la Colline inspirée

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mercredi 19 décembre 2018

L'heure Hache

Titre canular ? Que non pas. Sujet très sérieux, au contraire.


Avant de l'expliquer, il me vient une tentation, à laquelle je succombe : j'aurais pu intituler ce début de blog "de Scylla en Charybde", "de la poubelle à l'Olympe" ou, plus hugolien : "Ah! n'insultez jamais une femme innocente !"

Je ne l'aurais même pas signalé sur un blog, mais la rencontre est vraiment trop savoureuse ! Après avoir subi les tombereaux d'injures dont je vous ai fait longuement profiter ici, après avoir lu que j'étais incapable de traduire trois lignes de latin, et la kyrielle de gentillesses, parfois à la limite de l'outrage, qui qualifiait mes livres, j'ai eu le plaisir, jeudi 6 décembre, de voir mon Dictionnaire du Siècle d'Auguste couronné par... l'Académie Française, remportant le Prix du livre d'Histoire (Fondation François Millepierres). Après les ordures, les ors de la République, la célèbre Coupole, la Garde Républicaine, le défilé des Immortels en grand habit vert à palmes dorées, au son des tambours, l'éloge et les discours, l'émotion de se trouver dans les mêmes augustes lieux qui accueillirent tant d'illustres Ombres, la sortie entre les deux files de Gardes sabre au clair, la réception dans les salons de l'Académie et, en finale, le baiser de Mme Hélène Carrère d'Encausse elle-même, Secrétaire Perpétuel... voilà qui console de bien des avanies. À tant faire, que mes amis s'en réjouissent, et que mes ennemis en...   chut !!!!!!

Revenons à notre titre et développons-le. Là aussi, le Ciel nous a offert une douce vengeance.


L’HEURE HACHE

Curieux. Très curieux.

Voici qu’après cinquante-huit ans de sarcasmes et d’ironie, les responsables de la recherche alisienne ont l’air de se réveiller ! se frottent les yeux sans pouvoir les en croire, comme, d’ailleurs, nous avons frotté les nôtres avec le même résultat.

Quel est le facteur inattendu de ce mini-revirement dont rien, après le venimeux Manifeste des archéologues dont nous avons amplement parlé, ne laissait entrevoir la possibilité ?

Pas ce nom magique : le L .I.D.A.R. Et pourtant… Ce procédé scien-ti-fi-que dont tout le monde – et la Presse surtout – a vanté à l’envi les bienfaits et qui souleva la tempête :  voilà que ces arriérés de Jurassiens avaient eu connaissance du procédé révolutionnaire ! Mieux – ou plutôt : pis ! – qu’ils prétendaient en faire l’application à ce maudit site de Syam-Chaux prétendument  assimilé avec le lieu immortel et prestigieux, bourguignon ce qui ne fait de doute pour personne , où César triompha de Vercingétorix et mit la Gaule aux pieds de Rome. Quelle aberration ! Eux dont  les Autorités Scientifiques avaient réussi, depuis près de soixante ans, à juguler les prétentions, se mêlaient, maintenant, de vouloir jouer dans la cour des grands, et de s’approprier les techniques de recherche les plus modernes au bénéfice de leurs fantaisies insanes... Le monde, qui déjà, ces temps-ci, ne tourne plus bien rond, tournait décidément à l’envers. Le monde scientifique surtout. Ces farfelus, mis sur le même pied que des professionnels chevronnés, bénéficiant des faveurs de la Presse refusées aux tenants du véritable site, authentifié depuis Napoléon III dont les conclusions furent entérinées par Michel Reddé dans les années 1995…
(ajoutons, la plume nous démange : sans qu’aucun élément – hormis une balle de fronde suspecte – fût venu les cautionner ; et alors que le Rapport de fouilles signale à chaque chapitre toutes les incongruités des résultats de recherche en tous domaines…)

Ah ! mes constructions cicéroniennes vont offusquer la clarté du sens… Reprenons en résumant. Donc : À l’Est rien de nouveau, mais, manu militari, Alise est toujours Alésia.

Toutefois… Si la première opération de prospection aérienne avait révélé les structures du camp Nord (lignes des fortifications, portes, tours espacées des 24 m césariens, ce qui suffit à soi seul à isoler le siège de -52 parmi tous les autres sièges envisageables, etc.) et donc, s’étaient focalisées sur Crans et sur la plaine en avant de l’oppidum, la seconde privilégia l’oppidum lui-même.

Oh ! nous savons depuis belle lurette que le site était celui d’une grande ville, au vu des remparts «cyclopéens» dont la hauteur et la taille des dalles excluaient toute interprétation par les «murets agricoles» chers à Michel Reddé [1] ; bien que les Alisiens prétendissent que nos arrière-arrière-arrière-etc.-grands parents du Moyen Âge pouvaient déployer une force musculaire bien supérieure à celle de nos contemporains (il faudra que je retrouve la citation exacte, elle vaut son pesant de cacahuètes) ; et que, donc, il ne fallait pas remonter au déluge ni au VIIIè siècle av. J.-C. pour leur en attribuer la construction. Médiévaux ? Même pas. Du siècle dernier tout au plus. Que, d’autre part, il ne fallait pas arguer du texte de Diodore de Sicile, un obscur écrivaillon grec, pour voir dans le site jurassien la «métropole religieuse de toute la Celtique», bien qu’y pullulassent les orthostates en tout genre et les structures arbitrairement proclamées «cultuelles» par ces incultes ; et, surtout, puisque cette métropole sortait tout armée, telle Minerve, du cerveau à coup sûr fortement alcoolisé de Danielle Porte.

Au passage : ladite Danielle Porte se demande toujours comment elle a pu, dans un premier temps du réquisitoire alisien, appuyer ses fantasmes sur un texte «inventé par Diodore», puisque «Diodore n’en parle pas» ; et, dans un second temps, «inventer de toutes pièces» sa métropole-fantôme que Diodore avait lui-même inventée. Rappelons que, même si ses adversaires actuels ne le connaissent pas, le texte de Diodore existe bien, et atteste même que l’Alésia-métropole et l’Alésia-de-César ne font qu’une. Je reproduis avec quelque lassitude le texte de Diodore, tel que le cite le recueil de Joël Le Gall,  qui, en tant qu’Alisien, ne peut pas rêver ni inventer, éd. de 1973, p. 56 : «Les Celtes honorent, de nos jours encore, cette ville où ils voient le foyer et la métropole de toute la Celtique. Jamais depuis l’époque d’Héraclès jusqu’à la nôtre elle n’avait cessé d’être libre et inexpugnable ; mais maintenant Caïus César, celui qui a été divinisé pour la grandeur de ses exploits, la conquit de vive force et lui imposa, ainsi qu’à tous les autres Celtes, la domination de Rome». Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, IV, 19, 2.

Donc, le mur du Chemin aux Ânes, repéré sur toute sa longueur [2] par André Berthier, protégeait bien, à lui appliquer ce témoignage antique, une ville sacrée. Quelque lourde ironie qu’on pût exercer sur les noms que leurs découvreurs leur donnèrent, on ne pouvait confondre la «Boîte à Lettres» ou les «Monuments en U» ou les «Quarts de Brie» avec des tas d’épierrement, ou refuser à nos pierres levées, telle ma «déesse Alésia» dont ils firent des gorges chaudes, la qualité d’orthostates. Les alignées de pierres qui quadrillaient champs et forêts classées officiellement «limites de parcelles», identification qui fait hurler le cadastre, restaient donc pour nous, même mystérieuses, des constructions gauloises ou romaines, car les deux se mélangent et il n’est pas rare de voir, au camp Nord notamment, des murs de type celtique poursuivis par des murs en appareil romain : lorsqu’on guerroie dans un pays, on se sert, semble-t-il, des constructions existantes, sans spécifier à l’usage de ses futurs descendants que là commence le romain parce que là finit le celtique. Et nous continuâmes de sourire en les voyant décréter, devant certain amas de pierres… parementé à la verticale, qu’il ressemblait tant à… une moraine (!) qu’il eût été aberrant d’y voir autre chose. L’écartement constant de ces huit «tas de pierres» identiques exclut pourtant une interprétation officielle aussi saugrenue [3] : les glaciers ont vraiment bon dos. Nous préférions, nous, voir dans ces vestiges construits des bases de tour, dont la plus parlante est celle qu’on désigne comme la Porte Nord, voisine du Mur militaire en moyen appareil, formé de pierres bien équarries, indéniable, lui, et qu’un col de pot découvert à son pied permet de déclarer romain [4].    

Mais voilà : la pierre est muette… même si les archéologues la font parler, la plupart du temps selon leurs convictions, et, bien sûr, selon ce qui peut servir la thèse Alésia = Alise. Donc, exit Diodore, exit sa métropole fantôme ; plus de cyclopéen, plus d’Âge du Bronze final, plus de plongées indécentes dans des époques invraisemblables, mais du médiéval de tout repos, du paysan début XIXè sans problème, de la pierraille anonyme sans histoire(s).

Une fois nos remparts cyclopéens mis au rang de purs fantasmes et nos mégalithes éliminés comme résultant d’accès de folie furieuse, il fallait aux Alisiens de l’humain ; du palpable, du datable, si possible du bronze. Pas de bronze, pas d’Alésia.

On leur soumit cet humain et ce bronze, et du fer aussi, sans infléchir d’un iota leurs conclusions. Éliminés bien vite furent les objets de métal ; déclaré agricole ce qui était militaire ; ignorées la clef et les monnaies ; oubliés les tessons de campanienne, de sigillée, de grise et de bleue… Il ne restait rien qui fût probant pour autoriser une datation pré-moyenâgeuse. Tout le matériel et la «grange» qui le contenait, datait du IIIè siècle après J.-C. César n’avait sûrement jamais mis les pieds à Crans, ni Hercule posé les siens à Chaux.

Il nous semblait pourtant que la clef modèle Pompéi trouvée par François Billot était furieusement romaine. Et non moins furieusement la douzaine de monnaies frappées au nom d’empereurs à coup sûr pré-médiévaux, Vespasien et ses collègues du Haut et du Bas Empire, jusqu’à Numérius et Carin. Oh ! certes, il n’y avait pas de César dans les quelques sondages qui nous permirent d’interroger la terre. Mais Alise non plus n’a pas de César postérieur à -54 av. J.-C., et mieux lui vaut de rester discrète sur ses Vercingétorix. En tout cas, le sol de Crans avait bel et bien vu camper sur lui des légionnaires romains après le départ du grand chef : celui-ci n’allait sûrement pas laisser le secteur sans surveillance, et ses successeurs non plus !

Un premier progrès toutefois : l’expert consulté sur les armes découvertes au camp Nord par André Berthier, après avoir repoussé loin de lui, sur la table, tout ce qui pouvait ressembler à une arme et délivré son verdict sur les fils de fer barbelés ou les fragments de pioches rouillés, finit par déclarer tout récemment qu’influencé par les analyses de Christophe Méloche, il «était parti sur un contexte agricole médiéval, mais que sans cela il en aurait jugé différemment». Je le tiens de ceux mêmes qui assistèrent à l’expertise.

Or, Christophe Méloche, qui avait écrit durant des années que tout ce qui sortait du sol de Crans était romain à 90%, avait été "influencé" lui-même par une lettre d’Élise Boucharlat [5], qui disait textuellement ceci :  (n. 3) « mais à lire entre les lignes, votre texte évoque à plusieurs reprises le siège d’Alésia et laisse planer le doute sur la localisation de l’oppidum. En laissant croire que ce site pourrait se situer à Syam, il entretient une controverse fâcheuse dont toute la communauté archéologique s’accorde à dire qu’elle est sans objet depuis un siècle. Cet attachement à la thèse de l’Alésia franc-comtoise est de nature à jeter le discrédit sur votre équipe. »

Le message était clair, il fut compris.  D ‘un trait de plume, le camp Nord émigra, avec armes et bagages, on peut l’écrire !, de l’autre côté du Temps et le «moins» devint «plus» : tout ce qui avait été jugé romain, gaulois, voire antérieur, se retrouva transplanté au IIIè siècle après J.-C. et devint loi pour la Communauté Scientifique.

Mon commentaire n’ira pas plus avant.

Nos murs, quoique cyclopéens, n’étant que de pierre et donc nuls et non avenus, notre métropole restait toujours à démontrer. Ce fut le bronze qui s’en chargea.

Pas grâce aux relevés LIDAR, qui ne peuvent creuser la terre et en exhumer les trésors. Néanmoins, on vit bien une représentante de la DRAC – ou de l’iNRAP, pour nous c’est du pareil au même – aux conférences de présentation publique du LIDAR à Champagnole ainsi qu’aux réunions officielles qui suivirent. On ne rêvait pas : les services de l’Archéologie acceptaient de se commettre parmi nous ! de considérer enfin notre site comme digne de l’attention des Archéologues ! Il n’était plus peuplé par des imaginations débridées de «gens du coin [6]» désireux de prendre place indûment dans la liste des Alésia potentielles en l’imaginant chez eux… Encore qu’il soit toujours indécent de prononcer le nom, à jamais proscrit, d’Alésia ! Mais on pouvait se contenter de l’authentification d’une «grande cité de l’Âge du Bronze final». Ainsi l’établit triomphalement la Presse régionale.

Quant à nous, les libres chercheurs non-Jurassiens, il nous était loisible d’aller plus loin dans l’interdit, d’appliquer la grande prescription «deux et deux font quatre», et d’invoquer Diodore en mettant en équation l’essentiel de son texte : la cité de l’Âge du Bronze final était aussi l’Alésia qu’assiégea César.

Hercule = César. En moins académique : Hercule et César même combat. Petit plaisir innocent dont, bien sûr, nous ne nous privons pas.

***

La vérité surgit… autrement. Miraculeusement.

Nous avions bien, tous, en mémoire la hache de bronze découverte au sommet des Gîts de Syam, mais la croyions elle aussi mythique, fruit de ces bruits qui courent et se perpétuent de décennie en décennie, privés de tout support livresque, par là même invérifiables. J’en avais lu l’attestation dans quelque écrit de nos chercheurs, et me contentai d’en noter l’existence dans le premier de mes livres [7], consacré aux découvertes sur le site de Chaux qui pouvaient, réunies, contribuer à une reconnaissance de la montagne comme d’un oppidum celtique cerné par des retranchements romains ; donc, de cette fameuse métropole évoquée par Diodore et confondue avec l’Alésia de César. Mon scrupule bien universitaire, du moins chez les chercheurs orthodoxes, de citer mes sources, souffrait de cette lacune [8], mais qu’y faire ?

Et voici que cette hache providentielle ressurgit. Officiellement. Non dans un écrit, ce qui eût été, déjà, miraculeux, mais… telle qu’en elle-même ! Elle, en vrai de vrai. Intacte, parfaitement conservée ; datable sans aucun doute du VIIIè siècle av. J.-C., par simple comparaison avec ses pareilles découvertes ici ou là, un peu partout, expertisées, authentifiées, photographiées… bref : digne du label «hache du Bronze final».  Si Équevillon, Ney, le Frasnois, communes avoisinantes, pouvaient se glorifier de haches semblables, elles aussi visibles au musée de Lons, le site de Chaux, privé du précieux bronze, nous refusait cruellement la preuve de métal qui couronnait la thèse Berthier.

Absence délibérée ? Peut-être. Rien, dans la bible jurassienne qu’est le célèbre «Rousset», publié en 1853. Rien, dans la plus moderne Carte Archéologique du Jura due à Marie-Pierre Rothé, 2002, 840 pages de papier glacé qui pèsent leur poids, où sont recensées les moindres trouvailles et signalés, dans l’index, des témoins aussi importants que des andouillers de cerf…  – ce qui me rappelle une de mes vieilles indignations concernant la salle  Louis-Abel Girardot, au musée de Lons, où les comptes-rendus de Presse mentionnaient un «crâne de chien néolithique» et rien d’autre, alors que cet archéologue avait consacré un long article, en 1889, à l’«Ancien poste romain», signalé ainsi sur les cartes, situé près de Châtelneuf [9], d’où l’on voit l’oppidum qu’il devait protéger, et riche en objets romains de l’époque «de la Conquête romaine»… ce qui l’engageait à croire qu’un grand combat avait dû se dérouler dans les parages, aux temps  qui nous intéressent. Pas d’Ancien poste romain non plus, nulle part…  

 

Vitrine du musée de Lons-le-Saunier : les haches

Pour ce qui est des affectations chronologiques [10], voici les étapes retenues :
(Je n’ai laissé subsister que le type «Bronze final», les autres, plus anciens, n’apportant rien de plus à l’authentification ; et surtout, la photographie de «notre» hache à aileron imposant son évidence au premier coup d’œil. )



La «nôtre» peut être vue au musée de Lons le Saunier, où la photographièrent, séparément, Jacques Blondeau et Anna Martin. Dans le cadre de l’exposition sur les dons reçus par le musée.

Déjà magnifique de conservation, tout autant qu’en ce qu’elle signifie pour nous, elle reçoit son identité et ses lettres de noblesse grâce à l’inscription officielle qui l’accompagne :

«Hache à ailerons
Alliage cuivreux
Syam, grotte de la Cheminée
Àge du Bronze final
inv. 3032
Don Monnier-Jobez, 1842.

Cette hache en bronze est découverte à Syam, dans l’ «antre dit de la Cheminée», et offerte au musée le 12 mai 1842. Le donateur, «M. Monnier-Jobez», est donc Étienne Monnier, (1764-1849), maître de forges à Sirod, membre fondateur de la Société et époux d’Adélaïde Jobez (1780-1872), fille du maître de forges de Syam. Il s’agit d’une hache à ailerons.»

La voici :

© Photo Jacques Blondeau

Que va-t-on nous inventer, cette fois ? Qu’il s’agit d’un faux ? Que les experts qui rédigèrent l’écriteau avaient forcé sur le vin Jaune ? Que Lons le Saunier est trop éloigné pour qu’on puisse s’y rendre ? Qu’une soudaine crise de delirium jurassicum avait frappé l’imprudent responsable du musée, le poussant à exposer un objet que bientôt deux siècles avaient tenu prudemment enfoui dans la poussière de quelque obscur sous-sol ? Car il (ou elle) ne se doutait sûrement pas que ses mains tenaient une véritable bombe, qui pulvérisait par sa seule existence le sérieux tant vanté des Autorités officielles, capables de se cramponner farouchement à des certitudes datant de Napoléon III, intouchables de son temps par simple opportunisme ou simple courtisanerie, (oserai-je : courtisânerie ?), et préservées du moindre doute depuis, par simple routine ou simple paresse intellectuelle.

On savait la vérité depuis 1842 ! et on la tenait cachée depuis ! On se gardait bien de tenir compte de son existence quand on traitait André Berthier de farfelu ou de zouave à la retraite ! J’aime bien l’appréciation que porte sur cette réapparition, en un savoureux zeugma, l’un de mes correspondants, Gilbert Girard, de Bourges, et la lui emprunte sans vergogne : «Si j’étais l’auteur de la fameuse formule site archéologiquement nul, je tremblerais d’effroi à la vue de cette hache surgie des profondeurs du temps et des caves du musée de Lons».

Oh ! oui, qu’ils tremblent ! car ces 316 grammes de métal  suffisent pour jeter à bas des tonnes d’affirmations éhontées, de certitudes branlantes colmatées avec la colle de la hargne et du mépris qui ont écrasé notre site et ont surtout fait en sorte qu’on n’y fouillât pas. Car tout effort pour nous faire entendre des Autorités archéologiques était d’avance voué à l’échec : «Ne pouvant que vous décevoir», écrivait Bruno Bréart, Conservateur régional de l’archéologie, à Jacques Berger [11], le 29 août 1996, «je préfère ne pas vous recevoir». Le meilleur moyen d’avoir raison, c’est de refuser la discussion. Mais est-ce bien scientifique ?

 Cent soixante seize ans d’ignorance officielle, d’obstination obscurantiste ou de malhonnêteté intellectuelle… Alors qu’on sa-vait ! On est saisi de vertige. On croit rêver. On a peur de juger. Et ils osent encore se regarder dans une glace !!!

Nous ne comptons pas, évidemment, sur une palinodie. Si j’ai écrit, dans notre Éphemeris 16, que nous attendions les Alisiens «pieds nus, en chemise et la corde au cou», nous nous résignerons à laisser la chemise et la corde au vestiaire. Pareil voisinage n’honorerait guère les Bourgeois de Calais.

Mais si quelque jour leurs regards croisent les nôtres, ils sauront, sans qu’un seul mot ne s’échange, en quelle estime nous les tenons.

Danielle Porte ©

  




[1] Ce mot, devenu historique, prononcé par le grand patron de l’Archéologie française interviewé par le cinéaste Benoît Bertrand-Cadi dans le film diffusé le 12.12.2008 sur Canal+, a motivé le changement du «Mur du Chemin aux Ânes» en «Muret agricole Michel Reddé». 
[2] Les tronçons principaux sont ceux du Chemin aux Ânes, présentant la hauteur intégrale, et l’alignée de dalles monumentales des Chaumelles que poursuit le Mur du Censeur. Ailleurs, la présence de blocs de pierre analogues à ceux des murs cyclopéens atteste la continuité du rempart : on le retrouve en crête, puis au Chavon, puis à l’Est près de Chaux. 
[3] Certains de ces tas de pierres contenaient, dans leur soubassement, de la poterie romaine, cf. Annales d’Alésia, 1984, p. 26. 
[4] Dans le sondage A. Voir Annales d’Alésia, 1984, p. 24.
[5] Courrier du 18 mai 1993, émanant du Ministère de la Culture et de la francophonie, Préfecture de la Région Franche-Comté, Direction régionale des Affaires Culturelles, Service de l’Archéologie, 9 bis rue Charles Nodier, 25043, Besançon Cédex, réf. HL/SM/93/732. On peut le lire dans les Archives Berthier conservées par ArchéoJuraSites, mais je le copiai de ma blanche main et au stylo, dès qu’elle parvint à la connaissance d’André et de Suzette Berthier, qui m’y autorisèrent.
[6] Encore que, je l’ai fait remarquer plusieurs fois, ni le découvreur, ni ceux qui lui succédèrent, ni ceux qui œuvrèrent par leurs écrits ou diverses réalisations, blogs notamment ou films, ou cartes, à la recherche d’Alésia selon A. Berthier, ne soient Jurassiens.
[7] Dans Alésia, citadelle jurassienne, la colline où soufflait l’esprit, Yens-sur-Morge, 2000, p. 123.
[8] Comblée tout récemment par Jacques Blondeau et Bernard Gay, que je remercie, il va de soi. Communication de Mireille Viala, Alésia et les voies antiques de pénétration du Jura, Bulletin de l’A.L.E.S.I.A., 1989, p. 29.
[9] L.-A. Girardot, Notes sur le plateau de Châtelneuf, Lons-le-Saunier, 1889. Carte IGN Champagnole 3226 ET, 5 B, cote 851.
[10] Planche XXXVII, C. Barrière et B. Pajot, les Grandes étapes de la Préhistoire, Musée St-Raymond, Toulouse, 1980.
[11] Lettre publiée dans le bulletin n° 17 de l’association A.L.E.S.i.A. dont J. Berger était président.

   

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