! elles ont bonne mine, aujourd'hui, les Autorités Scientifiques unanimes, jadis, à se confiner dans l'obscurantisme! Relisons le texte de son abjuration, il est ironiquement éloquent !

« Moi, Galiléo, fils de feu Vincenzio Galilei de Florence, âgé de soixante dix ans, ici traduit pour y être jugé, agenouillé devant les très éminents et révérés cardinaux inquisiteurs généraux contre toute hérésie dans la chrétienté, ayant devant les yeux et touchant de ma main les Saints Évangiles, jure que j'ai toujours tenu pour vrai, et tiens encore pour vrai, et avec l'aide de Dieu tiendrai pour vrai dans le futur, tout ce que la Sainte Église Catholique et Apostolique affirme, présente et enseigne. Cependant, alors que j'avais été condamné par injonction du Saint Office d'abandonner complètement la croyance fausse que le Soleil est au centre du monde et ne se déplace pas, et que la Terre n'est pas au centre du monde et se déplace, et de ne pas défendre ni enseigner cette doctrine erronée de quelque manière que ce soit, par oral ou par écrit; et après avoir été averti que cette doctrine n'est pas conforme à ce que disent les Saintes Écritures, j'ai écrit et publié un livre dans lequel je traite de cette doctrine condamnée et la présente par des arguments très pressants, sans la réfuter en aucune manière; ce pour quoi j'ai été tenu pour hautement suspect d'hérésie, pour avoir professé et cru que le Soleil est le centre du monde, et est sans mouvement, et que la Terre n'était pas le centre et qu'elle se mouvait.

C'est pourquoi, voulant effacer des esprits de vos Eminences et de tout chrétien catholique cette suspicion véhémente conçue contre moi avec raison, d'un coeur sincère et d'une foi non feinte, j'abjure, maudis et déteste les susdites erreurs et hérésies, et généralement toute autre erreur quelconque et secte contraire à la susdite sainte Eglise : et je jure qu'à l'avenir je ne dirai ou affirmerai de vive voix ou par écrit, rien qui puisse autoriser contre moi de semblables soupçons; et si je connais quelque hérétique ou suspect d'hérésie, je le dénoncerai à ce Saint Office, ou à l'inquisiteur, ou à l'ordinaire du lieu où je serai. Je jure en outre, et je promets, que je remplirai et observerai pleinement toutes les pénitences qui me sont imposées ou qui me seront imposées par ce Saint Office; que s'il m'arrive d'aller contre quelques-unes de mes paroles, de mes promesses, protestations et serments, ce que Dieu veuille bien détourner, je me soumets à toutes peines et supplices, par les saints canons et autres constitutions générales et particulières, ont été statués et promulgués contre de tels délinquants. Ainsi, Dieu me soit en aide et ses saints Evangiles, que je touche de mes propres mains.

Moi, Galileo Galilei susdit, j'ai abjuré, juré, promis, et me suis obligé comme ci-dessus; en foi de quoi, de ma propre main j'ai souscrit le présent chirographe de mon abjuration et l'ai récité mot à mot à Rome, dans le couvent de Minerve, ce 22 juin 1633.

Moi, Galileo Galilei, j'ai abjuré comme dessus de ma propre main."


Et pourtant, elle tourne...


@ Danielle Porte





mercredi 10 décembre 2014

Fugues... sur le même thème


Fugues… sur le même thème 

En guise d’interlude avant de passer à des questions  beaucoup plus graves posées par l’actualité « Alésia », quelques récits de voyages.

Car nous avons voyagé, nous, les commis-voyageurs de l’Alésia jurassienne. Bien armés : micro, Guerre des Gaules, projecteur. Il suffit.

Ce fut donc d’abord Tours, lors de la réunion annuelle des cinq Rotary que compte cette ville, à l’initiative de Mme Brigitte Mauléon (boutique : VERT & BLANC). J’avais réussi à extorquer cette conférence à Franck Ferrand et à convaincre le troisième membre de notre trio de choc, François Chambon, l’« homme du Lidar », de monter depuis Lyon. Une seule date convenait à tous, ainsi qu’à l’Hôtel de Ville de Tours qui, vu la notoriété du conférencier, nous ouvrait sa grande salle : le mardi 4 novembre 2014.






Las ! cette date convenait bien, aussi, à la SNCF, qui trouvait bon d’y placer une de ses grèves à répétition, ainsi qu’à tous les organismes de transport : air, terre, mer, boutiques de vélo, de planches à voile et de patins à roulettes. Pas moyen de faire un pas hors de chez soi autrement que sur ses deux pieds. Qu’on disait !

Prévenue par la diligente amie qui me sert d’agenda et me garde en (vague) relation avec le monde actuel, j’en avisai Mme Mauléon. Changer de date ? Plus de salle ; plus de Franck. Maintenir ? Plus de train… Plus d’Alésia… Y aller en voiture ?  Kilométrage, embouteillages, vagabondages… dans une ville inconnue…

Brigitte Mauléon ne renonce jamais. Moi non plus. Il faut trouver une solution, même extravagante. Dans le genre : François pourrait monter en voiture jusque dans le Jura, moi-même ralliant Chaux depuis Grenoble ; être tous deux pris en charge par une Jurassienne-rotaryenne-amie ; gagner ensemble Paris, prendre au vol Franck Ferrand pour descendre avec lui jusqu’à Tours… Au nom d'Alésia, rien d’impossible ! Mais tout de même…

Mon cas ne pose pas de problème : il me suffit de partir la veille. François ? C’est pile ou face. Un seul train compatible avec ses horaires. S’il ne part pas ? Plus de Lidar ni de projections.

Quant à Franck, c’est le drame. Il quitte le Club des Arts, où il donne une conférence (la troisième de la journée) vers 17 heures, et devra attraper en moto-taxi le train qui part de Paris à 17h.32. Arrivée en gare de Tours à 18h57… la conférence débutant à 19h.30, ce risquait d’être un peu juste. S’il n’y avait pas de train ? Tout est prévu : Une voiture le cueillera à la porte de Châtillon et fera force de rames pour arriver à Tours et à temps.

Le 4 est là. François aussi ; juste la grosse demi-heure nécessaire à la préparation des projections avant le moment d’angoisse : Franck pourra-t-il attraper son train ? Et ce train partira-t-il ?

Le projecteur et l’écran installés, nous trompons l’attente en admirant… le plafond ! Ah ! quel plafond, celui de la Mairie tourangelle ! Versailles ou peu s’en faut. Franck ne sera pas dépaysé !






Le public entre déjà ; nombreux ; insouciant de nos affres. Il se montera en fin de compte, malgré la grève et la concurrence d’autres réunions, à 300 personnes. Beau total pour une ville qui n’est pas précisément concernée par la localisation d’Alésia ! Oui, mais… Si jamais…

Mieux vaut prévoir. 
Plan A : Franck arrive avec un retard de dix minutes : je commencerai par les invraisemblances d’Alise. 
Plan B : Franck arrive avec un retard d’une demi-heure : j’ajouterai la phase Napoléon III. 
Plan C : trois-quarts d’heure : je commencerai avec César et ses itinéraires possibles. 
Plan D : une heure… pourquoi ne pas embrayer sur le LiDAR et la comparaison des deux sites, en Lui laissant opérer un flash-back pour expliquer comment on en est arrivé à envisager le Jura ? 
Plan E : plus d’une heure : 3987 diapos du site, sur clefs USB, pour faire patienter la salle. Dans la fièvre, François remonte le diaporama initial en fonction des cinq plans...

Téléphone : « Mon train est parti ! »
......
Plus qu’à reprendre le diaporama dans l’ordre… après quelques Hosannah ! bien mérités par le Ciel. Frais comme un gardon, le héraut d’Alésia escalade l’escalier de marbre avec trois minutes d’avance… pour entamer sa quatrième conférence de la journée.

La suite ? Plus le temps de se concerter. L’improvisation de A à Z. devenue, au fil des conférences, une douce habitude. Par bonheur, la complicité du trio fonctionne bien…

Une heure et demie d’exposé avait été prévue… Deux heures et demie plus tard, un public jusque-là muet comme jamais vu – pas un cri, pas un chuchotement, pas même une petite toux… le rêve ! - s’ébroue enfin. Le charme avait opéré, une fois de plus.


Deux jours après : Reims, départ le 7 novembre, pour parler le 8 à 14h.30, au colloque du CESHE - Centre d’Études scientifiques et historiques ; en fait : un nom égyptien, les travaux statutaires privilégiant les thèses qui dérangent, dont la contestation de la traduction des hiéroglyphes telle qu’établie par Champollion.

Dans ce contexte, parler de la méthode d’André Berthier s’imposait comme une évidence. Le grand-père du Président, M. Jean-Charles Crémieux, n’étant autre que Raymond Lejeune, un des premiers pionniers des recherches d’André sur Chaux, la conjoncture lui avait soufflé l’idée de m’offrir un temps de parole sur ce sujet, devant une brochette de scientifiques, chercheurs, spécialistes en traitement du signal, astronomes, physiciens, géologues, tous Docteurs ès quelque chose. Mais nous étions en pays de connaissance : un de mes commensaux avait apporté un Vercingétorix à dédicacer, un autre m’entretint de la thèse Berthier durant tout le dîner…

Assistance recueillie, le lendemain, excellent accueil de tout l’amphithéâtre pour la thèse Berthier, exposée pour la première fois devant un parterre de grands cerveaux, si excellent que, prise par les explications à donner, hors salle, je laissai filer l’heure et me retrouvai, à 16h.30 pour un départ à 17h.15, adossée contre un grand mur nu, mon téléphone à la main. Panique. Aucun taxi disponible. L'heure tourne. Enfin une voiture « qui arrive tout de suite ». Il est 16h.40. Rien de rien à l’horizon. 16h.45. Je suppute déjà la nuit sur un trottoir parisien… 16h.50 : le Ciel fait sortir de la grande cour M. de Redmatten – auteur, le matin, d’un magnifique exposé sur les dernières analyses du Saint-Suaire –  « J’ai appelé un taxi, me dit-il ; pour tout de suite. Je vous dépose ? » Demandez à un aveugle… 

Un peu d’encombrement, et la fièvre qui monte avec – sans m’empêcher de saluer la Porte de Mars ! j’étais sur le quai à 17h.12. Un peu en avance, moi aussi.

En fin de compte, le plus gros problème de la promotion d'Alésia-Chaux, c’est celui des transports !

L’initiation à la thèse Berthier demandée par M. Gérard Extier à Collias (Gard), le 20 septembre, me vit atterrir en pleine feria de Nîmes avant le circuit des plus pittoresque amenant au lieu de la conférence : c’était à l’intention d’une association qui partait le lendemain pour Gergovie, Bibracte, Alise et Chaux (où j’étais, la semaine d’avant, pour faire visiter le site aux anciens Éclaireurs pilotés par Mme Michèle Gresset ainsi qu’au rédacteur de l’Est-Républicain !) J’y fus accueillie par… une de mes premières diplomitives en Sorbonne – le diplôme est l’ancêtre de la maîtrise – Luce Smits-Nogarède. Quand elle m’annonça qu’elle venait de prendre sa retraite, je dévalai, inconfortablement, la vertigineuse spirale du temps qui passe ! Le contestataire alisien prévisible était bien là qui, sans avoir écouté tout ce que je venais de raconter sur l’archéologie d’Alise, m’opposa, justement, l’existence in-dé-ni-a-ble d’un lacis de fossés autour du Mont Auxois, les trouvailles d’objets et l’unanimité de la Communauté scientifique.  Dompter son caractère volcanique est, dans ce cas-là, un exercice plus difficile que prononcer une conférence dans le noir, épreuve dont je sortais tout juste ! À ma grande surprise, j’y réussis.
Il n’est pas d’âge pour apprendre.

Et puis, et surtout : le film !
Diffusé sur la 2, dans « Secrets d’Histoire », le mardi 25 novembre en prime time

3 179 000 téléspectateurs auront entendu parler d’Alésia et peut-être appris qu’il y avait un problème. 2ème score d’audience après TF1 et meilleur score des émissions présentées par Stéphane Bern.

Secret fut-il à plus d’un titre. Depuis longtemps, Franck m’avait parlé du projet et confié qu’il y participait. J’eus l’honneur, bien plus tard, d’être contactée par le réalisateur, Roland Portiche, un quasi-sosie d’André Berthier. Il souhaitait ma participation, sans qu’on le criât sur les toits, car il fallait redouter une obstruction des historiens alisiens ou des puissances bourguignonnes. Comment évoquer César sans parler d’Alésia ? il avait donc résolu de le faire, fût-ce pour peu de temps, et de m’interroger sur trois ou quatre autres aspects de César : les Lupercales, la tentation de l’hybris et l’amour du défi, Brutus… il y aurait des Alisiens, bien sûr…

Le repérage fut opéré sur le site le jeudi 29 mai en compagnie de mes fidèles, comme j’aime à les appeler, qui, parfois, deviennent ma « garde rapprochée ». Nous voici, au belvédère de l’arx, dit « de Vercingétorix » car, si Alésia fut bien ici, lui y était à coup sûr, dominant la plaine de Syam sur la gauche et voyant, à l’aplomb du village, le camp Nord qui fut la clef du dernier épisode : si Vercassivellaun et ses Gaulois s’emparaient de ce camp, ils pouvaient dégringoler droit sur « Syam » et se trouver ipso facto à l’intérieur des lignes romaines que devait attaquer Vercingétorix depuis l’oppidum, tandis que Viridomar et Éporédorix les attaqueraient sur l’extérieur. 

