la Colline inspirée

la Colline inspirée

mercredi 19 décembre 2018

L'heure Hache

Titre canular ? Que non pas. Sujet très sérieux, au contraire.


Avant de l'expliquer, il me vient une tentation, à laquelle je succombe : j'aurais pu intituler ce début de blog "de Scylla en Charybde", "de la poubelle à l'Olympe" ou, plus hugolien : "Ah! n'insultez jamais une femme innocente !"

Je ne l'aurais même pas signalé sur un blog, mais la rencontre est vraiment trop savoureuse ! Après avoir subi les tombereaux d'injures dont je vous ai fait longuement profiter ici, après avoir lu que j'étais incapable de traduire trois lignes de latin, et la kyrielle de gentillesses, parfois à la limite de l'outrage, qui qualifiait mes livres, j'ai eu le plaisir, jeudi 6 décembre, de voir mon Dictionnaire du Siècle d'Auguste couronné par... l'Académie Française, remportant le Prix du livre d'Histoire (Fondation François Millepierres). Après les ordures, les ors de la République, la célèbre Coupole, la Garde Républicaine, le défilé des Immortels en grand habit vert à palmes dorées, au son des tambours, l'éloge et les discours, l'émotion de se trouver dans les mêmes augustes lieux qui accueillirent tant d'illustres Ombres, la sortie entre les deux files de Gardes sabre au clair, la réception dans les salons de l'Académie et, en finale, le baiser de Mme Hélène Carrère d'Encausse elle-même, Secrétaire Perpétuel... voilà qui console de bien des avanies. À tant faire, que mes amis s'en réjouissent, et que mes ennemis en...   chut !!!!!!

Revenons à notre titre et développons-le. Là aussi, le Ciel nous a offert une douce vengeance.


L’HEURE HACHE

Curieux. Très curieux.

Voici qu’après cinquante-huit ans de sarcasmes et d’ironie, les responsables de la recherche alisienne ont l’air de se réveiller ! se frottent les yeux sans pouvoir les en croire, comme, d’ailleurs, nous avons frotté les nôtres avec le même résultat.

Quel est le facteur inattendu de ce mini-revirement dont rien, après le venimeux Manifeste des archéologues dont nous avons amplement parlé, ne laissait entrevoir la possibilité ?

Pas ce nom magique : le L .I.D.A.R. Et pourtant… Ce procédé scien-ti-fi-que dont tout le monde – et la Presse surtout – a vanté à l’envi les bienfaits et qui souleva la tempête :  voilà que ces arriérés de Jurassiens avaient eu connaissance du procédé révolutionnaire ! Mieux – ou plutôt : pis ! – qu’ils prétendaient en faire l’application à ce maudit site de Syam-Chaux prétendument  assimilé avec le lieu immortel et prestigieux, bourguignon ce qui ne fait de doute pour personne , où César triompha de Vercingétorix et mit la Gaule aux pieds de Rome. Quelle aberration ! Eux dont  les Autorités Scientifiques avaient réussi, depuis près de soixante ans, à juguler les prétentions, se mêlaient, maintenant, de vouloir jouer dans la cour des grands, et de s’approprier les techniques de recherche les plus modernes au bénéfice de leurs fantaisies insanes... Le monde, qui déjà, ces temps-ci, ne tourne plus bien rond, tournait décidément à l’envers. Le monde scientifique surtout. Ces farfelus, mis sur le même pied que des professionnels chevronnés, bénéficiant des faveurs de la Presse refusées aux tenants du véritable site, authentifié depuis Napoléon III dont les conclusions furent entérinées par Michel Reddé dans les années 1995…
(ajoutons, la plume nous démange : sans qu’aucun élément – hormis une balle de fronde suspecte – fût venu les cautionner ; et alors que le Rapport de fouilles signale à chaque chapitre toutes les incongruités des résultats de recherche en tous domaines…)

Ah ! mes constructions cicéroniennes vont offusquer la clarté du sens… Reprenons en résumant. Donc : À l’Est rien de nouveau, mais, manu militari, Alise est toujours Alésia.

Toutefois… Si la première opération de prospection aérienne avait révélé les structures du camp Nord (lignes des fortifications, portes, tours espacées des 24 m césariens, ce qui suffit à soi seul à isoler le siège de -52 parmi tous les autres sièges envisageables, etc.) et donc, s’étaient focalisées sur Crans et sur la plaine en avant de l’oppidum, la seconde privilégia l’oppidum lui-même.

Oh ! nous savons depuis belle lurette que le site était celui d’une grande ville, au vu des remparts «cyclopéens» dont la hauteur et la taille des dalles excluaient toute interprétation par les «murets agricoles» chers à Michel Reddé [1] ; bien que les Alisiens prétendissent que nos arrière-arrière-arrière-etc.-grands parents du Moyen Âge pouvaient déployer une force musculaire bien supérieure à celle de nos contemporains (il faudra que je retrouve la citation exacte, elle vaut son pesant de cacahuètes) ; et que, donc, il ne fallait pas remonter au déluge ni au VIIIè siècle av. J.-C. pour leur en attribuer la construction. Médiévaux ? Même pas. Du siècle dernier tout au plus. Que, d’autre part, il ne fallait pas arguer du texte de Diodore de Sicile, un obscur écrivaillon grec, pour voir dans le site jurassien la «métropole religieuse de toute la Celtique», bien qu’y pullulassent les orthostates en tout genre et les structures arbitrairement proclamées «cultuelles» par ces incultes ; et, surtout, puisque cette métropole sortait tout armée, telle Minerve, du cerveau à coup sûr fortement alcoolisé de Danielle Porte.

Au passage : ladite Danielle Porte se demande toujours comment elle a pu, dans un premier temps du réquisitoire alisien, appuyer ses fantasmes sur un texte «inventé par Diodore», puisque «Diodore n’en parle pas» ; et, dans un second temps, «inventer de toutes pièces» sa métropole-fantôme que Diodore avait lui-même inventée. Rappelons que, même si ses adversaires actuels ne le connaissent pas, le texte de Diodore existe bien, et atteste même que l’Alésia-métropole et l’Alésia-de-César ne font qu’une. Je reproduis avec quelque lassitude le texte de Diodore, tel que le cite le recueil de Joël Le Gall,  qui, en tant qu’Alisien, ne peut pas rêver ni inventer, éd. de 1973, p. 56 : «Les Celtes honorent, de nos jours encore, cette ville où ils voient le foyer et la métropole de toute la Celtique. Jamais depuis l’époque d’Héraclès jusqu’à la nôtre elle n’avait cessé d’être libre et inexpugnable ; mais maintenant Caïus César, celui qui a été divinisé pour la grandeur de ses exploits, la conquit de vive force et lui imposa, ainsi qu’à tous les autres Celtes, la domination de Rome». Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, IV, 19, 2.

Donc, le mur du Chemin aux Ânes, repéré sur toute sa longueur [2] par André Berthier, protégeait bien, à lui appliquer ce témoignage antique, une ville sacrée. Quelque lourde ironie qu’on pût exercer sur les noms que leurs découvreurs leur donnèrent, on ne pouvait confondre la «Boîte à Lettres» ou les «Monuments en U» ou les «Quarts de Brie» avec des tas d’épierrement, ou refuser à nos pierres levées, telle ma «déesse Alésia» dont ils firent des gorges chaudes, la qualité d’orthostates. Les alignées de pierres qui quadrillaient champs et forêts classées officiellement «limites de parcelles», identification qui fait hurler le cadastre, restaient donc pour nous, même mystérieuses, des constructions gauloises ou romaines, car les deux se mélangent et il n’est pas rare de voir, au camp Nord notamment, des murs de type celtique poursuivis par des murs en appareil romain : lorsqu’on guerroie dans un pays, on se sert, semble-t-il, des constructions existantes, sans spécifier à l’usage de ses futurs descendants que là commence le romain parce que là finit le celtique. Et nous continuâmes de sourire en les voyant décréter, devant certain amas de pierres… parementé à la verticale, qu’il ressemblait tant à… une moraine (!) qu’il eût été aberrant d’y voir autre chose. L’écartement constant de ces huit «tas de pierres» identiques exclut pourtant une interprétation officielle aussi saugrenue [3] : les glaciers ont vraiment bon dos. Nous préférions, nous, voir dans ces vestiges construits des bases de tour, dont la plus parlante est celle qu’on désigne comme la Porte Nord, voisine du Mur militaire en moyen appareil, formé de pierres bien équarries, indéniable, lui, et qu’un col de pot découvert à son pied permet de déclarer romain [4].    

Mais voilà : la pierre est muette… même si les archéologues la font parler, la plupart du temps selon leurs convictions, et, bien sûr, selon ce qui peut servir la thèse Alésia = Alise. Donc, exit Diodore, exit sa métropole fantôme ; plus de cyclopéen, plus d’Âge du Bronze final, plus de plongées indécentes dans des époques invraisemblables, mais du médiéval de tout repos, du paysan début XIXè sans problème, de la pierraille anonyme sans histoire(s).

Une fois nos remparts cyclopéens mis au rang de purs fantasmes et nos mégalithes éliminés comme résultant d’accès de folie furieuse, il fallait aux Alisiens de l’humain ; du palpable, du datable, si possible du bronze. Pas de bronze, pas d’Alésia.

On leur soumit cet humain et ce bronze, et du fer aussi, sans infléchir d’un iota leurs conclusions. Éliminés bien vite furent les objets de métal ; déclaré agricole ce qui était militaire ; ignorées la clef et les monnaies ; oubliés les tessons de campanienne, de sigillée, de grise et de bleue… Il ne restait rien qui fût probant pour autoriser une datation pré-moyenâgeuse. Tout le matériel et la «grange» qui le contenait, datait du IIIè siècle après J.-C. César n’avait sûrement jamais mis les pieds à Crans, ni Hercule posé les siens à Chaux.

Il nous semblait pourtant que la clef modèle Pompéi trouvée par François Billot était furieusement romaine. Et non moins furieusement la douzaine de monnaies frappées au nom d’empereurs à coup sûr pré-médiévaux, Vespasien et ses collègues du Haut et du Bas Empire, jusqu’à Numérius et Carin. Oh ! certes, il n’y avait pas de César dans les quelques sondages qui nous permirent d’interroger la terre. Mais Alise non plus n’a pas de César postérieur à -54 av. J.-C., et mieux lui vaut de rester discrète sur ses Vercingétorix. En tout cas, le sol de Crans avait bel et bien vu camper sur lui des légionnaires romains après le départ du grand chef : celui-ci n’allait sûrement pas laisser le secteur sans surveillance, et ses successeurs non plus !

Un premier progrès toutefois : l’expert consulté sur les armes découvertes au camp Nord par André Berthier, après avoir repoussé loin de lui, sur la table, tout ce qui pouvait ressembler à une arme et délivré son verdict sur les fils de fer barbelés ou les fragments de pioches rouillés, finit par déclarer tout récemment qu’influencé par les analyses de Christophe Méloche, il «était parti sur un contexte agricole médiéval, mais que sans cela il en aurait jugé différemment». Je le tiens de ceux mêmes qui assistèrent à l’expertise.

Or, Christophe Méloche, qui avait écrit durant des années que tout ce qui sortait du sol de Crans était romain à 90%, avait été "influencé" lui-même par une lettre d’Élise Boucharlat [5], qui disait textuellement ceci :  (n. 3) « mais à lire entre les lignes, votre texte évoque à plusieurs reprises le siège d’Alésia et laisse planer le doute sur la localisation de l’oppidum. En laissant croire que ce site pourrait se situer à Syam, il entretient une controverse fâcheuse dont toute la communauté archéologique s’accorde à dire qu’elle est sans objet depuis un siècle. Cet attachement à la thèse de l’Alésia franc-comtoise est de nature à jeter le discrédit sur votre équipe. »

Le message était clair, il fut compris.  D ‘un trait de plume, le camp Nord émigra, avec armes et bagages, on peut l’écrire !, de l’autre côté du Temps et le «moins» devint «plus» : tout ce qui avait été jugé romain, gaulois, voire antérieur, se retrouva transplanté au IIIè siècle après J.-C. et devint loi pour la Communauté Scientifique.

Mon commentaire n’ira pas plus avant.

Nos murs, quoique cyclopéens, n’étant que de pierre et donc nuls et non avenus, notre métropole restait toujours à démontrer. Ce fut le bronze qui s’en chargea.

Pas grâce aux relevés LIDAR, qui ne peuvent creuser la terre et en exhumer les trésors. Néanmoins, on vit bien une représentante de la DRAC – ou de l’iNRAP, pour nous c’est du pareil au même – aux conférences de présentation publique du LIDAR à Champagnole ainsi qu’aux réunions officielles qui suivirent. On ne rêvait pas : les services de l’Archéologie acceptaient de se commettre parmi nous ! de considérer enfin notre site comme digne de l’attention des Archéologues ! Il n’était plus peuplé par des imaginations débridées de «gens du coin [6]» désireux de prendre place indûment dans la liste des Alésia potentielles en l’imaginant chez eux… Encore qu’il soit toujours indécent de prononcer le nom, à jamais proscrit, d’Alésia ! Mais on pouvait se contenter de l’authentification d’une «grande cité de l’Âge du Bronze final». Ainsi l’établit triomphalement la Presse régionale.

Quant à nous, les libres chercheurs non-Jurassiens, il nous était loisible d’aller plus loin dans l’interdit, d’appliquer la grande prescription «deux et deux font quatre», et d’invoquer Diodore en mettant en équation l’essentiel de son texte : la cité de l’Âge du Bronze final était aussi l’Alésia qu’assiégea César.

Hercule = César. En moins académique : Hercule et César même combat. Petit plaisir innocent dont, bien sûr, nous ne nous privons pas.

***

La vérité surgit… autrement. Miraculeusement.

Nous avions bien, tous, en mémoire la hache de bronze découverte au sommet des Gîts de Syam, mais la croyions elle aussi mythique, fruit de ces bruits qui courent et se perpétuent de décennie en décennie, privés de tout support livresque, par là même invérifiables. J’en avais lu l’attestation dans quelque écrit de nos chercheurs, et me contentai d’en noter l’existence dans le premier de mes livres [7], consacré aux découvertes sur le site de Chaux qui pouvaient, réunies, contribuer à une reconnaissance de la montagne comme d’un oppidum celtique cerné par des retranchements romains ; donc, de cette fameuse métropole évoquée par Diodore et confondue avec l’Alésia de César. Mon scrupule bien universitaire, du moins chez les chercheurs orthodoxes, de citer mes sources, souffrait de cette lacune [8], mais qu’y faire ?

Et voici que cette hache providentielle ressurgit. Officiellement. Non dans un écrit, ce qui eût été, déjà, miraculeux, mais… telle qu’en elle-même ! Elle, en vrai de vrai. Intacte, parfaitement conservée ; datable sans aucun doute du VIIIè siècle av. J.-C., par simple comparaison avec ses pareilles découvertes ici ou là, un peu partout, expertisées, authentifiées, photographiées… bref : digne du label «hache du Bronze final».  Si Équevillon, Ney, le Frasnois, communes avoisinantes, pouvaient se glorifier de haches semblables, elles aussi visibles au musée de Lons, le site de Chaux, privé du précieux bronze, nous refusait cruellement la preuve de métal qui couronnait la thèse Berthier.

Absence délibérée ? Peut-être. Rien, dans la bible jurassienne qu’est le célèbre «Rousset», publié en 1853. Rien, dans la plus moderne Carte Archéologique du Jura due à Marie-Pierre Rothé, 2002, 840 pages de papier glacé qui pèsent leur poids, où sont recensées les moindres trouvailles et signalés, dans l’index, des témoins aussi importants que des andouillers de cerf…  – ce qui me rappelle une de mes vieilles indignations concernant la salle  Louis-Abel Girardot, au musée de Lons, où les comptes-rendus de Presse mentionnaient un «crâne de chien néolithique» et rien d’autre, alors que cet archéologue avait consacré un long article, en 1889, à l’«Ancien poste romain», signalé ainsi sur les cartes, situé près de Châtelneuf [9], d’où l’on voit l’oppidum qu’il devait protéger, et riche en objets romains de l’époque «de la Conquête romaine»… ce qui l’engageait à croire qu’un grand combat avait dû se dérouler dans les parages, aux temps  qui nous intéressent. Pas d’Ancien poste romain non plus, nulle part…  

 

Vitrine du musée de Lons-le-Saunier : les haches

Pour ce qui est des affectations chronologiques [10], voici les étapes retenues :
(Je n’ai laissé subsister que le type «Bronze final», les autres, plus anciens, n’apportant rien de plus à l’authentification ; et surtout, la photographie de «notre» hache à aileron imposant son évidence au premier coup d’œil. )



La «nôtre» peut être vue au musée de Lons le Saunier, où la photographièrent, séparément, Jacques Blondeau et Anna Martin. Dans le cadre de l’exposition sur les dons reçus par le musée.

Déjà magnifique de conservation, tout autant qu’en ce qu’elle signifie pour nous, elle reçoit son identité et ses lettres de noblesse grâce à l’inscription officielle qui l’accompagne :

«Hache à ailerons
Alliage cuivreux
Syam, grotte de la Cheminée
Àge du Bronze final
inv. 3032
Don Monnier-Jobez, 1842.

Cette hache en bronze est découverte à Syam, dans l’ «antre dit de la Cheminée», et offerte au musée le 12 mai 1842. Le donateur, «M. Monnier-Jobez», est donc Étienne Monnier, (1764-1849), maître de forges à Sirod, membre fondateur de la Société et époux d’Adélaïde Jobez (1780-1872), fille du maître de forges de Syam. Il s’agit d’une hache à ailerons.»

La voici :

© Photo Jacques Blondeau

Que va-t-on nous inventer, cette fois ? Qu’il s’agit d’un faux ? Que les experts qui rédigèrent l’écriteau avaient forcé sur le vin Jaune ? Que Lons le Saunier est trop éloigné pour qu’on puisse s’y rendre ? Qu’une soudaine crise de delirium jurassicum avait frappé l’imprudent responsable du musée, le poussant à exposer un objet que bientôt deux siècles avaient tenu prudemment enfoui dans la poussière de quelque obscur sous-sol ? Car il (ou elle) ne se doutait sûrement pas que ses mains tenaient une véritable bombe, qui pulvérisait par sa seule existence le sérieux tant vanté des Autorités officielles, capables de se cramponner farouchement à des certitudes datant de Napoléon III, intouchables de son temps par simple opportunisme ou simple courtisanerie, (oserai-je : courtisânerie ?), et préservées du moindre doute depuis, par simple routine ou simple paresse intellectuelle.

On savait la vérité depuis 1842 ! et on la tenait cachée depuis ! On se gardait bien de tenir compte de son existence quand on traitait André Berthier de farfelu ou de zouave à la retraite ! J’aime bien l’appréciation que porte sur cette réapparition, en un savoureux zeugma, l’un de mes correspondants, Gilbert Girard, de Bourges, et la lui emprunte sans vergogne : «Si j’étais l’auteur de la fameuse formule site archéologiquement nul, je tremblerais d’effroi à la vue de cette hache surgie des profondeurs du temps et des caves du musée de Lons».

Oh ! oui, qu’ils tremblent ! car ces 316 grammes de métal  suffisent pour jeter à bas des tonnes d’affirmations éhontées, de certitudes branlantes colmatées avec la colle de la hargne et du mépris qui ont écrasé notre site et ont surtout fait en sorte qu’on n’y fouillât pas. Car tout effort pour nous faire entendre des Autorités archéologiques était d’avance voué à l’échec : «Ne pouvant que vous décevoir», écrivait Bruno Bréart, Conservateur régional de l’archéologie, à Jacques Berger [11], le 29 août 1996, «je préfère ne pas vous recevoir». Le meilleur moyen d’avoir raison, c’est de refuser la discussion. Mais est-ce bien scientifique ?

 Cent soixante seize ans d’ignorance officielle, d’obstination obscurantiste ou de malhonnêteté intellectuelle… Alors qu’on sa-vait ! On est saisi de vertige. On croit rêver. On a peur de juger. Et ils osent encore se regarder dans une glace !!!

Nous ne comptons pas, évidemment, sur une palinodie. Si j’ai écrit, dans notre Éphemeris 16, que nous attendions les Alisiens «pieds nus, en chemise et la corde au cou», nous nous résignerons à laisser la chemise et la corde au vestiaire. Pareil voisinage n’honorerait guère les Bourgeois de Calais.

Mais si quelque jour leurs regards croisent les nôtres, ils sauront, sans qu’un seul mot ne s’échange, en quelle estime nous les tenons.

Danielle Porte ©

  




[1] Ce mot, devenu historique, prononcé par le grand patron de l’Archéologie française interviewé par le cinéaste Benoît Bertrand-Cadi dans le film diffusé le 12.12.2008 sur Canal+, a motivé le changement du «Mur du Chemin aux Ânes» en «Muret agricole Michel Reddé». 
[2] Les tronçons principaux sont ceux du Chemin aux Ânes, présentant la hauteur intégrale, et l’alignée de dalles monumentales des Chaumelles que poursuit le Mur du Censeur. Ailleurs, la présence de blocs de pierre analogues à ceux des murs cyclopéens atteste la continuité du rempart : on le retrouve en crête, puis au Chavon, puis à l’Est près de Chaux. 
[3] Certains de ces tas de pierres contenaient, dans leur soubassement, de la poterie romaine, cf. Annales d’Alésia, 1984, p. 26. 
[4] Dans le sondage A. Voir Annales d’Alésia, 1984, p. 24.
[5] Courrier du 18 mai 1993, émanant du Ministère de la Culture et de la francophonie, Préfecture de la Région Franche-Comté, Direction régionale des Affaires Culturelles, Service de l’Archéologie, 9 bis rue Charles Nodier, 25043, Besançon Cédex, réf. HL/SM/93/732. On peut le lire dans les Archives Berthier conservées par ArchéoJuraSites, mais je le copiai de ma blanche main et au stylo, dès qu’elle parvint à la connaissance d’André et de Suzette Berthier, qui m’y autorisèrent.
[6] Encore que, je l’ai fait remarquer plusieurs fois, ni le découvreur, ni ceux qui lui succédèrent, ni ceux qui œuvrèrent par leurs écrits ou diverses réalisations, blogs notamment ou films, ou cartes, à la recherche d’Alésia selon A. Berthier, ne soient Jurassiens.
[7] Dans Alésia, citadelle jurassienne, la colline où soufflait l’esprit, Yens-sur-Morge, 2000, p. 123.
[8] Comblée tout récemment par Jacques Blondeau et Bernard Gay, que je remercie, il va de soi. Communication de Mireille Viala, Alésia et les voies antiques de pénétration du Jura, Bulletin de l’A.L.E.S.I.A., 1989, p. 29.
[9] L.-A. Girardot, Notes sur le plateau de Châtelneuf, Lons-le-Saunier, 1889. Carte IGN Champagnole 3226 ET, 5 B, cote 851.
[10] Planche XXXVII, C. Barrière et B. Pajot, les Grandes étapes de la Préhistoire, Musée St-Raymond, Toulouse, 1980.
[11] Lettre publiée dans le bulletin n° 17 de l’association A.L.E.S.i.A. dont J. Berger était président.

   

samedi 16 juin 2018

Et si l'on fait donner la garde...

réponse aux archéologues n° 3 : Et si l'on fait donner la garde...


tout le monde, j’espère, poursuivra cet octosyllabe : On n'est pas loin de Waterloo !

Quoique des soucis de santé – disparus à présent  aient retardé la poursuite du feuilleton que constitue la pluie de publications successives émanant des Archéologues qui nous occupe depuis un an et plus – je n’ai pas écrit : «échanges» pour la bonne et triste raison que nos arguments sont superbement ignorés ou tournés en dérision – je poursuis mon projet de réponse : le temps ne compte pas lorsqu’on doit remuer tous les fardeaux qui grèvent la question «Alésia» ; et nous avons, mes fidèles du Cercle Alésia -52 et moi-même, la ténacité de Sisyphe.

Où en sommes-nous ? Après deux manifestes de quelque trente pages chacun, une adresse aux Élus et au Préfet, une pétition, puis un article reprenant le tout et l’augmentant dans l’Est-Républicain, est venue grossir le stock une charge aussi venimeuse que prévu de l’étudiant Clément Salviani [1] dans Strathistorique… Peste ! nous ne méritions ni cet excès d’honneur…
         
Nous ne pouvions qu’en rire, je l’ai dit, puisque la démarche indécente des Archéologues tombait à plat et les ridiculisait : on a soin de se renseigner avant de vitupérer, on n’accuse pas ses adversaires de forfaits imaginaires, sans quoi on risque de se faire instantanément mettre au pas et de devoir battre sa coulpe, bon gré mal gré. Les textes revendicatifs étaient fondés simplement sur les bruits qui courent, avant même que nous n’ayons déposé la moindre demande de subvention. Quelle élégance… et quelle bourde !
         
L’opération Lidar en projet était entièrement couverte, en effet, par les fonds privés issus d’un mécénat spontané – il faut le préciser, puisqu’on nous accuse de faire du lobbying pour trouver des fonds ! L’opération a eu lieu, ses résultats ont été évoqués il y a peu, lors d’une conférence à Champagnole, le 28 mars 2018.

En somme, ce fut beaucoup de bruit pour rien… D’autant que RIEN ne filtrait et ne filtrera des résultats obtenus, hormis dans les rapports officiels.

Mieux encore : la dernière cuvée de la prose alisienne mettait en avant la proposition d’une aide de scientifiques pour le décryptage des clichés… Comme si nous nous étions hasardés dans une recherche Lidar sans disposer des spécialistes possédant les capacités voulues ! – Mais cette «collaboration», d’autre part et surtout, ouvrirait aux Alisiens les archives Berthier qu’ils enragent de n’avoir pu consulter. Mais oui ! nous ne sommes pas tout à fait stupides… Renato Saleri et François Chambon n’ont pas eu besoin d’une aide extérieure pour établir et traiter les clichés. Leur rapport, monumental, près de 400 pages, sera présenté aux Autorités archéologiques. Bon décryptage, messieurs ! (messieurs-dames, devrais-je écrire aujourd’hui, comme il faudrait l’écrire dans Ruy Blas !)

COURTOISIE ?

