NUGÆ
Ce terme latin qui désigne des « petits riens »,
des brimborions ou des bagatelles, nous servira d’intitulé pour les
nouvelles ou les annonces faites « en passant », au fil de
l’actualité.
Marc-Antoine
Les premières seront l’annonce
d’une émission consacrée à Marc-Antoine, à laquelle Franck Ferrand m’invite le
mardi 23 juin 2015 à 14h., sur Europe 1. En la prenant sur Internet (taper Europe 1 sur Google, puis choisir le
premier site Europe 1 direct vidéo), vous voyez l’émission filmée comme si vous y
étiez.
Même dévolu à Alésia, un blog peut
bien étendre ses préoccupations un peu au-delà de 52 av. J.-C. ! Mais
j’allège ma conscience en renvoyant simplement au § 81 du de Bello Gallico, livre VII :
Marc-Antoine y était, à Alésia !
Il y joue même un rôle essentiel
qui lui vaut une mention de la plume de César. Nous sommes au moment crucial du siège, une
fois l’armée de secours arrivée sur place. La nuit est tombée sur un premier engagement de cavalerie
(§ 80), spectacle exaltant auquel les deux armées ont pu assister depuis les
crêtes qui longent la plaine et font d’elle une arène idéale. Longtemps
indécise, la bataille a été réglée par une charge finale des cavaliers germains
qui a refoulé les assiégés dans leur ville.
La nuit venue, les Gaulois, qui
comptent attaquer la circonvallation, munis de tous les engins voulus pour
aider l’escalade, claies, échelles, harpons destinés à démembrer les
palissades, s’approchent en silence des lignes romaines de la plaine, campestres munitiones. Avant d’entamer
l’assaut, armés de frondes et d’arcs, ils poussent le cri de guerre qui
alertera les assiégés et les invitera à donner l’assaut de leur côté, soit sur
la contrevallation.
Ce qui est fait, dans une nuit
noire : « Toute vision de ce qui se passait devant soi étant
interdite par les ténèbres, on s’inflige, des deux côtés, de multiples
blessures ».
C’est alors que César mentionne
les initiatives heureuses de deux de ses légats : C. Trébonius et M.
Antonius, à qui il a confié les défenses de la plaine, quibus hæ partes ad defendendum obuenerant. Ils veillent à tout,
s’avisent des secteurs en difficulté, y envoient des renforts empruntés aux castella de l’arrière. Bref, les camps
de la plaine tiennent bon, et le retranchement ne cède sur aucun point, nulla munitione perrupta (§ 82).
Et il est essentiel que les
fortifications d’en bas aient pu soutenir le choc. Car la prochaine bataille, ultime et décisive, sera l’assaut du camp Nord. Et là, seul le relief de Syam / Crans, celui de
l’Alésia jurassienne, peut rendre compte de l’importance de son implantation.
Il constitue en effet les superiores
munitiones, les « fortifications d'en haut », celles de Crans où tous les vestiges voulus en demeurent.
Éliminons d’emblée le site
bourguignon pour une raison qui aurait dû, à elle seule, faire interdire Alise de toute prétention à
être Alésia : le camp qu’on a trouvé, au-dessus de la gare des Laumes et
autour duquel on s’évertue à reconstituer les phases du combat, n’est pas en
haut de la colline mais en bas. Impossible, dès lors, de justifier des phrases
telles que « les Gaulois tentent d’escalader les abrupts ». C’en est
à un point tel qu’aujourd’hui les Alisiens font l’impasse sur le contournement
nocturne de la montagne par Vercassivellaun : tout se passe dans la
plaine… Nous verrons cette joyeuseté plus en détail dans quelque temps.
Sur le site du Jura, on s’avise
sans mal que le camp Nord domine la plaine, mais surtout que, s’il est pris,
les Gaulois n’auront qu’à dégringoler la pente, en cinq minutes, guère plus,
pour se retrouver… en plein milieu du camp romain ! Dès lors, attaqués de
l’intérieur comme de l’extérieur, les Romains sont perdus.
L’action de César, intervenir en
personne pour repousser les attaques au camp Nord, a été décisive : elle a
empêché la descente de soixante-mille Gaulois sur les lignes de plaine, que
l’action de Trébonius et d’Antonius avait déjà défendues avec succès.
Là encore, on peut jouer à
l’histoire-fiction : si les lignes de plaine avaient flanché, l’aventure
Alésia se terminait cette nuit-là, et pas à l’avantage de César !
Mais Trébonius et Antonius étaient
là, qui œuvrèrent assez efficacement pour qu’elle tournât bien et que leur chef
leur en fît l’hommage à l’endroit voulu.
Ce M. Antonius, on ne s’en avise
pas toujours, c’est bel et bien Marc-Antoine, « celui de Cléopâtre »…
dont cet épisode du siège met en évidence les qualités militaires. Il avait
alors trente ans.
La guerre des Gaules terminée, il restera aux côtés de César, qui
l’aimait bien, comme le dit Hirtius (B.G.,
VIII, 50), et même l’estimait son meilleur officier, au point de lui
confier l’aile gauche de la cavalerie à la bataille de Pharsale contre Pompée,
en 48. Maître de cavalerie de César dictateur, pendant que ce dernier séjourne à
Alexandrie… chez Cléopâtre, Antoine devient son collègue au consulat pour 44.
En
trois mots, nudus, unctus, ebrius, « demi-nu, oint de parfum et ruisselant de vin »,
Cicéron dresse de lui, dans les Philippiques
(III, 12), un portrait lapidaire et superbe, au moment où, porté sur les bras
de ses compagnons, il tend à César, aux célèbres Lupercales du 15 février, le
diadème royal que César, devant les hurlements de la foule, repousse… bien
malgré lui.
Un mois exactement après, le 15
mars, c’étaient les Ides et le meurtre de César par Brutus et Cassius.
Que
faisait Antoine hors de la curie de Pompée, pendant qu’on assassinait son
chef ? Il discutait avec… Trébonius, son collègue d’Alésia ! Et, bien
sûr, cette absence parut suspecte, surtout lorsqu’il invita à dîner Cassius, le
lendemain… avant d’ameuter la foule contre les conjurés, aux obsèques de César,
en déployant la toge sanglante de leur victime…
Il reste quelques ombres et pas
mal de doutes sur le brillant et sulfureux Marc-Antoine… et cela valait bien
une émission. Nous n’y parlerons pas d’Alésia ! et peut-être pas non plus de
Cléopâtre, les deux sujets risquant de nous entraîner bien trop loin. Mais
l’envergure de Marc-Antoine seul, à la conquête du pouvoir, nous suffira
largement.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire