les cartes sont sincères…
et ne mentiront pas…
C’est du moins ce que chante
Carmen. La réalité est moins rose…
L’image qu’on adjoint à un
texte est censée le compléter, le corroborer, en donner une compréhension
immédiate. Un bon dessin vaut, dit-on couramment, un long et filandreux
développement.
Mais, de plus en plus
envahissante, elle tend, de nos jours et sur certains sujets, à s’émanciper du
texte ; à le mettre à l’écart, voire à le remplacer purement et simplement.
D’où le danger prévisible :
séduit par l’image, le lecteur en oublie le texte. Ses yeux enregistrent
immédiatement ce que son cerveau met parfois bien du temps à comprendre, puis à assimiler. Dès lors, tout
ce que dit l’image est vrai, puisque sans comparaison possible, ni confrontation.
Et si c’est faux, seule une recherche et une vérification complémentaires
pourront en faire la preuve. Paresse, manque d’intérêt ou de temps : on
accède rarement à cette étape ; c’est si facile, si tentant d’avaler un
plat tout prêt…
On sacrifie, ces derniers
temps, à la facilité. Pis : on a banni officiellement l’étude du latin et
du grec. Qui pourra, maintenant et à l’avenir, opposer les textes antiques aux
fallacieuses reconstructions alisiennes ? De moins en moins de monde.
Complice intéressé du dogme, le jeune Ministre de l’Éducation Nationale [1] se sera
fait, entre autres choses, le fossoyeur d’Alésia.
On assiste donc, révolté mais
impuissant, à la captation qu’opère la carte d’une « vérité » qu’on a
d’abord extirpée des textes et savamment tordue, puis à la consécration de son
résultat mensonger. L’image a remplacé le mot, un dessinateur, de mauvaise ou
de bonne foi, s’est fait César.
Le plus récent exemple – qui
mieux est, le plus beau, comme les chants
désespérés – se trouve dans le numéro 12 de la revue Histoire et civilisation, héritière de National geographic, 2015, avec la carte qui illustre un article de
Yann Le Bohec (décidément !) intitulé la
Guerre des Gaules, comment César a gagné, p. 22-33.
Et c’est proprement
hallucinant. Je dirai, sans plaisanter, qu’on n’a jamais fait mieux dans le
genre. Et pourtant, des sottises alisiennes, j’en ai lu un bon
nombre !
L’article de Y. Le Bohec
n’est qu’une énième reprise de ses écrits antérieurs, au mot près souvent,
nourrie de généralités sur l’armée romaine, et ne traite aucunement la
stratégie de César autour d’Alésia, ce que, à l’évidence, nous attendions… Il
faut bien se contenter de la carte, c’est-à-dire d’un casse-tête chinois, qui
commence par l’inversion, chère à Y. Le Bohec, entre la contrevallation et la
circonvallation. Nous emploierons, nous, les désignations traditionnelles pour
ne pas conduire au suicide ceux qui connaissent la question d’Alésia.
La carte est attribuée à
Peter Dennis, Osprey publishing. A-t-elle été réalisée selon les indications de
Yann Le Bohec ? On s’en voudrait de croire que oui.
Mais le dessinateur n’a pas
œuvré, on l’imagine bien, de son propre chef, étant requis de conformer son
illustration à des indications tirées de la Guerre
des Gaules, livre VII, surtout des chapitres où César décrit par le menu la
succession des opérations menées par Vercassivellaun lors de la fameuse attaque
du camp Nord ; donc, données par l’auteur du chapitre qu’il illustre. Il
est néanmoins conseillé à tout lecteur qui désirerait comprendre quoi que ce
soit, quand il aura mis devant lui le texte, latin ou français, du B.G. et la carte d’Histoire et Civilisations, de prévoir un tube d’aspirine. Deux
seraient d’ailleurs mieux indiqués.
Le contexte, B.G., VII, 83-89, est bien connu. Désespérant d’emporter les
fortifications établies en plaine, les chefs de l’armée de secours gauloise
élaborent une manœuvre de diversion et vont essayer de contourner les positions
de plaine en passant par la montagne qui les surplombe. Le cousin de Vercingétorix,
l’Arverne Vercassivellaun, prend la tête de 60000 hommes et les conduit
« derrière la montagne », post
montem, en un endroit où ils pourront, dissimulés, se reposer de la marche
nocturne qui les y a amenés et attendre midi, heure convenue pour le signal de
l’attaque. Cette attaque vise le camp Nord,
que César a établi pour barrer un col qui aurait pu permettre aux Gaulois un
accès à ses camps de plaine, par le haut.
Et il avait vu juste :
c’est autour de ce camp que vont s’orchestrer les mouvements de la dernière
chance, vers lui que vont tendre les efforts de 60000 Gaulois contre ses 12000
légionnaires, vers lui qu’il va devoir envoyer en plusieurs fois des cohortes
nouvelles avant d’intervenir en personne et en grande tenue, pour, comme on dit,
« emporter le morceau ».
Tout s’est décidé au camp
Nord et il l’écrit : « Vient à l’esprit, des deux côtés, que c’est le seul
et unique moment où il faille se battre à outrance » ; nous
dirions : c’est le moment où jamais ! « Les Gaulois désespèrent de
s’en sortir s’ils n’enfoncent pas les retranchements ; les Romains
espèrent la fin de leurs épreuves s’ils réussissent à les en empêcher. » (VII, 85)
L’action est donc concentrée
tout entière au Nord et en haut. Textes :
« Ils apprennent de ceux-ci
(= les locaux) l’emplacement des camps des
hauteurs (superiorum castrorum) »,
§ 83.
« Il y avait, au Nord (a septentrionibus)
une montagne » laissée en dehors de la circonvallation, où « le
relief avait obligé à construire un camp
en un lieu presque inadapté et légèrement en
pente », § 83.
Cette pente qui, au § 85, va
« jouer un grand rôle ».
« Les Gaulois
entreprennent d’escalader les
abrupts » (loca prærupta ex ascensu
temptant), § 86.
Et surtout : « On
peine particulièrement aux fortifications d’en-haut
(ad superiores munitiones) là où l’on
avait envoyé Vercassivellaun », § 85. « César envoie
Labiénus, avec 6 cohortes, au secours de ceux qui flanchent », § 86 ; et
enfin : « Il se dirige en hâte à l’endroit où il avait envoyé
Labiénus », § 87.
C’est
sans équivoque : le camp où se déroule l’action suprême est en hauteur,
hors des lignes, en pente, au Nord. C’est là que les chefs ont envoyé
Vercassivellaun, là, donc, que César a envoyé Labiénus, et il va se diriger
lui-même « à l’endroit où il avait envoyé Labiénus » : c’est,
même pour des aveugles et des simples en esprit, le même endroit. Ce qui, entre parenthèses, n’arrête pas les
Alisiens qui, pour parer à l’attaque du Réa, au Nord-Ouest, font attaquer par
les Gaulois la montagne de Flavigny, au Sud. Le danger est extrême au Nord, on y pourvoit en
attaquant au Sud [2]. Bien dans l’esprit gaulois,
cela…
Voyons donc la carte qui
illustre ce grand moment.
On a peine à en croire ses
yeux : le camp Nord est au Sud-Est !
partie supérieure gauche : Alise-Sainte-Reine
aboutissement des flèches : le camp Nord
(flèches vertes : les Romains ; flèches mauves : les Gaulois)
Une minute de silence, pour
honorer cette trouvaille unique. On avait l’habitude du mépris avec lequel les
Alisiens traitent les textes, quand ils ne les ignorent pas purement et
simplement. Mais là, oui, là, ils ont
fait fort !
Après s’être pincé plusieurs
fois, avoir avalé en hâte quatre grains d’ellébore dans un grand verre d’eau et
prononcé quelques conjurations réputées efficaces, tel le bescu bescu berebescu [3]
des incantations latines archaïques, on se penche de nouveau sur le prodige [4], afin de
désiller ses yeux. En vain, rien n’a
changé. Leur Nord est toujours au Sud-Est.
Comme la forme du Mont-Auxois
est, elle aussi, singulière, le nez pointu se trouvant à droite au lieu d’être
à gauche, euréka ! C’est que
l’imprimeur a dû inverser la mise en page… pour la carte, les définitions
restant dans le bon sens ! et ce détail montre qu’il ne s’agit pas d’une
simple bourde de typographie.
Retournons la revue – avec
l’inconvénient qu’on rencontre de devoir lire les explications à l’envers –
rien ne s’arrange pour autant. Comme aucun nom n’est écrit, ni celui des
rivières, ni celui des collines, on peut prendre la carte dans tous les sens.
Qu’on ait perdu le Nord, à Alise, on le savait déjà. Mais avec cet article, la
chose est confirmée.
Jusqu’ici, les Alisiens se
tiraient de leur fâcheuse situation (leur camp Nord se trouvant au Nord-Ouest) en se retranchant derrière
l’incapacité supposée du latin à spécifier les points cardinaux intermédiaires,
allant même jusqu’à prétendre que le Nord
allait du Nord-Est au Nord-Ouest. Ce point de vue, énoncé par M. Reddé [5] a été
repris et exagéré par C. Grapin, jusqu’à l’absurde : « Sans
précision de ce type, le nord désigne donc un secteur qui va du nord-est au
sud-ouest inclus [6] »…
Cassoulet de Castelnaudary,
bêtises de Cambrai, c’est du pareil au même.
De ce fait, selon Jean-Louis
Voisin, il faut décaler sur la droite toutes les collines autour d’Alise :
« Au nord-ouest le mont Réa, au nord la montagne de Bussy, à l’est le
Pennevelle, au sud-est la montagne de Flavigny, au sud-ouest le Purgatoire [7]. »
Ce décalage d’un cran chaque fois sous-tendait déjà la démonstration de J.
Harmand [8], qui
voyait la bataille du camp Nord se dérouler sur la montagne de Bussy, au
Nord-Est. Dès lors, rien ne va plus, puisque chaque colline n’est plus à sa
place géographique !
Mais au Nord, rien de
nouveau…
Y. Le Bohec tranche donc
résolument le nœud gordien en transportant le Nord au Sud-Est. Original,
assurément. S’agirait-il d’un canular ? D’un poisson d’avril en
avance ?
Au sortir d’une forte
migraine et de la gymnastique forcée qu’entraîne l’obligation de tourner et
retourner la revue pour lire les explications dans un sens et la carte dans
l’autre, prenons Histoire et
Civilisations à l’envers, pour que le Nord soit bien au Nord… enfin, au
Nord-Ouest. Mais tout n’est pas pour le mieux :
- Il est dans la plaine, pas
sur les hauteurs ; au bord d’une rivière (l’Oze ?).
- Il est englobé dans la
circonvallation, ce qui contredit formellement César, selon qui le périmètre
excessif de la colline Nord avait empêché de l’inclure dans les lignes (Erat a septentrionibus collis quem propter
magnitudinem circuitus opere circumplecti non potuerant nostri, § 83).
L’avantage est de pouvoir justifier les 21 km de la circonvallation, sans quoi
pareille longueur pour entourer les 6,5 km que représente le tour d’Alise
serait ridicule.
- En principe, des
fortifications sont censées protéger des camps, et doivent donc les entourer.
Ici, le camp de plaine qui subsiste et celui de Flavigny sont installés
en-dehors des retranchements, directement exposés à l’arrivée de l’armée de
secours, ce qui est une aberration militaire. En revanche, des castella
(on suppose) sont disposés bien régulièrement entre les deux lignes, eux qui
doivent servir d’avant-postes aux camps et servent, ici d’arrière-postes,
autant dire ne servent à rien.
- pas l’ombre d’un camp dans
la plaine des Laumes, là où devrait camper, en bonne logique, le gros de
l’armée romaine et où se déroulent tous les combats (§ 70 :
« dans la plaine de 3000 pas » ; § 73 : sortie des Gaulois
et travaux supplémentaires dans la plaine ; § 79 déploiement de la cavalerie
des alliés dans la plaine de 3000 pas ; § 80 : combat de cavalerie
dans la plaine, suivie depuis tous les camps des hauteurs etc.)
- Au-dessus du camp
« Nord » s’allongent dans la nature d’interminables fortifications qui
doivent relier les camps des hauteurs, à cela près qu’il n’y a pas de camp,
tout comme, d’ailleurs, à l’Est. On aimerait savoir à quoi elles pouvaient bien
servir, puisque le camp est en bas… Salle de bal pour occuper les légionnaires
désœuvrés [9] ?
- En prime, les 3,500 km qui
séparent le mont Auxois des collines alentour se sont miraculeusement réduits,
la montagne de Flavigny surplombant directement l’Ozerain dont 3,200 km la
séparent en réalité.
- Si on lit la revue à
l’endroit, avec la carte à l’envers, Vercingétorix déclenche une attaque depuis
la ville d’Alésia, alors que ses troupes occupent tout le plateau et l’arrière
de la colline, c’est-à-dire à l’Ouest,
en contradiction avec le § 69 : « Sous le rempart, les troupes gauloises
avaient rempli toute la partie de la colline qui regardait vers l’Est. »
- Si on tourne la revue à l’envers pour lire
la carte à l’endroit, les troupes sont bien cantonnées à l’Est ; mais,
puisque, là, il n’y a pas de Romains à l’horizon, elles doivent se tourner les pouces pendant
que leur chef, du côté opposé, descend les falaises sous la ville pour attaquer
– avec quels soldats ? – la contrevallation. Pour l’atteindre, il doit
franchir ce fameux grand fossé de 6 m de large qu’on a dessiné sans le nommer,
(ce doit être le double trait bleu qui rejoint les deux rivières), et parcourir
les quelque 700 m qui le séparent des palissades romaines (là où César a
indiqué 120 m, mais on n’en est plus à cela près).
Soit, donc, cette carte est
une hérésie typographique, soit, si elle doit représenter la conception que se
fait l’auteur de l’épisode du camp Nord, elle suscite de sérieuses
interrogation sur… disons, le bon sens (en l’occurrence, le mot
s’impose !) de celui qui l’a forgée. Et le risque est grand qu’un lecteur
novice ne prenne comme l’expression de la réalité cette monstruosité
historico-géographique.
***
Une carte de même facture
était publiée par Jean-Louis Voisin dans le Figaro-Histoire
[10]. Cette
fois-là, c’était… à l’endroit ! À retenir surtout la phrase de la
notice 7 : « César galope avec quatre cohortes à l’autre point
sensible, au pied du mont Réa ».
Bien la peine que César eût parlé de la montagne Nord extérieure aux lignes et
du camp qu’on y installa au sommet, ce camp « supérieur » qu’a
attaqué Vercassivellaun et où les Romains plient ! Le voilà dégringolé au
pied du Réa…
On sait, on sait :
« César fut un des plus grands menteurs de l’histoire [11] »,
mais les Alisiens, apparemment, ne sont pas en reste…
J.-L. Voisin a adopté, lui,
l’hypothèse selon laquelle les praerupta
ne sont pas les abrupts montant au camp Nord (ce camp est en bas et quant aux
abrupts…) mais ceux qui supportent la montagne de Flavigny, où César envoie le
jeune Brutus pour défendre la contrevallation qu’attaque un contingent
d’assiégés, avant de rétablir lui-même la situation, puis de partir au camp
Nord (§ 86-87).
Cette interprétation, toutefois,
rencontre quelques difficultés :
- César aurait précisé qu’il traitait deux fronts de bataille au lieu de centrer toutes les opérations au
camp Nord, qu’il cite en premier comme point essentiel des mouvements qui vont
suivre, et mentionné que les grimpeurs visaient son propre camp [12].
On imaginerait même que, voyant cette horde d’enragés grimper à
l’assaut de son camp, il serait venu tout de suite le défendre au lieu de se
contenter d’y envoyer Décimus Brutus avec « des cohortes » en allant
lui-même visiter les autres fronts en péril.
- Le déroulement des opérations
est chaotique :
notice 5 : une partie des
forces assiégées attaque le camp du Réa ;
notice 6 : le gros des
troupes assiégées attaque la montagne de Flavigny ; en pareil cas, les
Gaulois n’ont pas l’idée de coordonner les attaques de l’intérieur et celles de
l’extérieur pour prêter main forte à l’armée de secours, ce qui désorganise
toute la stratégie prévue. Les fortifications de plaine résistent : que ne
font-ils le forcing pour y ouvrir une
brèche, déjà presque ménagée par Vercassivellaun ?
notice 8 : Vercassivellaun ne
trouve rien de mieux que de se réfugier sur l’oppidum. Là, on ne comprend plus. En outre, si les soldats de
Vercassivellaun et les assiégés remontent sur l’oppidum, déjà dix fois trop exigu pour contenir la ville et les
hommes de Vercingétorix, même si les 60000 Gaulois de Vercassivellaun ne sont
plus aussi nombreux, on va refuser du monde sur le mont Auxois !
César n’a jamais divisé en deux
parties les attaques gauloises, une sur le Réa, une sur Flavigny. Depuis qu’il
a mentionné l’existence du camp Nord comme nœud de l’affaire et signalé que le
point crucial où les Gaulois furent à deux doigts de vaincre se situait là,
« aux fortifications des hauteurs » il est clair que les efforts des
assiégés portent sur la contrevallation au-dessous du camp Nord, où ils vont
ouvrir la brèche qui va leur permettre l’« escalade » vers le camp
Nord, tandis que les hommes de Vercassivellaun attaquent le camp Nord lui-même
qui sera donc pris en tenaille.
Si l’on considère l’hypothèse de
l’Alésia jurassienne, on comprend que César ait mobilisé le gros de ses troupes
sur ce front, puisqu’il s’agit d’empêcher les Gaulois déjà vainqueurs et cinq
fois supérieurs en nombre, de descendre sur Syam et d’investir les camps de
plaine qu’ils n’ont pu atteindre ni par l’intérieur ni par l’extérieur.
Mais comme cette
« escalade », cette « descente » et ces
« pentes » n’existent pas dans l’hypothèse Alise, force est de les
trouver quelque part et l’on dissocie l’attaque du camp Nord en dérivant une
partie des troupes sur Flavigny.
- Notons aussi que les Gaulois du
camp Nord durent avoir du mal à voir « les pentes que descendait
César », § 88, puisque ce dernier a fait le tour de ses retranchements par la plaine et n’a donc rien à
descendre. Si ce sont les pentes de Flavigny, ils ne peuvent le voir, séparés
qu’ils en sont par la colline d’Alise.
***
Solution drastique au problème du
camp Nord et du Réa : le colonel Alain Deyber considérait déjà
que toute la bataille finale se déroulait dans la plaine… C’est évacuer le
problème… manu militari !
Goûtons :
« Apercevant César en train de se porter entre les lignes, face à la
plaine des Laumes, avec quelques cohortes de renfort et ses auxiliaires
germains, ces troupes passives quittèrent le champ de bataille pour s’en
retourner dans leurs cités [13]. »
Et voilà toute la bataille du camp Nord ! voilà le contournement de la
montagne par Vercassivellaun dont le nom n’est même pas écrit ! L’armée de
secours a attaqué « la contrevallation dans la plaine des Laumes »,
Vercingétorix « lance ses propres troupes à l’assaut de la
circonvallation », et César fonce - à travers son camp ? – vers la
plaine des Laumes : tout s’est donc passé en bas alors que nous devrions être en haut, et César va
s’empoigner avec… l’armée de secours, le camp Nord n’existant nulle part dans
ce récit. Et le même silence sur : « des hauteurs que les Gaulois
occupaient on voyait les pentes que
descendait César ». Quelles pentes peut-il descendre, s’il est dans la
plaine ? Comment les Gaulois du camp Nord, lui aussi au pied du Réa,
peuvent-ils être placés « sur les hauteurs » ? Mystère d’un bout
à l’autre !
On comprend les prudentes
reculades des autorités archéologiques sur le camp du Réa, abandonné ainsi que
les armes retrouvées dans son ex-fossé transformées en dépôt votif… Plus de
Réa, plus d’armes ni de monnaies = plus d’Alise-Alésia… Aussi tant J.-L. Voisin
que Y. Le Bohec ignorent-ils cette dernière interprétation, et donnent des
événements du dernier combat des cartes bizarrement orientées, dépourues
d’indications de lieux et d’un flou résolument artistique.
Le pire étant encore la carte
à l’envers, la meilleure solution, et la seule, à mon sens, est que la revue Histoire et Civilisations présente ses
excuses dans un prochain numéro, et publie une carte admissible.
Ira-t-elle jusqu’à consacrer
un chapitre à la version Chaux-des-Crotenay de l’événement ? Il y faudrait
un certain courage. J’en fais la demande, mais rien n’est moins sûr…
© Danielle Porte
Il y aura d’autres cartes, antérieures, à examiner, qui
placent les Lingons selon le bon plaisir des Alisiens. Ce sera l’objet d’un
prochain article.
[1] Le
Ministre en question est une dame, Najat Vellaud-Belkacem. Puriste, je
n’écrirai pas « la » ministre, pas plus que « la
fossoyeure » ou « la fossoyeuse », au choix des barbares.
[2] L.A. Constans, éd. du B.G., 1995, t. 2, p. 276, n. 1, sur le
texte : « les Gaulois… tentent l’escalade des hauteurs » : « Vraisemblablement
la montagne de Flavigny » ; alors qu’il a commenté « le danger
est surtout grand aux fortifications de
la montagne où nous avons dit qu’on avait envoyé Vercassivellaunos »
par : « Cette montagne est le Mont Réa » (p. 275, n. 1.).
[3] Équivalent latin de notre abracadabra.
[4] Les anciens Romains disaient en
ce cas : monstrum.
[5]
Alésia, l’archéologie face à
l’imaginaire, 2003, p. 106.
[6] « Le
témoignage de César », dans Archeologia,
h.s. 14, 2012, 20-23, p. 22.
[7] Alésia, un
village, une bataille, un site, 2012, p. 58. La réalité géographique veut
que la montagne de Bussy soit au Nord-Est,
le Pennevelle au Sud-Est et la
montagne de Flavigny au Sud.
[8] Une campagne
césarienne, Alésia, 1967.
[9] Pourtant, l’ensemble des travaux
dépassait les possibilités humaines, Velléius Paterculus l’affirmait déjà. Bernard Gay conclut ainsi son étude de la
faisabilité des travaux romains sous Alésia : « Soit César a distribué à
ses hommes la potion magique d’Astérix, soit il n’a réalisé que la moitié du
périmètre défensif prévu et les armées gauloises se sont sottement acharnées à
monter à l’assaut des seuls secteurs terminés, soit cette bataille ne s’est pas
déroulée à Alise-Sainte-Reine sous le mont Auxois ! » (« le Treizième travail d’Hercule »,
p. 221-228 de l’ouvrage collectif Alésia,
la Supercherie dévoilée, 2014, p. 226).
[10] N° 3, 2012, p. 62-63.
[11] Y. Le Bohec, « Comment
on devient César », dans le
Figaro-Histoire, 3, 2012, 48-51, p. 50.
[12] Lui-même est ailleurs. La notice 6 indique que la
contrevallation est défendue par Décimus Brutus ; César l’y a envoyé avant
de s’y rendre lui-même.
[13] A. Deyber, « Alésia :
la bataille décisive », dans le
Nouvel Ovservateur, h.s.78, la Vérité
sur les Gaulois, 2011, 50-52, p. 52.
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