Nulle part ailleurs qu’à cet endroit ne peut-on comprendre exactement la stratégie parfaitement mise au point par les Gaulois. Si la coordination eût été respectée, l’armée romaine, assaillie sur trois fronts et par cette marée d’hommes, était promise à l’anéantissement…



Le tournage proprement dit eut lieu le samedi 5 juillet, dans la bonne humeur et l’écurie grand luxe du XIVème siècle, gentiment ouverte aux cinéastes par Josette Macle, choisie par le cameraman à cause des murs en pierre de taille qui fournissaient un fond « antique » pour les séquences César, et au belvédère du Vaudioux pour la vue sur le site. J’expliquai ce dernier sur la carte en relief de Maryse Hugon, à Jacques Blondeau qui le connaît à fond puisqu’il y guide nos visiteurs, tandis que Thierry Séguy, de Foncine, s’usait les bras à tenir l’écran réflecteur – oui, au bout de huit ou dix répétitions de la même séquence, on fatigue !





















J’appris en lisant l’annonce de la diffusion, qu’avait participé au film la quintessence des historiens alisiens du moment, Yann Le Bohec, Jean-Louis Voisin, Vincent Guichard, archéologue à Bibracte, Claude Grapin, conservateur du musée d’Alise, Paul-Marius Martin, spécialisé sur César et plus récemment sur Alésia, plus Jean-Noël Robert, des «Belles Lettres », Filippo Coarelli, la référence absolue en matière d’archéologie, Luciano Canfora, auteur d’un récent César, et, inattendue, Irène Frain. Mes dignes collègues durent grimacer en voyant mon nom autant que je soupirai en lisant les leurs…

Que dire du film ? On peut regretter les anachronismes (l’éruption du Vésuve, les orgies de la Rome de Juvénal (IIème siècle ap. J.-C.) ou le Colisée n’ayant que peu à voir avec la République césarienne ; mais, bon !... à des télespectateurs qui ne connaissent de l’Antiquité romaine que les poncifs, il faut bien donner ce qu’ils attendent… « J’aime que le peuple soit content ! » C’est bien le César d’Astérix qui le dit, non ?

Restons à Alésia : la nôtre l’emporte au finish, comme cent voix ou plumes, pas toutes jurassiennes, s'en faut, me l’ont dit ou écrit, peut-être à cause de l’engagement de ses défenseurs, Franck portant l’estocade en évoquant l’importance de la référence Alésia = 52 av. J.-C. pour la datation des matériels archéologiques, moi abritée derrière mon César dépenaillé à force d’être lu ; peut-être à cause de la vérité césarienne et de la beauté de nos paysages. En tout état de cause, c’est la première fois qu’un film abordant la question d’Alésia fait la part égale entre les deux sites rivaux.

On regretta que je n’aie pas évoqué la métropole religieuse, je regrettai de ne pas avoir pu répondre sur statères d’or et fossés exigus à Claude Grapin – l’actualité brûlante va me le permettre dans les jours qui viennent mais, quoi ! il m’était accordé trois points qui à mon sens prouvaient Alésia chez nous, pas un de plus ; et se lancer dans la critique d’Alise aurait duré bien plus longtemps que les 2 minutes 17 imparties à l’épisode final de la guerre des Gaules – déjà bien heureux que Roland Portiche ait eu l’audace de parler d’Alésia, qui occupa un mois de vie pour César, la bataille de Pharsale, où sa victoire sur Pompée lui ouvrit le pouvoir à Rome, revêtant une autre importance.

Je regrette seulement l’intervention finale de P.-M. Martin, dont je connais la conviction intime, qui crut renvoyer les adversaires dos à dos en affirmant qu’il ne pouvait exister deux batailles d’Alésia… Sous-entendu : que la sacro-sainte archéologie cautionnait la bonne. Oh ! si, il en existe deux… la vraie et la fausse. S’il est vrai que les 4 couches de cendres et les monnaies qu’elles livrèrent attestent 4 sièges et 4 destructions d’Alisija-Alise (au fait, il est curieux que la série des monnaies représentées dans le livre de Michel Reddé s’arrête à 54 av. J.-C. en ignorant les impériales !) il faudrait effectuer un tri sérieux parmi l’écheveau des fossés qui cernent, de très loin, le Mont-Auxois ; peut-être à partir des types d’armes qu’on y retrouva, disparates au possible, en âge comme en provenance ? et concéder que dans une plaine marécageuse comme l’est celle qui entoure Alise, les fossés profonds de 10 cm, et même ceux de 30 sont tout bonnement des rigoles de drainage…

Mais, hélas ! aux yeux des Alisiens, le mot « concéder », même l’évidence, n’est pas un mot français…