Nil noui sub sole. Toujours l’agression verbale contre mes écrits et moi-même. Après un titre insultant et racoleur Alésia à Chaux-des-Crotenay : une escroquerie intellectuelle, le ton de ce second Manifeste excède à ce point les limites imposées, même aux textes les plus provocants, par l’expérience de l’écriture en milieu universitaire, qu’on se rend tristement à l’évidence : le rédacteur du texte alisien, véritable jet de fiel, ne peut qu’être issu de la nouvelle vague ; quelque jeune chien fou enivré par sa propre audace. Encore que mes étudiants de Paris IV-Sorbonne et ceux, aussi, de mes collègues, ne se seraient jamais permis pareils écarts, sans être pour autant des dinosaures.

Mais que des universitaires chevronnés s’abaissent à écrire des formules  infamantes telles que : «affirmations stupéfiantesinterprétations délirantes…, manipulationsdiscours sans base scientifique… mauvaise fois (sic !!!) inadmissible…  dissimulent sciemmentau mépris de toute déontologie, ils ignorent volontairement…  M. Reddé, cité de façon malhonnête par D. PorteMme Porte étale son ignorancesuccession de contre-vérités et de mensongesparfaitement incapablespseudo-chercheurs...  nos zélotes nos pseudo-experts militairesL’argumentation de Danielle Porte sur cette question est comme à son habitude jésuitique et incompréhensibleElle ne semble pas non plus capable de réaliser une analyse critique des textes pourtant à la portée d'un étudiant de Licence d'Histoire »… voilà un florilège proprement inadmissible. À moins que la courtoisie et la simple politesse ne soient des vertus étrangères au monde de l’archéologie ?
        
FALSIFICATIONS

D’une publication à l’autre, le ton et les propos n’ont pas changé : aucune réponse aux objections formulées contre le choix d’Alise, sinon des affirmations que la réalité du relief envoie au tapis sans barguigner ; toujours la même louange aveugle des résultats de fouilles, à ne surtout pas vérifier ; toujours la remise en cause de la méthode Berthier, privilégier les révélations du texte et ensuite seulement demander confirmation à la recherche archéologique, les archéologues préférant creuser d’abord et plier le texte pour qu’il corresponde à ce qu’ils ont trouvé. Les artefacts, à leur tour, d’où qu’ils proviennent, se voient dater par référence au siège d’Alésia : 52 av. J.-C. On imagine la cascade d’erreurs qui va suivre ! dont la supposition d’un séjour de César en Hesse, avancée par un chercheur suisse, puisqu’on y a trouvé les mêmes clous qu’à Alise… Le pauvre !
Si l’archéologie prouve tout et doit avoir le pas sur les textes, aussi bien peut-on formuler une conclusion archéologique mais stupide : c’est qu’Alésia était en Hesse.

         (je soulignerai les citations du Manifeste et d'autres écrits alisiens, déjà en italiques, pour mieux les isoler du propos et éviter toute confusion avec le texte de César !)

La question à ne pas poser est : «Si César a donné des mensurations, des distances qu’on ne retrouve jamais sur le site bourguignon, sur quelles réalités tangibles s’est-il appuyé pour livrer un ensemble cohérent, auquel ses légats n’auraient rien trouvé à redire ?» Le dispositif minutieusement décrit dans le de Bello Gallico n’est tout de même pas sorti tout armé, telle Minerve, de son seul cerveau ! Il paraît indispensable qu’il eût eu sous les yeux les rapports des chefs de travaux, ceux, évidemment, des architectes militaires et des polémologues qui avaient conçu le système et lui avaient soumis leurs plans ! Il lui faut, pour permettre sa naissance, l’appui d’éléments plausibles, existant en vraie grandeur, qui puissent assurer la solidité de la construction ; qui ne se contredisent pas les uns les autres ; qui se retrouvent uniformément sur tout le pourtour de la ville assiégée, ou dont des considérations acceptables puissent justifier d’éventuels écarts ; que des hommes de métier, des militaires, des architectes ou des ingénieurs, puissent avaliser sans réserve.  Sans quoi, la légitimité d’un chef dont les ordres auraient unanimement été aussi mal exécutés par ses subordonnés, dans tous les domaines de la fortification, aurait été et serait sérieusement sujette à caution. Je n’imagine pas, pourtant, qu’un César aurait toléré chez les siens pareille indiscipline.

Mais voilà… comme les correspondances imaginées entre terrain et texte sont toutes entachées d’un «oui, mais…», les Alisiens nous accusent, nous, de falsifier les textes…

Ce en quoi les ils feraient bien de rester discrets…
         - eux qui n’hésitent pas, pour cautionner leur grand fossé, à transformer en pas les mesures données en pieds, obtenant par ce miracle les 750 m qui leur conviennent, peu ou prou, au lieu des 140 qui conviennent à César.

         - Eux qui traduisent altero die, le «lendemain», par : «le surlendemain» pour (mal) expliquer l’impossible kilométrage (de # 30 à 60 km) qui relie la colline où se sont installés les Gaulois à la plaine la plus proche envisageable pour y loger l’embuscade montée par Vercingétorix. Et ce contresens vient sous la plume de M.Reddé, pourtant «issu de la rue d’Ulm»… Même l’hypothèse de Fain-les-Moutiers (J.-L.Voisin) ne tient pas (26 km ne constituant pas une demi-étape).   

         - Eux qui prétendent que Vercingétorix avait fait appel à 250000 hommes, non pas à «tout ce que la Gaule comptait d’hommes en âge de porter les armes», le texte ajoutant qu’il en vit arriver beaucoup moins [2]. Confusion entre les effectifs demandés et les effectifs reçus, comme si la liste que dresse César était celle des combattants que son adversaire souhaitait – déterminés par quelle prescience ? – alors qu’il a dressé la liste de ceux qu’on vit réellement arriver. L’armée de secours fond déjà par un autre tour de passe-passe, avant même d’avoir combattu. Historiens ou prestidigitateurs ?
           
    - Eux, enfin, qui manipulent les chiffrages à leur gré. Contrevallation ? Circonvallation ? Retranchements côté oppidum, retranchements côté plaine ? Si l’on pouvait confondre les deux, cela confondrait si bien l’adversaire !
            
              M.Reddé s’évertue donc à encastrer les 21/22 km. qu’il prête aux fortifications montées autour de notre oppidum, à l’intérieur des 15 km que César a indiqués pour la contrevallation qui cerne Alésia. Même un arithméticien débutant s’aperçoit sans réfléchir beaucoup qu’ils n’y tiendront pas. Seulement... ce ne sont pas tout à fait les bons  chiffres !
            
              Dans le texte, en effet, la contrevallation mesure 16,280 km, les 20,720  sont la mesure de la circonvallation (en mesures romaines : 11000 et 14000 pas ; les Alisiens retiennent la leçon du manuscrit  B1, 10000 pas plutôt que 11000 [3]).
            
             Comme on confond les soldats demandés et les soldats reçus, on va confondre allègrement l’intérieur et l’extérieur, le périmètre «englobé» et le périmètre «englobant». On conclut donc très justement : le périmètre de Chaux, #21 km, ne peut avoir été circonscrit par celui que donne César pour Alésia, 16,280.
            
              «Même en taillant au plus court, on descend très difficilement en dessous de vingt-et-un, vingt-deux kilomètres, en contradiction flagrante avec le texte de César, qui indique une longueur de dix milles, soit quatorze kilomètres sept cents [4]».
            
             Mais c’est un leurre. D’où peuvent venir ces 21 ou 22 km ?  Sans tenir compte du périmètre réel de la colline qui porte Chaux et l’enceinte de la cité antique, M.Reddé lui affecte le périmètre de la circonvallation césarienne au lieu de celui de la contrevallation.
            
                C’est donner pour la mesure intérieure le chiffre de la mesure extérieure… C’est raisonner dans le vide au lieu de s’appuyer sur les éléments concrets.
             
               Si l’on remet à leur place le périmètre extérieur et le périmètre intérieur, si, surtout, on établit le calcul en fonction de l’oppidum-Chaux tel qu’il existe en ses chiffrables mensurations physiques, on obtient un tableau plus conforme à la réalité :
                      
- Contrevallation César :
16 km,280 ou 14,700      

Périmètre de l’oppidum Chaux :
entre 15 km et 16,2 km selon le mode de calcul

- Circonvallation César : 20 km,720                   

" Circonvallation" à Chaux : 20 km,608

              
On n’en est pas à dix mètres près, c’est l’évidence. D’autant qu’ailleurs les chiffres ont changé : page 118 de l’Alésia, l’archéologie en face de l’imaginaire, on lit que l’oppidum Alésia-Chaux mesure «au moins» 15 km de pourtour [5]. De 22 km, on descend à 15. Dédaigner le site adverse n’oblige pas forcément à ignorer les réalités de sa géographie.    
            
Et l’on se garde bien d’appliquer ce système de mesures au site bourguignon! Comment faire admettre au lecteur, même de très bonne volonté, que le périmètre des lignes de César, 15 km pour le chiffrage alisien, révèle le périmètre du Mont-Auxois (4,5 km) ?
            
Il réagit vite, le lecteur même de très bonne volonté. Était-il besoin de 23 castella pour cerner si insignifiant pourtour ? Le général romain se serait-il diverti à faire grimper ses lignes sur les collines alentour, afin de pouvoir justifier leur invraisemblable longueur ? Aurait-il laissé à ceux qu’il comptait réduire par la faim et la soif la libre disposition des ruisseaux qui coulent non loin de là ? Tant de travaux, de tours, de fossés, de pièges, uniques dans les annales nous dit Velléius, pour investir quelque 4,5 km [6]… Quelle aberration ! Est-on assez peu soucieux de la peine des légionnaires, que pareils travaux auraient occupés plus d’un mois et demi, pleins effectifs, à plein temps ? Or, César écrit qu’il avait été «obligé», necessario, d’étendre sa ligne à ce point, et qu’il manquait d’hommes pour la défendre tout de son long [8] (VII, 72). Puisqu’il disposait de tout l’espace voulu autour du Mont-Auxois, que ne l’établissait-il plus courte, plus proche de lui, et donc garnie plus efficacement ?

Non, ni A.Berthier ni moi n’avons falsifié. Nous avons simplement extrait le jus, dirai-je, du texte, mis en lumière les précisions qu’apportent tel préfixe ou tel temps d’un verbe. Si le laconisme reconnu de César a pris la peine d’introduire ces finesses de grammaire, c’est qu’elles ont leur importance.

Deux exemples :
            
- Les bords. «Ainsi s’exprime D.Porte : Deux rivières lèchent ses bords» (César). L’Oze et l’Ozerain coulent à 300 m des bords de l’oppidum’. Il faut comprendre qu’elles ne coulent pas au pied de l’oppidum, selon D.Porte, dont la traduction est erronée et joue sur l’ambiguïté du mot ‘bord’ qu’elle adopte de son propre chef. Le texte de César précise que les deux rivières baignent (subluebant) le pied (radices) de la colline (collis). Ce qui est le cas à Alise-Sainte-Reine, que D.Porte le veuille ou non

Ce n’est pas moi qui ne le veux pas, c’est César, si l’on traduit correctement subluebant. L’écrivain-général, si économe de précisions qu’il fût, a pris la peine d’enrichir sa description laconique d’une indication capitale. Il n’a pas utilisé le verbe simple luebant, «léchaient», pour caractériser la position des deux rivières qui arrosent l’oppidum, mais subluebant, «arrosaient par en-dessous», ce qui laisse inférer que ces rivières rasent les flancs de la colline, indication de relief corroborée par le mediocri interiecto spatio «séparées par un faible espace», accordé aux collines avoisinantes. La Saine et la Lemme coulent dans des gorges qui s’élargissent en la plaine de 3000 pas qui, en avant de l’oppidum, accueille leur confluent, gorges déterminées par la distance infime qui sépare de son flanc les collines alentour. Et le texte de César est enrichi par Florus, qui évoque les «rives abruptes» des deux rivières, autrement dit, les parois de l’oppidum dont elles frôlent les bords [9]. Que ce soit «bords», «flancs», «côtés» ou «parois», je ne vois guère en quoi ma traduction serait erronée. J’adopte «bords», mais aurais pu choisir aussi bien l’un de ses synonymes, encore que la façon de désigner les pentes d’une montagne longées par deux rivières n’offre pas un large choix. Et puis… «lèchent ses bords» est-il si différent de «baignent le pied» ? Une rivière ayant peu de chances de lécher le sommet d’une colline, je n’ai pas employé le mot «pied», ce qui, je le croyais, allait de soi ! Et pour «lécher» il ne faut pas se trouver, que je sache, fût-on acrobate, à 300 m… 

Je n’invente rien, je raisonne. Si les rives sont abruptes, c’est qu’elles sont constituées par des parois de montagne à pic, non par les aimables prairies alisiennes.         
            
Prairies ? Oui. Une vaste étendue plate sépare les rivières Oze et Ozerain du pied du Mont-Auxois, tandis que les hauteurs environnantes s’élèvent à # 2,500 km de lui. Et l’on écrit tranquillement : le relief bourguignon «correspond point par point à la description de César»… «correspond parfaitement à la description de César»… «Il n’y a aucune contradiction majeure entre le site d’Alise et la description de César. Il existe en revanche des différences entre le site bourguignon et le texte césarien, d’une part, et les récits tardifs et indirects d’auteurs grecs qui n’ont pas participé à l’événement».
           
Que les archéologues le veuillent ou non, le mot subluebant est de César, pas d’un «tardif grec». Florus, du reste, n’est ni tardif ni grec. S’il écrit – lui ou un copiste, d’ailleurs ! – en tête de texte, Gergovie au lieu d’Alésia, simple lapsus ou condensé malheureux, les péripéties qu’il raconte ensuite, dont la reddition du chef gaulois, se sont bel et bien déroulées autour de la cité séquane [10]Et s’il fallait avoir «participé à un événement» pour le décrire, ce serait condamner tous les historiens, les Alisiens en tête, au chômage !

- Il en va de même pour l’emploi du plus-que-parfait au moment où César évoque les préparatifs des habitants d’Alésia pour accueillir l’armée de Vercingétorix en repli (B.G., VII, 69) : 
«Les Mandubiens avaient construit (præduxerant) une muraille en avant de leur ville, ainsi qu’un fossé profond de six pieds»… creusé par les troupes gauloises qui «avaient occupé» (compleuerant, § 69) tout l’Est de la colline»… «Les troupeaux dont les Mandubiens avaient fait entrer, (erant compulsa, § 71) un grand nombre dans leur place-forte»…

Le fossé n’est pas creusé ni le mur édifié au moment où Vercingétorix arrive sur l’oppidum, mais ils l’ont été avant, ce qui exclut la thèse d’une fuite de hasard au sortir du combat de cavalerie. Et d’autre part, l’idée s’impose à l’évidence, pour quelle raison les Mandubiens auraient-ils fait fortifier et approvisionner leur citadelle, avant le combat de cavalerie dont ils ne pouvaient connaître l’issue, s’ils n’avaient pas attendu Vercingétorix et les siens ?

On ne rassemble pas, qui plus est, un grand nombre de bestiaux en l’espace d’une nuit, et pas davantage des provisions de bouche «pour trente jours» : ces préparatifs indiquent clairement que la place avait été fortifiée en prévision d’un siège susceptible de durer un mois, et qui se prolongera, du reste, à cause du retard de l’armée de secours, causant le manque de vivres.

Où voit-on là de l’imagination, de l’extrapolation, bref, de la triche ? Il s’agit simplement de déductions tirées du texte, et ce genre de travail, fondamental, est de la compétence des latinistes, habilités à comprendre ce qui est écrit, et à rassembler les textes complémentaires. Un travail d’addition, pas de soustraction. Et légitime, s’il est mené honnêtement. Contrairement à ce que je lis sur mon compte, j’ai la prétention d’être honnête avec les textes, et l’ai toujours été.

On peut ajouter des considérations annexes qui vont dans le même sens : le chef gaulois a pris la peine de récupérer ses bagages, ce qui ne serait pas le cas dans l’hypothèse d’un sauve-qui-peut. Il fait parcourir une demi-étape à des combattants déjà fatigués par une bonne demi-journée de lutte, soit environ 15 km, hypothèse jurassienne, et même davantage si l’on admet que l’engagement s’est déroulé dans la plaine la plus proche d’Alise, 26 km (Fain-les-Moutiers [11]. Sur ces 26 km, il aurait pu trouver une colline bien plus adéquate que le tout petit Mont-Auxois pour y retrancher ses troupes en fuite ! 

G.Lopez, un des nôtres, a retenu deux possibilités dans les parages de Fain, si ce dernier site doit être conservé comme théâtre du combat de cavalerie :
- la Montagne de Cornu : environ 230 hectares à 7 kilomètres de Fain,
- et le Mont du Cra : 101 hectares à 10 kilomètres de Fain [12]. Sur l’une comme sur l’autre, le chef gaulois aurait pu installer ses hommes, ses chevaux et ses bagages ; sur la première, princièrement. Sans leur faire aligner les kilomètres inutilement, surtout pour échouer sur un refuge plus – trop – exigu !
            
Cette question de la distance excessive entre l’oppidum et l’emplacement du combat de cavalerie, bien gênante, est prestement évacuée par toutes les études des partisans d’Alise, qui la passent sous silence – absence totale dans les textes sur Alésia réunis par J.Le Gall – alors qu’elle est essentielle : le choix des textes s’effectue pour eux à partir du moment où César s’installe sous l’oppidum. M.Reddé estime, pour sa part, que l’épisode du combat et les «flots d’encre» qu’il fit couler, «encombrent les rayons des bibliothèques. […] Comment trancher ? Et d’ailleurs, faut-il trancher dans ce fatras ?». écrit-il suavement [13]. Il est tellement plus confortable d’esquiver, sous prétexte de leur manque d’intérêt, les objections importunes…

La question du piège tendu ou non par Vercingétorix est traitée, si l’on peut dire, à la hussarde par M.Reddé. Elle serait le fruit du patriotisme chauvin des historiens du Second Empire, qui ne pouvaient admettre que le héros de l’indépendance nationale eût été banalement battu par César. Toujours les a priori politiques ou idéologiques prêtés aux gens du XIXème siècle, a posteriori gratuits et contraires à la rigueur de la recherche historique.  

Elle devrait être surtout le résultat d’une réflexion actuelle sur les plus-que-parfait !

Le meilleur de l’histoire, c’est que certains Alisiens se sont tout de même avisés de la portée historique qu’avaient ces plus-que-parfait ; et, comme on dit : «Ils y viennent !» Sans, bien sûr, citer nos écrits, les premiers à soulever le problème. Témoin C.Grapin, op. cit., p. 50) : «Ces indices [bétail, blé] plaident en faveur d’une préparation de la place-forte dans l’éventualité d’un siège». Témoin le développement que Y.Le Bohec consacre à la stratégie «de l’enclume et du marteau», énoncée depuis belle lurette par André Berthier. S’il y a stratégie, il y a projet conçu d’avance ; s’il y a piège, il y a dispositif ; s’il y a dispositif, il y a organisation : il n’y a donc pas fuite. C.Q.F.D. Mais de ces réalités on ne s’avisait pas hier, dans les milieux "bourguignons"…
         
Préparatifs ? Cela va de soi. Mais pas sur Alise : où aurait-on entreposé ces nombreux troupeaux sur une surface déjà bien trop exiguë pour y faire camper une armée en sus de la ville et de ses habitants ? D’autant plus qu’on admet à la fois la fortification de la place et sa découverte, au cours de sa fuite, par le chef gaulois alors que les deux sont radicalement incompatibles ! On lit donc avec quelque perplexité  un compromis entre hasard et préméditation : «Aux confins des territoires ralliés à sa coalition, au plus près du secteur où il a choisi d’attaquer la colonne de l’armée de César en marche, Vercingétorix y trouve avant tout un oppidum assez vaste et suffisamment peu peuplé pour accueillir son armée. L’eau n’y manque pas. IL suffit d’y réunir des vivres en prévision d’un hypothétique repli [14].» 

Affirmation que contredit l’examen de chacun de ses termes : «Au plus près» ? 26 km au minimum. S’il inspecta les lieux, le chef gaulois eût pu trouver plus proche ; «assez vaste» ? À condition de vider la place de ses habitants et de leurs troupeaux, et de démolir maisons, hangars, granges etc., avant d’y empiler son armée ; «suffisamment peu peuplée» ? Diodore décrit une cité «très grande et très peuplée» : qui croire ? Le contemporain de César ou l’historien de notre siècle ? «L’eau n’y manque pas» ? Trois sources, selon l’auteur lui-même, ce qui est loin de suffire pour les hommes, les chevaux et le bétail ; «en prévision d’un hypothétique repli» ? Un repli n’est pas censé durer longtemps : à quoi bon un mur, un fossé, un mois de blé et de nombreux troupeaux ? Parce que le «repli» risque fort de se transformer en siège : auquel cas, le choix du Mont-Auxois était une aberration.

On parle de «falsification» ? J’ai seulement le scrupule de mettre en lumière toutes les révélations du B.G., là où les Alisiens passent sur la pointe des pieds ou à pieds joints.
        
Autres exemples.
         
- Le mont Réa - qui est au nord-ouest, pas au nord, cf. infra, est «une montagne au périmètre trop étendu pour qu’on eût pu l’englober dans les lignes» (B.G., VII, 83 : Erat a septentrionibus collis quem propter magnitudinem circuitus opere circumplecti non potuerant nostri). Que devient ce majestueux massif sous la plume de nos archéologues, si férus d’exactitude ? Un… «petit mont» !
Sans vergogne, vraiment.

- Les rivières ? Pas mieux traitées :
«Deux rivières lèchent ses bords» (César). L’Oze et l’Ozerain coulent à 300 m des bords de l’oppidum. Mais Il en existe deux autres, la Brenne, bien plus importante en ce qu’elle interdit l’occupation de la moitié de la plaine, et le Rabutin. Le texte porte bien duo flumina, «deux rivières», et pas «des» (traduction de L.A.Constans, suivi par M.Reddé), cette dernière permettant d’englober dans ce total flou les cours d’eau en surplus autour d’Alise.
       
Les rives en sont escarpées (Florus, cf. supra ) ; celles des ruisseaux d’Alise sont de plates étendues cultivées ; qu’on nous présente souvent comme des falaises [15] !  
         
- L’oppidum est ceinturé de collines à un faible espace (B.G., VII, 69 : colles mediocri interiecto spatio, oppidum cingebant) : les collines environnantes étant séparées souvent de 2,500 km du Mont-Auxois, César dispose de toute la place voulue pour poursuivre sa route, d’autant que les Gaulois, comme ils l’ont toujours fait, ne se hasarderont pas à un affrontement en bataille rangée. Ce faible espace, juste la place pour une rivière, n’est jamais évoqué par les tenants d’Alise.
         
- Il existe une plaine, à leur confluent, en avant de l’oppidum, de 3000 pas (4,5 km) en longueur, glissée entre des collines (César) : il n’est jamais question de cette plaine, lorsqu’on énumère les éléments du relief, pour cause : la plaine des Laumes est «en largeur» et se développe à l’infini, à l’ouest de la colline, jusqu’à Chalon sur leurs cartes... On en arrive (Y.Le Bohec) à traduire in longitudinem par : «en largeur» pour justifier l’immensité de la plaine des Laumes, mesurée, qui mieux est, par certains auteurs, «en diagonale». Ou, s’ils commentent ce résultat inapplicable à la géographie d’Alise, c’est pour l’expliquer piteusement par une mesure prise en zig-zag ou en croissant [16], ce qui ferait sourire tous les ingénieurs militaires. Personne n’a jamais cité ces superiores munitiones, prestement escamotées puisque les objets témoins de l’identification Alise = Alésia sortent du pied du mont Réa, pas de son sommet. César a dû fantasmer quand il voyait des légionnaires en haut…
         
Les auteurs du Manifeste m’accusent de retenir encore comme le camp Nord celui du Réa, qu’ils ont abandonné depuis longtemps. Il a pourtant fourni le socle de toutes les démonstrations alisiennes, lui et les trésors qu’il contenait. Et aujourd’hui, les revues qui publient les reconstitutions imaginées par Y.Le Bohec et J.-L.Voisin, continuent de faire comme si le camp Nord était toujours au pied du Réa [17]. Qui croire ? Si les perspectives évoluent radicalement, il convient que le grand public, dont je fais partie, en soit correctement instruit. 
         
La mesure de 4,500 km est respectée rigoureusement sur le site jurassien, où la plaine est bornée par un étranglement, à Bourg-de-Sirod. Remarquons en passant que la conformation de ce site explique l’obstination des guerriers romains et gaulois à venir se battre dans la seule longue plaine en avant de la colline, puisque la nature en gorge des rivières interdit toute autre possibilité sur ses flancs ; tandis qu’autour d’Alise toute la place était disponible et, curieusement, n’aurait pas été utilisée, ni par les uns ni par les autres. Pourquoi ?

Voyons aussi la localisation par rapport au parcours des légions romaines.                     
         
* Cette colline se trouve «en Séquanie» (= Jura) selon Dion Cassius, Plutarque et Planude, tous formels si le texte de César (in Sequanos) peut laisser hésiter entre la direction et l’aboutissement d’une marche. Refuser l’utilisation des auteurs grecs sous prétexte qu’ils sont tardifs suppose qu’on ignore l’existence de quinze autres relations de la guerre des Gaules, contemporaines de celle de César, dont ces auteurs se sont inspirés.
         
Mais voilà : «les sources (livresques) évoquées par D.Porte n’existent pas.»
Il aurait fallu écrire : «n’existent plus». Nous n’en possédons pas les textes, mais les Anciens pouvaient les lire, puisqu’ils en citent les titres, portant mention explicite de la guerre des Gaules ou englobant forcément son exposé dans un contexte qui en dépasse l’époque. Entre autres, pour mémoire : les Éphémérides de César lui-même, dont nous avons deux extraits. On les lit et les cite encore au IVème siècle après J.-C. et elles comportent des récits absents du B.G., preuve que l’ouvrage était alors disponible et avait été lu, puisqu'on les cite.  On invoquerait aussi les biographies de César signées de ses officiers, Oppius et Ampius ; les Annales des Gaules (Tanusius) ; les Données techniques de la guerre des Gaules (Furius Bibaculus) ; le livre 108 de Tite-Live entièrement consacré à l’année 52, tout comme celui d’Appien publié à part de son histoire générale ; l’Histoire de Rome qu’Asinius Pollion poursuivit jusqu’au principat d’Auguste etc. Strabon, pour sa part, né en 60 av. J.-C. nous a été conservé. Ce sont là, sans l’ombre d’un doute, les sources auxquelles ont puisé les savants plus tardifs. Disparues mais encore accessibles aux temps où des historiens relataient la guerre des Gaules, dès l’époque d’Auguste. 
        
* Le départ a lieu depuis le pays lingon (Dion Cassius) où César a concentré l’armée en attendant l’arrivée des Germains ; non de Sens, région tenue par les Gaulois et d’où partit l’insurrection.                  
        
* Le virage vers l’Ouest et Alise amènerait dès lors César en plein milieu des forces ennemies qu’il cherche à éviter. Et à quoi rimerait ce crochet invraisemblable ? L’heure n’est plus à la conquête mais à la retraite…
        
* On ne peut dire que les péripéties du dernier combat, que César développe et commente par le menu (VII, 83-88) retiennent longtemps l’attention des archéologues, elles qui furent pourtant à la source des trouvailles d’artefacts tant vantées. J’aimerais fort une description argumentée et localisée des mouvements successifs. Jamais aucune étude sur Alésia n’entre dans le détail des péripéties décrites par César en les appliquant de façon critique au site d’Alise. Comme si ces six chapitres du B.G. n’existaient pas.
        
* Puisqu’on n’a pas voulu tenir compte de la qualification du camp Nord comme superiores munitiones, on ne comprend rien au déroulement de la bataille, si tout se passe dans la plaine, auquel cas on fait l’impasse sur l’expression ex ascensu temptant, «ils escaladent» et son complément prærupta, «les abrupts».

         - Désire-t-on respecter mieux le texte ? Il faut, alors, trouver des abrupts… Las ! Ils sont bien discrets, les abrupts au pied du Réa. Tournons-leur donc le dos et faisons escalader aux Gaulois assiégés les pentes de Flavigny… à condition qu’ils aient pu traverser la contrevallation ! César, alors, fronce le sourcil : «J’ai tout de même bien précisé que les diverses phases se replaçaient à l’endroit où j’avais envoyé Labiénus ! C’est-à-dire au camp Nord de mon §  87 ! Et que je sache, Flavigny n’est pas précisément au Nord !»


INCOMPATIBILITÉS

         Aurons-nous plus de chance avec les chiffres [19] ?
         
Ne nous risquons surtout pas à les examiner ! Il suffit de prétendre qu’ils corroborent absolument ceux qu’a livrés César. On déplore son laconisme et ses imprécisions, mais, pour une fois qu’il parle mathématiques, on lui coupe la parole en coupant les chapitres 72 à 74, gorgés de chiffres… inacceptables, il va sans dire, pour l’Alisien moyen. Mais la Bible étant le Rapport de fouilles, pas question d’en contester, voire d’en examiner les résultats en détail.

         C’est pourtant ce que nous allons faire.
                  
 *Le «grand fossé» devrait être à 400 pieds (120 m) des lignes, il l’est à 750 m, voire 1000. Du coup, je l’ai signalé, on transforme les 400 pieds (400 x 0,30) en 400 pas (400 x 1,30) ce qui dissimule l’aberration. Ni ses dimensions ni son profil ne sont licites, et changent d’un sondage à l’autre. César le voit en «fond de cuve» (= parois verticales équidistantes au sommet et au fond), Alise le révèle à fond en V, pointu.

*Ses chiffres ?
Un fond de 5,80 m est requis par le B.G., ainsi qu’une ouverture de 5,80 ; la profondeur doit être de 2,50 m.
                Résultats :                                   
largeur du ht (Alise) : sondage 1   :  5 m
sondage 2   :  4,60 m       sondage 3  :  4,80 m

largeur du fd (Alise) : sondage 1  :  2,30/2,50 m               
sondage 2  :  1,50 m         sondage 3  :  1,80 m

profondeur (Alise)   :   sondage 1  :  2,70 m
sondage 2  :   2,00 m        sondage 3  :   1,70 m

                  Pas de 5,80 m, ni en ouverture ni en fond.
                           
*Les autres fossés sont profonds de 0,80 m, alors qu’ils devraient l’être de 2,60 m. Ce n’est pas leur «association» qui doit être incriminée, c’est l’«élément défensif» lui-même. Mieux vaut ne pas évoquer les fossés de 0,80 m de profondeur, qualifiés de «militaires»... ni les marécages autour du Mont-Auxois, qui forçaient déjà Victor Pernet, sous Napoléon III, à faire écoper !

*Il en va de même pour les pièges (nombre, taille, disposition etc. des fosses, des tranchées, des pieux) : aucun des chiffres de César ne concorde avec les découvertes de terrain.
Distance entre les trous :
César : 0,90 m 
Alise  : 2,60 m
          
Nombre de rangées
César :  8
Alise   : 5 ou 6
         
Profondeur des trous
César :  0,90 m                                             
Alise  :  0,70 m, ou  0,30 m

Diamètre des pieux
César : # 0,20 m ("la taille de la cuisse", feminis crassitudine)                                  
Alise  :   0,85 m…

En admettant que le nombre des rangées eût fluctué suivant les terrains, la dimension des pieux devrait au moins être identique ! Rien de tel. Parfois, les pieux ont un diamètre de 0,10 m, installés, on ne sait trop comment, dans des cônes profonds de 0,15 à 0,20 m (Bussy), à moins que des pieux de 1 m de long eussent pu tenir d’aplomb, comme au camp B, dans des cônes de 0,05 m…  Sur la montagne de Flavigny, les cônes sont distants de 9 m et sur 9 rangées, alors que sur la montagne de Bussy, les 17 trous  se touchent ou peu s’en faut. Je ne savais pas les terrassiers romains si éclectiques.
         
«Aucun piège ou élément défensif n’échappe à la description césarienne»… écrit pourtant le Manifeste. Ah ! bon ? Nous avons vu  sur pièces que ce n’était le cas pour aucun des dispositifs décrits par César !  les lilia, les stipites, les tribuli retrouvés autour d’Alise mais absents du texte de César (!), et les fossés non conformes, et l’éloignement aberrant des tours etc… Quel César ont-ils donc lu ?
        
*Les camps devraient occuper un minimum de 45 ha pour 2 légions. Polybe, qui compte 4500 hommes pour la légion de son époque, en a précisé la surface. Or, le plus grand des camps repérés (Bussy) taille 7,9 ha. Il en existe même de 35 ares (d’après les chiffres de Napoléon III reproduits par J.Le Gall). César a parlé de camps, pas de clapiers.

*«On sait qu’il a fait construire 23 postes (præsidia) répartis sur l’ensemble des fortifications pour les surveiller. Si tous ces postes avaient eu la taille des camps évoqués par D.Porte, César aurait alors disposé de plus de 12 légions

C’est là une argutie qui frôle la mauvaise foi. Je n’ai jamais supposé que les castella (postes de garde disposés tout autour des lignes d’investissement) contenaient le même effectif que les camps !!! Sinon, déjà, leur appellation ne serait pas un diminutif de celle des camps (castellum est un diminutif de castra, messieurs les archéologues !) Au contraire, César est dit avoir «détaché» de nuit dans ces postes de «fortes garnisons» (firmis præsidiis, VII, 69) soit une fraction de l’effectif des camps. N’importe quel amateur tant soit peu au courant des réalités militaires n’irait pas confondre castra et castella !
         
Mais ces enclos de 35 ares qu’on baptise castella, peuvent-ils réellement passer pour des établissements militaires ? Difficile. Même les Alisiens en reviennent.
        
Tous les camps de la plaine ont été rejetés les uns après les autres, ce qui conduit à dépouiller de toute structure de siège la moitié du pourtour d’Alise. Celui du mont Réa, autour duquel ont été élaborées toutes les reconstitutions des combats du B.G. VII, 83-88, a été lui aussi dénoncé, ce qui amène à supposer que l’amas des trouvailles archéologiques (armes et monnaies) qui en provient serait un «dépôt rituel [20]» - datant de l’Âge du Bronze et, forcément, enrichi de génération en génération… 
Où est, alors, l’Alésia de César ? Elle qui ne tient déjà que par ses trouvailles (discutables !) d’artefacts…
           
Il faut s’y résigner : le beau plan traditionnel qu’on présente toujours, depuis Napoléon III, n’existe nulle part en réalité.
           
Quant aux dispositions… Camps ou castella occupent des positions bizarres : ils chevauchent le retranchement (camps 4, 5, 7, 9) ou sont installés en dehors de lui, (1, 2, 3, 10), surgissent entre les lignes, (11) perdant toute l’efficacité militaire qu’assurent habituellement des postes «avancés».
                           
*Les tours devraient être espacées régulièrement de 24 m, elles ne le sont pas une  seule fois. Tous les chiffres possibles, jusqu’à 60 m, mais pas de 24…
Remarquons que la reconstitution au Muséoparc écarte ces tours d’un espace identique : César y est, mais pas Alise !  

Laissons les Alisiens à leur béate satisfaction : «Ce sont donc bien les lignes de cippes, mais au nombre de quatre au lieu de cinq, et les emplacements des tours, mais à une soixantaine de mètres les unes des autres, qui sont visibles sur les photographies aériennes de la montagne de Bussy [21].» 
Moi qui classais l’archéologie parmi les sciences exactes !

Pour mon plaisir personnel, je reproduirai les constatations désabusées de J.Le Gall, accompagnées de leurs références, que je publiai dans la Supercherie : on m’accuse de tout mélanger pour accabler le cher homme, mais lui-même me fournit les éléments d’une critique fondée :
«En 1861, on avait rencontré un, puis deux fossés qui partaient de la circonvallation à la fouille 54 : on n’avait su quoi en faire. […] En réalité, ces fossés n’avaient probablement rien à voir avec le siège.» (Bataille d’Alésia, p. 54).
«Aucune porte n’ayant été repérée, s’agissait-il d’un camp ?» (ibid., p. 55).
«Quant aux castella, nous ne pouvons dire où ils étaient installés.» (p. 55).
«Le camp G a-t-il existé ? […] Tout aussi embarrassants sont les deux fossés symétriques… […] N’aurait-on pas pris pour un fossé de César un fossé médiéval ?»  (p. 56).
«Le mont Réa a posé – et continue de poser – un problème insoluble au sujet des camps.» (p. 57).
(En aval de Grésigny :) «Ce fossé ne continuait pas au-delà du chemin n° 7, aujourd’hui la D 954 : sans doute n’avait-il rien à voir avec le siège.» (p. 59).
« Les fouilleurs de 1861 se seraient laissés tromper par des travaux médiévaux ou modernes abandonnés de longue date. […] Même dans l’hypothèse la plus favorable, à quoi auraient pu servir deux fossés montant de l’Oze au Réa ?» (p. 60).
(Le grand fossé d’arrêt :)  «On doit se demander pourquoi César a fait creuser cet obstacle exceptionnel si loin de la ligne qu’il devait protéger et ne l’a pas fait défendre. […] Ce fameux fossé n’a donc été finalement qu’un obstacle passif.» (p. 65).
«Les photographies aériennes de M.Goguey indiquent une trace parallèle qui paraît être celle d’un second fossé, distant d’une dizaine de mètres, mais les fouilles de M. l’Abbé Jovignot, en 1967 et 1968, n’ont pu en déceler des vestige.» (p. 67).
«Il est certain que les fossés, sauf exception, n’ont jamais eu exactement les quinze pieds (4,40 m) indiqués par César.» (p. 68).
«On est étonné de voir que le fossé de la circonvallation ne rejoignait pas exactement celui du camp C […] La porte à titulus du camp C, destinée au même emploi, était à côté mais séparée de la circonvallation par le fossé et le rempart du camp : sans doute ces deux sorties n’étaient-elles pas destinées aux mêmes unités.» (p. 75).
«Les pseudo-trous de loup…» (p. 75).
«Cette hypothèse (de Napoléon III) fut largement suivie par la suite, or elle est inacceptable.» (p. 76).

Moralité : On n’est jamais si bien servi que par ses ennemis !

*Pour ce qui est des objets, on connaît les manipulations ou les erreurs d’appréciation commises à l’époque de Napoléon III (mélange d’armes mérovingiennes et de l’Âge du Bronze final ; substitution du statère d'or à celui que livrèrent les fouilles ; incertitudes sur la provenance «de Gergovie ou d’Alésia» lisait-on sur les étiquettes afférentes ! et il en existait 7 à 800 perdues pendant un seul assaut et réunies dans un seul fossé). Les conclusions actuelles étendent même les doutes : les monnaies prétendument frappées pendant le siège sont très usées, alors qu’elles n’ont circulé que pendant un mois et demi.
        
Et de toute façon, si elles ont été trouvées, comme on me le signale, non pas dans un fossé de camp qui n’existe pas mais dans le fossé de contrevallation, leur présence fait supposer que l’armée de secours a pu traverser les fortifications et gagner le pied de l’oppidum, puisque les monnaies proviennent de tous les peuples coalisés… alors qu’elles ne devraient appartenir qu’aux Arvernes, aux Éduens et aux… Mandubiens, radicalement absents. On tient même pour sérieuse l’idée que ces monnaies ne proviendraient pas – pour cause – de l’armée de secours : «Il est plus que probable que les monnaies qui s’y trouvent ne proviennent pas de soldats gaulois de l’armée de secours mais qu'elles constituaient le butin d'un légionnaire ou d'un auxiliaire. Ce qui expliquerait que la composition monétaire suive la géographie des campagnes de César. D’autre part, l’abbé [Villette] ignorait aussi que 15 concentrations monétaires du même type que celle des fossés de Grésigny ont été retrouvées sur un autre champ de bataille, relié au désastre de Varus, à Teutoburg, en 9 ap. J.-C.»

Pareille candeur laisse pantois. Un authentique collectionneur, ce guerrier anonyme, qui avait pris soin de réunir un échantillonnage des monnaies de toutes les tribus soumises par César, et transportait sur lui, pour aller se battre, 755, voire 800 monnaies ! Les monnaies gauloises étaient minuscules, certes ; mais le total devait peser son poids et encombrer malaisément le propriétaire  [22]… comme le beau canthare devait paralyser un bras de l’«officier de haut rang» qui était parti se battre avec son argenterie [23] !
        
Comme cette explication branlait quelque peu, on lui a substitué une autre justification pas plus convaincante : Cette hypothèse absurde devient réalité, avec ce «il semble désormais probable» : «il semble désormais probable que les légionnaires, à la veille d’une bataille, cachaient leur pécule avant d’aller le récupérer s'ils survivaient au combat, ce qui n'a pas été le cas lors du désastre de Teutoburg.»


Serait-il exagéré de demander à nos archéologues de réfléchir un instant ? Imaginer d’aller enfouir, dans les fossés à l’extérieur du camp, un pareil trésor en repérant, bien sûr, l’endroit exact où on le récupérerait si l’on sortait vivant du combat… sans s’aviser qu’il faudrait en évacuer auparavant tout ce qui l’aurait alors encombré, cadavres, armes, terre etc. par-dessus les précieuses piécettes ? Et quand bien même le propriétaire eût trouvé la mort au combat, il tombe sous le sens que la piété de ses compatriotes ne serait pas allée jusqu’à laisser le trésor en place, pour que ses découvreurs, quelques millénaires après, l’utilisent pour prouver qu’Alise avait bien été Alésia ! «Chacun pour soi», l’adage est valable en tout temps…
         
S’il s’agit du butin caché par un légionnaire, cette idée de creuser un trou dans le fossé extérieur d’un camp, a fortiori dans celui de la contrevallation, peut paraître curieuse, puisque ce dernier était accessible aux Gaulois de l’oppidum… S’il s’agit d’un trésor amassé par un Gaulois de l’armée de secours, vu l’origine multiple des monnaies, il eût fallu qu’il franchît tout l’espace occupé par les Romains pour parvenir, par quelque miracle, à ce fossé proche de l’oppidum… Là aussi, la vue de l’esprit ne tient pas longtemps ses mirages !
         
Et quel moyen notre prévoyant guerrier put-il utiliser pour baliser le parcours jusqu’à son trésor souterrain ? J’aurais bonne envie d’intituler ce paragraphe : «Du bon usage du GPS dans l’Antiquité, exemple : autour d’Alise». Je résiste, néanmoins.
         
De guerre lasse, il faut croire, M.Reddé en est venu à ce fameux dépôt rituel étalé de l’Âge du Bronze aux temps médiévaux… Tout se paye : avec ces monnaies-là, Alise perd son Alésia…
         
Ces doutes sur l’argumentaire fondé sur les monnaies, on les émit déjà lors de la discussion qui suivit la communication de M.Reddé. Laissons la parole à une Autorité incontestable, celle du Pr. Robert Turcan [24] : «Parmi les découvertes faites sur l’oppidum lui-même, les pièces en bronze au type de Vercingétorix ont évidemment de quoi intriguer. Ont-elles vraiment circulé en tant que monnaie ‘obsidionale’ ? Si elles avaient servi à payer les troupes, il me semble qu’on aurait dû en trouver davantage. Mais une partie du matériel peut avoir échappé aux archéologues…»


OMISSIONS

Le plus choquant est encore la froide élimination des textes grecs, même ceux des contemporains de César. Eh ! oui… ce sont les "Grecs", Plutarque, Appien, Diodore, Dion Cassius, Planude etc. qui fournissent des précisions enrichissantes pour les données trop lapidaires qu’a concédées le Proconsul à notre curiosité. Petits détails, rares et restreints, mais d’une importance capitale ! Ce sont eux, qui attestent
    - son départ de «chez les Lingons» plutôt que de chez les Sénons ;
   - eux qui placent le combat de cavalerie, la veille de l’arrivée sous Alésia «chez les Séquanes» dont César a «franchi le territoire»,  non chez les Éduens.
    - Eux qui mentionnent la «très grande population» de cette «très grande ville»  d’Alésia, restée indépendante jusqu’à la victoire du «divin Jules», peut-être à cause de ses «énormes remparts», défendue, qui mieux est, sur le plan spirituel, par sa qualité de «foyer religieux et ville-mère de toute la Celtique», royalement exclue du recueil de J.-L.Brunaux, qui cite bien Diodore, mais en enlève la précision  qu’il s’agit d’une métropole religieuse… pourtant essentielle dans un livre qui s’intitule : Religions gauloises : les rituels cltiques de la Gaule indépendante... On hésite entre l’impudence et la malhonnêteté.
    - Eux qui nous livrent des anecdotes sur le combat de cavalerie situé à une demi-étape d’Alésia, peu glorieux pour César qui y fut un moment capturé.

«Ah ! voilà qui prouve que César dissimulait les faits néfastes à sa réputation !» s’écrie triomphalement le chœur des Alisiens. Désolée, Messieurs… Servius le Grammairien et Plutarque les ont prises dans les Éphémérides d’un certain… Jules César, dont ils avaient lu, eux, toutes les œuvres encore disponibles de leur temps (IIème  et IVème siècle après J.-C . )
         
Est-il néfaste à sa réputation qu’Alésia eût été une très grande ville, très peuplée, foyer religieux ? Au contraire. Mais si l’on connaît Diodore, même du bout des lèvres, pour ce qui est de sa description de la cité religieuse, opportunément exploitable pour lui faire correspondre, bien que gallo-romains, les artefacts et vestiges à caractère religieux d’Alise, on l’ignore superbement pour ce qui est des détails embarrassants qu’il donne sur la ville-même : la «très grande ville» et «très peuplée» passe mal, pour une Alise que ses propres défenseurs décrivent ainsi : «Alésia n’a jamais eu ni l’ampleur ni la densité des capitales des grands peuples voisins»… «L’Alésia de Vercingétorix n’est pas une ville dense et étendue. L’archéologie révèle une agglomération assez modeste à l’époque du siège [25]»…
        
Assez modeste, une métropole ? Nous qui croyons avoir lu ce mot sommes de grands rêveurs. Cette métropole de toute la Celtique est un leurre, «une invention de Diodore.»  César en aurait parlé, voyons ! : «Dans ces conditions, il est incompréhensible qu'il n'évoquât nulle part, pour magnifier ce haut-lieu de sa geste militaire, le fait qu'Alésia fût la métropole de toute la Gaule [26], ce qui en réalité est une invention de Diodore. Il n'y a pas en Gaule de métropole de toute la Gaule, car la Gaule unifiée inventée par Diodore et les autres auteurs méditerranéens, dont César, n'existe pas.» (Manifeste des Archéologues).
         
Mais surtout… Ils osent m’accuser, moi, d’avoir inventé la métropole religieuse qu’était Alésia ! «Néanmoins, nous sommes satisfaits de découvrir que D. Porte ne nous explique plus qu'Alésia était une grande métropole religieuse, ce qui reste une pure invention de sa part, Diodore n'évoquant jamais cet aspect.»
        
On suffoque.
          
Déjà, devant l’incohérence de la pensée : dans une phrase, Diodore a inventé la métropole, dans l’autre, «Diodore n’évoquant jamais cet aspect», il n’en parle jamais. À mon humble avis, si Diodore a inventé la métropole, on doit en conclure qu’il en parle… Surtout au pays de Descartes. 
           
Je m’en veux de triompher aussi facilement… mais il faut bien que les Textes, si méprisés par eux, montrent aux Archéologues qu’ils peuvent leur faire mordre la poussière. Relisez un peu Diodore, chers ennemis des textes ! Vous y trouverez en toutes lettres [27] (grecques ; mais rien n’interdit aux archéologues d’apprendre un peu de grec) la métropole qu’aurait déjà reconnue votre exemplaire étudiant de Licence d’histoire ! Avec ce «pure invention de sa part», je suis en droit de vous accuser, à mon tour, de mensonge.
           
Euréka ! Un trait de lumière : F.Favory et ses archéologues ont lu Diodore… chez J.-L.Brunaux ! Et comme il ne connaît pas la métropole religieuse que fut Alésia, ils ne la connaissent pas non plus… Ah ! bravo ! bel exemple de recherche en survol ! Chez nous, en Lettres, nous apprenons à nos étudiants qu’on doit aller chercher les textes originaux, on ne se contente  pas aveuglément de la traduction tronquée d’un collègue !
           
Voilà ce qu’il en coûte de se fier aux petits copains au lieu d’élargir ses horizons en lisant un peu autre chose que les tricheries des pro-Alise ! Allez donc vérifier vos  sources dans le livre de J.Le Gall [28], qui cite, lui, honnêtement, l’intégralité des témoignages !
           
Bilan : il est difficile de s’y retrouver dans l’écheveau confus de ces affirmations contradictoires. En somme, Danielle Porte a inventé la métropole religieuse dont Diodore ne parle pas puisqu’il l’a inventée lui-même… Se sont-ils vraiment relus ?
           
*Passons au dernier épisode du siège. Solution radicale : la gomme. Il est certain que si l’on ne tient pas compte des paragraphes qui décrivent le mouvement tournant de Vercassivellaun avant l’attaque du camp Nord, on n’a pas à s’expliquer sur les péripéties narrées dans le détail par César. Auquel cas, les reconstitutions alisiennes tombent, irrémédiablement. Ce mépris des textes greva déjà un article du colonel A.Deyber, pour qui tout se passait dans la plaine, et qui  n’écrivit même pas le nom de Vercassivellaun [29] !
          
Le même Alisien a fait mieux, depuis. Son dernier ouvrage, navrant, intitulé Vercingétorix chef de guerre, préfère explicitement ne pas parler du siège d’Alésia !
         
Y.Le Bohec, responsable du compte-rendu de ce livre, y traite déjà le siège d’une façon expéditive : «Enfin, nous arrivons au siège d’Alésia, où Vercingétorix voulut appliquer la tactique dite «de l’enclume et du marteau» : ses hommes, enfermés derrière les remparts de la ville, formaient l’enclume ; une armée dite «de secours», venue de l’extérieur, devait servir de marteau. Le marteau fut défaillant, en sorte que l’enclume dut se rendre».
Tout émoustillé par cette enclume qui se rend, on se précipite, avec la gourmandise qu’on imagine, aux pages d’A.Deyber qui concernent Alésia. Pages ? Au pluriel ? Naïfs que nous sommes ! Est-il encore utile de parler d’Alésia, même dans un ouvrage qui traite des qualités guerrières du chef gaulois ? On atteint vraiment le sublime :           
         
«Le plan semblait tout de même fonctionner. Malheureusement pour lui, la suite tourna en sa défaveur. Il n’y a pas le lieu de raconter dans ce livre les moindres détails du siège d’Alésia et celui de la bataille livrée héroïquement [30] par l’«armée de secours» sur les lignes extérieures érigées par César».
         
En style télégraphique : «Alésia ? stop. Rien à dire.» Mais le nettoyage par le vide n’est pas une argumentation. Imagine-t-on une biographie de Napoléon qui ferait l’impasse sur Waterloo ?
         
Justifiée, cette lacune, malgré tout, mais avec quelle morgue : «Parmi une abondante littérature, le livre de Michel Reddé, Alésia, présente l’incomparable avantage d’en faire le récit complet en convoquant à la fois le texte de César et l’archéologie. Tous les ouvrages publiés après s’inspirent de ce travail et n’apportent rien de neuf au débat.»

Trop beau pour être vrai !... Pour mes propres ouvrages, je devrais être édifiée depuis longtemps. Mais comme je ne me suis pas inspirée, il s’en faut, de M.Reddé, je n’imagine pas me retrouver dans le même sac-poubelle que Y.Le Bohec, J.-L.Voisin et J.-L.Brunaux. Ce serait humiliant.
            
On est pourtant sans rancune, au doux pays d’Alise ! Y.Le Bohec conclut son étude par cette appréciation : «À notre avis, il ne sera plus possible de parler de Vercingétorix comme stratège et tacticien sans utiliser le livre d’Alain DEYBER qui va plus loin que ses prédécesseurs.» Lesdits prédécesseurs, en effet, n’avaient pas cru devoir informer leurs lecteurs de ce que pouvaient être un «combat», une «bataille», une «marche de nuit», une «attaque», une «guerre civile»… un «siège»… un «soutien»… du «harcèlement»… une «embuscade»… une «défaite»… des «forêts»… des «montagnes», toutes définitions développées en annexe et d’une incontestable utilité. Ils n’avaient pas non plus évoqué, à propos des légionnaires, «la redoutable virtuosité des Cosaques du Don dans la danse du sabre ou du poignard».
            
En effet, comment se passer de pareil trésor de savoir ?


PETITS POINTS DE DÉTAIL …

            - Le temple de Mercure à Gergovie :
Un premier temple a été construit vers 50 ap. J.-C. au sommet du Puy de Dôme. «Bien que des objets datant de la fin de l'indépendance de la Gaule aient été découverts, aucune trace de bâtiment gaulois n'a été mise au jour. Ceci amène à supposer qu'avant la guerre des Gaules, les lieux ne faisaient l'objet que d'une fréquentation épisodique sans construction pérenne.»
            
Peut-être. On observera toutefois que, Mercure étant, selon César (VI, 17), le plus grand des dieux gaulois, il serait étonnant qu’on eût attendu le 2ème siècle ap. J.-C. pour lui rendre un culte. Un simple temenos (enclos cultuel) suffisait, de bois probablement, puisque les Gaulois se refusaient à enfermer leurs dieux dans des bâtiments «humains». Les chemins processionnels ne peuvent pas dater que du 2ème siècle. Il devait exister quelque monument sur cette montagne, avant que les Arvernes aient missionné le sculpteur Zénodore pour l’édification d’une statue de 4 millions de sesterces en ce lieu (Pline, H.N., 34, 18). Pour parodier les assertions au sujet du camp du Réa, les fouilles n’ont rien révélé, ce qui n’exclut pas que l’avenir révèle.


     - La montagne Nord. «La montagne au nord d’Alise est effectivement au nord-ouest, mais César ne précise jamais que la montagne est exactement au nord, et il est très rare que le latin indique les points cardinaux intermédiaires (nord-ouest, nord-est, etc.). Il est donc parfaitement normal qu’il utilise le terme générique de nord pour localiser un relief qui, de fait, est bien au nord pour César.»

Nouvelle preuve d’ignorance, que je dénonce depuis mon premier livre sur la controverse : on n’a pas à aller loin dans le B.G., pas plus loin qu’au premier paragraphe de son premier livre, pour y rencontrer le fameux point cardinal intermédiaire, exprimé en toutes lettres par César à propos de la Belgique :  Belgæ... spectant in septentrionem et orientem solem, «les Belges… regardent vers le Nord et l’Est», c’est-à-dire : sont situés au Nord-Est du reste de la Gaule dont l’auteur délimite les différentes parties. S’il eût voulu évoquer le Mont Réa, personne ne l’empêchait d’écrire ad septentrionem et occidentem solem. Dont acte.

Nous avons vu la question des abrupts et la situation, hérétique, du camp Nord, en bas au lieu d’en haut. Excuse classique : ce camp du sommet existe, mais on ne l’a pas encore rencontré.


         - la soif. «La question de l’eau a été définitivement tranchée en 2010 par Jonhattan Vidal et Christophe Petit : https://rae.revues.org/6500 : l’eau mobilisable par les Gaulois avec les moyens techniques de l’époque est en quantité largement suffisante sur le site de l’oppidum d’Alise.»


Étude de cette question «définitivement tranchée», par B.Gay dans la Supercherie dévoilée. Même P.-M.Duval reconnaît qu’il fallait descendre chercher de l’eau sur les pentes. Et si les hommes peuvent supporter la soif, le bétail, non.


           - « … se replie sur Alésia» :

Encore un jeu sur les mots, où «se replie» est traité comme synonyme de «s’enfuit» ! Ce n’est nullement un sauve-qui-peut où les fuyards se dépêchent de se réfugier n’importe où et très près. Toute l’armée de retrouve sur Alésia, à près de 15 km du champ de bataille, ce qui se comprend mal pour une «fuite» non préparée. Vercingétorix ne fuit pas, il prend le temps de rassembler ses bagages et de gagner Alésia. Il y avait laissé le gros de son infanterie, en prélevant seulement sur elle un «fort contingent», l’avait fait fortifier et approvisionner en bétail sur pied et en blé, bien sûr en prévision d’un siège : le § 69 le prouve clairement. Un mur de 2 m de haut ne s’édifie pas le soir où l’on arrive, et il faut aussi prévoir troupeaux et blé pour un bon mois, ce qui ne s’improvise pas !


         - Omission du Quénot, qu’on nous reproche...

ce si petit Quénot qu’il n’existe même pas dans la liste des cours d’eau du Jura, où l’on trouve pourtant jusqu’aux ruisseaux (Wikipedia : Liste des cours d’eau du département du Jura). Le considérer comme un «affluent de la Lemme» réjouirait tous les habitants d’Entre-deux-Monts. Le Conseil Municipal l’évoque, dans le Progrès du 4 juin 2017, comme un «ruisseau». En fait, un «ru» suffirait amplement, sa taille avoisinant celle d’une gouttière. (voir photo in fine). D’autant moins fallait-il en signaler l’existence qu’il ne coule pas dans la zone des combats ; tandis que la Brenne, elle, traverse la vaste plaine d’Alise, sans offrir de gué ce qui ne facilite pas les combats de cavalerie.


         - Et quant au nom…
         
«Le nom antique Alesia est attesté par plusieurs inscriptions gallo-romaines trouvées sur le mont Auxois.»
         
Attestation toujours citée mais volontairement et unanimement faussée. La plaque gravée dite «de Martialis», première source épigraphique, où se lit le nom gaulois d’Alise, l’écrit : Alisija, ce qui n’est pas «Alesia». Confondre les deux est aller trop vite en besogne. César, lit-on immanquablement, avait entendu de travers le nom de la ville qu’il assiégeait. Ignore-t-on que certains de ses officiers parlaient parfaitement gaulois, dont le père de Trogue-Pompée, secrétaire de César, interprète, ambassadeur et garde du sceau [31]. Un tel personnage aurait évidemment rectifié toute graphie ou toute appellation orale fautive.
         
Il faut approfondir un peu, et s’informer de la répartition des témoignages, plus que probante.
         
                ° Déjà, toutes les autres inscriptions, que ce soient les jetons de théâtre ou la passoire de Couchey, portent ALI-
         
               ° En revanche, lorsque César nomme la ville, c’est toujours sous la forme Alesia, avec un E, de même que les auteurs grecs. Toutes les variantes citées dans  le recueil de J.Le Gall, tant grecques que latines, concordent sur ce point.
         
              ° Lorsque, d’un autre côté, il est question de la ville gallo-romaine puis médiévale d’Alise Sainte-Reine, tous les cartulaires, les registres paroissiaux etc. l’écrivent Alisia, avec un I.
         
            ° La jonction entre les deux est opérée par le moine Éric d’Auxerre, traducteur de la Guerre des Gaules, ce qui peut expliquer l’allusion au siège d’Alésia. Ce poème, écrit en 864 ap. J.-C. est, comme il se doit, en vers, ce qui justifie la graphie Ale-, puisque un nom composé d’une initiale brève suivie de trois i dont un i consonne, est incasable dans un vers latin, où l’exigence métrique a codifié l’alternance des syllabes longues et des brèves. On ne se risquerait pas plus à écrire une longue où les règles exigent une brève qu’on n’espérerait trouver un public ou un lecteur passif, si on lui proposait «2 et 2 font six» ou toute autre hérésie. L’intransigeance était absolue.
         
                °Mais dans une autre œuvre écrite en prose, cette fois, parlant de la ville  assiégée, il la nomme de son vrai nom, Alisia, puisqu’il n’a plus à respecter l’alternance obligée des syllabes longues et des brèves.
              
                      Il ne faut donc pas confondre les deux !


         - Le fameux murus gallicus ? Les Alisiens eux-mêmes [32] en attribuent les fragments retrouvés soit à l’Âge du Bronze soit aux temps gallo-romains. Si ce murus est bien gallicus, il ne peut correspondre à l’«énormité des remparts» qui protégeaient Alésia (Plutarque) ni à la ville «fondée par Hercule» de Diodore. Quelque argutie qu’on développe sur l’époque d’Hercule, ses fondations grecques (Tirynthe, Argos, Mycènes) sont difficilement datables du IIème comme le sont les oppida pourvus d’un murus gallicus, mélangé pierre et bois.


… ET GRANDE QUESTION : LA TAILLE DE L’OPPIDUM

« D.Porte affirme, dans La Voix du Jura du 1er septembre 2016, que les «90 hectares (du site d’Alise) ne peuvent accueillir que 9000 hommes (Polybe) et (qu’)ils sont 95 000 nouveaux arrivants sur le Mont Auxois». Cette affirmation suscite deux questions : pourquoi 90 hectares – en l’occurrence plutôt 97 – ne pourraient accueillir que 9000 hommes, et où Polybe évoque-t-il la question du peuplement des oppidums gaulois ? »
         
J’imagine que la typographie du journal a fait sauter deux mots, à savoir : «deux fois», devant «9000 hommes», et en reste contrite.


* Sachant que 2 légions (2 fois 4500 hommes à l’époque de Polybe = 9000) occupent 45 ha, on en peut déduire que sur 90 ha on en case 2 fois 9000 ; mais aussi que toute la surface disponible est couverte de soldats. Gaulois, il va sans dire.
            
* Les 97 ha correspondent à la surface totale, reconnue par les Alisiens, du Mont Auxois.
                      
* Les 1000 ha de «l’oppidum Chaux» semblent, en comparaison, excessifs ? Il ne faut pas confondre l’oppidum-colline et l’oppidum-ville, désignés en latin, par le seul mot oppidum (Varron, Tite-Live). Il est certain que dans les temps de l’arrivée de Vercingétorix sur Alésia, ses troupes ne campèrent pas dans la ville-même, puisqu’il ne les y admettra que dans un second temps, quand il en aura fait sortir ses 15000 cavaliers. Si on comprend «fait entrer ses troupes dans l’oppidum» comme signifiant «fait entrer ses troupes sur la colline», puisque Alésia est censée occuper toute la hauteur, c’est qu’auparavant ils étaient dans la plaine !
            
Il convient, malgré tout, de ne pas oublier qu’une ville comporte des maisons d’habitat, des greniers, des espaces réservés aux pâturages, qui doivent être assez considérables pour avoir contenu les bagages, les 15000 chevaux des cavaliers, le cheptel des Mandubiens, les «nombreux troupeaux qu’ils avaient fait entrer» pour nourrir les guerriers gaulois retranchés (B.G., VII, 71). Pour que Chaux puisse être Alésia, estime M.Reddé, «il manque un oppidum et une plaine», puisque l’acception classique du mot oppidum implique qu’une ville occupe l’ensemble de la hauteur. Si la ville occupe tout le plateau, objecterons-nous, où case-t-on les indispensables pâturages ? Entre les huttes ?
            
Sans préjudice de l’arsenal de guerre dont Vercingétorix  disposait (B.G., VII, 82, 84, 86), depuis les simples perches à crocs jusqu’aux galeries couvertes, et qui tenaient de la place, ainsi que les ateliers où on l’avait fabriqué. En comptant, ne les négligeons tout de même pas, les habitants d’Alésia, notre «très grande ville, très peuplée» selon Diodore de Sicile (4, 19, 1-2) dont il faut préciser qu'il est contemporain de César. Ce qui laisse rêveur quand on lit que «5 fonds de cabane» ont été trouvés à En-Curiot, ce que les Alisiens exploitent à leur avantage en écrivant avec audace : «le tout permettant d’affirmer que ce quartier, situé à une porte de l'oppidum, a été densément occupé au Ier siècle avant J.-C.». Densément occupé... Cinq cabanes… pour une «très grande ville, très peuplée…» On conçoit l’intérêt d’ignorer Diodore !
          
Pour loger toute cette masse de gens, d’animaux, de bâtiments, la surface du Mont Auxois est déjà largement insuffisante.
            
À coup sûr, je ne connais pas Alise aussi bien que Chaux-des-Crotenay. Je l’ai néanmoins visitée plusieurs fois, la dernière en compagnie de Franck Ferrand, et des 5 visiteurs en tout et pour tout que compta l’après-midi du 15 octobre 2016. Je l’ai même survolée en Cesna, et n’en pus croire mes yeux devant la surprenante exiguïté du lieu, autant que devant l’espace (2,500km sur carte) qui le séparait des hauteurs – si l’on peut dire – alentour, théoriquement serrées autour de l’oppidum (B.G., VII, 69, mediocri interiecto spatio) qui laissaient aux Romains toute la place voulue pour passer et même, en cas de siège, pour s’installer confortablement dans la plaine.
           
Il est comique de lire que Polybe, au temps des guerres Puniques, aurait pu évoquer «la question du peuplement des oppidums gaulois». Naïveté volontaire ? Ignorance des lacunes de notre information sur les réalités antiques qui ne nous permettent que de procéder par approximation et comparaison ? La seule estimation chiffrée dont nous disposions est celle de Polybe – traitant de l’armée romaine, évidemment –, et il nous faut bien nous en inspirer. Je suis partie de son texte parce qu’aucun auteur antique ne s’est préoccupé de nous renseigner pour ce qui est du peuplement gaulois. Il ne m’a pas paru aberrant de considérer qu’un Gaulois et un Romain occupaient sensiblement la même portion d’espace, et surtout pas utile de justifier cette transposition, ce qui, au surplus, aurait laissé penser que je sous-estimais l’intelligence de mon lectorat. 
            
Lorsque les Alisiens tournent en dérision le calcul de Y.Jaouen sur l’occupation d’un lieu comparable à la surface d’Alise à partir d’un concert d’une jeune chanteuse moderne, ils manifestent la même navrante ingénuité. Si la salle Garnier avait présenté des dimensions et un taux d’occupation adéquats, la fanatique d’opéra que je suis n’aurait pas demandé mieux que d’en faire notre terme de comparaison. Tant pis pour le snobisme ! Selon le célèbre  alexandrin moderne, «On fait ce que l’on peut avec ce que l’on a !»

Toutefois, notre comput n’est pas encore satisfaisant. Il ne faut pas loger seulement l’armée gauloise, les Mandubiens, les maisons, bâtiments, animaux et les pâturages indispensables, qui restreignent d’autant l’espace susceptible d’accueillir l’armée de Vercingétorix, il convient de tenir compte du fait que les «formidables remparts», s’ils existaient, ou même un simple murus gallicus, seraient forcément construits quelques mètres en retrait des «falaises». D’où l’estimation des 90 ha, soient 97 diminués de 7, disponibles pour l’occupation. (suggestion et calcul de Régis Sébillotte).

On peut augmenter ou diminuer le chiffre, certes, mais il convient d’en tenir compte ; ce qui, avant R.Sébillotte, homme de terrain longtemps spécialisé dans l’ingénierie des constructions en pierre, ciments, bétons etc., n’a jamais été fait. Sauf, peut-être dans une note sur laquelle je tombe par hasard, jamais utilisée, d’ailleurs, par les Alisiens eux-mêmes, due à René Goguey : un «plateau de 90 hectares, défendu par les falaises abruptes de l’Oze et de l’Ozerain». Toujours les falaises abruptes des deux ruisselets, – une vue d’avion augmentant peut-être les hauteurs et diminuant les distances – et pas de détails sur le chiffre, c’est-à-dire sur la surface réelle diminuée des remparts ; s’il faut, c’est la surface de l’oppidum entier qui mesure 90 ha, et si on en retranche encore la surface des remparts, que devient la surface utile ?  
            
Enfin, si les Gaulois de l’oppidum peuvent, pour suivre des yeux les péripéties du dernier combat, «sortir en avant de la ville», en VII, 80, c’est bien qu’Alésia n’occupait pas entièrement le socle montagneux qui la supportait, et que de l’espace la séparait de ses bords escarpés, assez d’espace pour contenir une foule de spectateurs. Pas directement sur les falaises, non plus. Principe de précaution.

            
Encore quelques considérations sur les camps :
            
«Le recours au modèle des camps romains de Polybe présente le même type d’approximation. D.Porte s’appuie sur une description des camps romains par un auteur mort vers 126 av. J.-C., soit plus de 70 ans avant la conquête de la Gaule. En outre Polybe y décrit des camps d’étape d’une armée en déplacement, et n’évoque en aucun cas la question de camps construits dans le cadre d’un siège. D’autre part, César ne donne pas les dimensions des camps implantés autour d’Alésia

Polybe est un moindre mal, puisqu’il est largement antérieur à César. Mieux vaut s’appuyer sur le modèle d’un camp antérieur que sur les camps d’Hygin ou de Végèce, d’époque impériale, dont César eût été bien en peine de connaître les dimensions ! et ne pas se référer à la colonne Trajane pour donner une idée de la vêture et de l’armement un siècle et demi avant elle, ce qu’on trouve régulièrement, et in primis dans l’album de M.Reddé.
            
Je ne sache pas que les Romains eussent donné à leurs camps d’étape une configuration différente de celle des camps de siège. Au contraire, l’uniformité de leur construction, quotidienne, est facteur de sérénité pour le légionnaire qui y retrouve l’organisation de sa maison (Polybe, VI, l). Quand on installe un siège, on ignore combien de temps il durera : un jour, comme le siège expéditif de Vellaunodunum (VII, 11), ou vingt-sept comme celui, terrible, d’Avaricum. Après tout, un camp de siège n’est-il pas un camp d’étape qu’on doit prolonger ? Pour ce qui est d’Alésia, le camp est construit en arrivant sous la citadelle, et donc comme les camps d’étape ordinaires. Donc, conformément à la description de Polybe.
            
La preuve ? César, toujours, B.G., VII, 68. Dans un premier temps l’armée arrive sous Alésia et y construit son camp, ad Alesiam castra fecit. C’est alors un camp d’étape. Dans un second temps César, après avoir examiné la position, perspecto urbis situ, et reconnu l’impossibilité d’un assaut, décide l’investissement, circumuallare instituit. C’est alors seulement que le camp d’étape devient camp de siège, sans que rien, du reste, soit modifié dans son organisation.
         
Soucieuse de raisonner sur des chiffrages antiques, j’ai pris comme base les normes indiquées par Polybe pour les camps militaires, car on ne dispose pas d’autres données. Sur quelle base chiffrée antique les Alisiens peuvent-ils eux-mêmes définir les normes d’un habitat, civil ou militaire ?
         
Ils feraient mieux de s’aviser que les effectifs ont varié, entre l’époque de Polybe et celle de César : Marius, grand-oncle de César, a porté l’effectif d’une légion de 4500 hommes à 6000, ce qui augmente notablement la superficie indispensable : les 45 ha sont prévus pour 9000 hommes, pas pour 12000 !

Si Vercingétorix a choisi (car il l’a bien choisie, fait fortifier et approvisionner) Alésia pour y piéger César, c’est que cette place offrait la surface nécessaire pour y installer son  armée. De vastes espaces devaient entourer le lieu d’habitat, ce qui est le cas sur la hauteur qui porte Chaux.
         
Il faut admettre, en effet, que les 95000 arrivants et les chevaux de la cavalerie ne campaient pas à l’intérieur de la ville. Lorsque Vercingétorix fait rapatrier toutes ses troupes, c’est dans l’oppidum, pas dans la ville, ou alors, à Alise, il faut faire éclater les murs ! On doit estimer que le mur grossier (maceria) et le fossé fortifiaient l’endroit où s’installa l’infanterie, en avant du rempart de la ville.

Je me suis étonnée aussi que les camps gaulois aient été installés à l’est. À l’est d’Alise, évidemment. Je ne contredis nullement le texte de César, j’en fais seulement l’application au site incriminé, en énonçant toutes les impossibilités que suppose cette installation : n’est-il pas surprenant que les combats se soient déroulés dans la plaine des Laumes (ouest) alors que les camps gaulois étaient à l’est ? Et l’on peut s’étonner aussi que le mont Pennevelle, bien plus vaste que le Mont-Auxois, n’ait pas été utilisé par Vercingétorix. Je ne vois là ni «textes tronqués» ni «mauvaise fois» (orthographe alisienne… No comment !)

«L’ensemble des effectifs estimés n’a jamais occupé l’oppidum en même temps.»
         
Les citations de César relevées ne concernent que les cavaliers (15000 au départ). Restent les 80000 hommes de l’infanterie qu’on doit bien loger quelque part, mais pas dans la ville, occupée par les Mandubiens. Eux ne sont pas employés pour les engagements dans la plaine et campent sur la colline, qui doit donc pouvoir les accueillir. 
         
M.Reddé affirme [35] que les cavaliers sont partis recruter, que les Mandubiens ont été expulsés et le bétail mangé. À la fin du siège, oui. Pas au début. Pour partir, il faut bien avoir séjourné quelque part quelque temps ! Pour être mangé, il faut bien avoir occupé son espace jusqu’à l’abattage, qui ne fait place nette qu’au fur et à mesure, pas d’entrée de jeu. Il faudrait supposer l’existence de frigos à l’époque, et... (Biffons : les gens d’en face vont encore me prendre au sérieux et se scandaliser de l’anachronisme.) Donc, à l’arrivée sur Alésia, il faut bien caser tout le monde, ce qui, sur Alise, est mission impossible. 

          
PHILOSOPHIE DE L’HISTOIRE

Dans le droit-fil des affirmations provocantes de Ch.Goudineau, le Manifeste des archéologues nie l’existence de la Gaule avant César.
            
Cette inexistence de la Gaule unifiée n’empêche pas les différentes tribus de se réunir autour d’une métropole près ou loin de laquelle elles auraient essaimé, pas plus qu’elle ne les dispense de la réunion annuelle dans la forêt des Carnutes, tenue «à date fixe», donc aucunement tributaire des événements, «dans un lieu consacré, au centre de la Gaule», et où «affluent de toutes parts tous ceux qui ont des différends». Si des Gaulois, de toutes les tribus indifféremment, y viennent «se soumettre à leurs [36] décisions et à leurs arrêts», c’est bien que l’autorité des druides, et de leur grand chef en particulier, est reconnue communément par les Gaulois. La Gaule unifiée n’existe pas encore, certes, puisque c’est Vercingétorix qui la forgera [37], mais les «provinces» existent, et nonobstant leurs particularités, sont capables de s’entendre en cas de menace venant d’un ennemi commun. L’unification n’est pas encore là, mais l’unanimité y est.
            
Elle est justement signalée par César pour ce début de l’année 52 ! (B.G.,VII, 1), en même temps qu’il évoque le serment prêté chez les Carnutes, incluant le rite du mélange des enseignes, qui constitue «le plus sacré des liens», grauissima cærimonia continetur. La liberté qu’ils revendiquent au prix de la guerre ? Ils la tiennent de «leurs aïeux», libertatem quam a maioribus acceperint. Des tribus qui se reconnaissent les mêmes aïeux dans un même idéal ne constitueraient-elles pas une seule et même nation, au moins de cœur ? Je contrarie gravement la Gaule inexistante, ou la Gaule créée par César, chère à Ch.Goudineau [38], je sais. Mais il tombe sous le sens que les Gaulois n’ont pas attendu César pour se sentir Gaulois.  
            
En veut-on encore ? Voici l’assemblée générale «de toute la Gaule», totius Galliæ concilium, tenue à Bibracte (B.G., VII, 63), où le commandement de Vercingétorix lui est renouvelé ad unum, «à l’unanimité». Une phrase de César révèle l’enthousiasme de tous les chefs présents à s’unir pour chasser l’envahisseur, en des termes qui montrent bien que ce n’est pas une coalition de hasard : «Telle fut l’unanimité de la Gaule entière à vouloir reconquérir son indépendance et recouvrer son antique gloire militaire, que la reconnaissance et les souvenirs de l’amitié [avec Rome] restèrent sans force, et qu’ils furent unanimes à se jeter dans la guerre de tout leur cœur et avec toutes leurs ressources. (B.G.,VII, 76)». L’unité politique n’est-elle pas conditionnée d’abord par celle des sentiments ? S’il en est ainsi, avant sa conquête par César, la Gaule est déjà une, et, pour un moment, indivisible.  
            
Accessoirement, on ne lit nulle part que les différentes tribus aient dû recourir à des intermédiaires pour communiquer les unes avec les autres. Pas d’interprètes entre elles. Si elles n’avaient pas disposé d’une koinè, comme les Grecs, ce que j’appellerais volontiers un «espéranto gaulois», en usage dans les rencontres internationales, il leur eût été aussi difficile de se comprendre qu’il le serait à un Basque ou un Corse de dialoguer avec un Ch’ti ou un Breton. Par-delà les particularités des divers dialectes, le fond de la langue devait appartenir à tous les Gaulois, et qui dit «langue commune» dit par là même origines communes, socle de civilisation commun.
            
Et puis, cherchons dans les arcanes de la langue : la première mention du mot «Gaule» se trouve tout de même chez Caton l’Ancien [39], à l’époque de la 3ème Guerre Punique, un siècle avant César…
             
Il n’est pas question d’envisager, néanmoins, disent nos Alisiens, que Vercingétorix eût pu tenir la dragée haute à César, ce que ce dernier reconnaît pourtant plusieurs fois, «Jamais César ne précise être contraint à la déroute». Il l’a fait, implicitement (quel chef d’armée oserait écrire : «Voilà, je n’ai plus le choix, je prends la poudre d’escampette » ?) pour qui, sans beaucoup d’imagination, sait additionner deux et deux, c’est-à-dire rassembler les indices successifs qui décrivent une situation. Déjà, Labiénus a rapatrié ses troupes en hâte devant le soulèvement des Bellovaques suscité par l’annonce de la retraite de César (VII, 59). Dès après Gergovie, César «s’attendant à un soulèvement massif de toute la Gaule», Ipse maiorem Galliæ motum exspectans, envisage la retraite «pour éviter d’être enveloppé par toutes les tribus», ne ab omnibus civitatibus circumsisteretur, et réfléchit aux possibilités de quitter Gergovie consilia inibat quemadmodum ab Gergovia discederet. Il songe alors à organiser la réunion de toutes les troupes romaines, ac rursus omnem exercitum contraheret, «sans qu’un départ décidé sous la crainte d’une défection [40] ne parût une manière de fuite» ne profectio nata ab timore defectionis similis fugæ videretur (VII, 43, 5). Le mot «fuite» est écrit en toutes lettres, même si César avoue explicitement qu’il fait en sorte que cette fuite passe pour un simple départ, profectio. Jamais auparavant les troupes romaines n’étaient retournées en Italie sans laisser quelques légions pour surveiller la Gaule, à Sens, à Langres, à Vienne, à Orléans p. ex. Cette fois, l'évacuation est complète.  
            
Cette Gaule capable de faire front commun contre Rome existe donc bel et bien, la menace est prise au sérieux par César, d’autant plus pressante que son échec devant Gergovie ne l’incite pas à rester pour y faire face ! Quant à l’itinéraire, même s’il n’est pas expressément énoncé, il va de soi : «toutes les routes sont coupées» (interclusis omnibus itineribus (VII, 65) par les tribus gauloises que Vercingétorix a déployées au fond du couloir Saône et par les Éduens qui bordent ce couloir : ce barrage de toutes les autres routes à l’ouest montre bien qu’il incitait César à emprunter, on peut dire : faute de mieux, la seule qui lui restait permise, celle des cols, qui existait déjà (route Langres-Genève) providentiellement et intentionnellement laissée libre. Vercingétorix avait préparé les lieux et ne fut pas pris au dépourvu, il s’en faut, à l’issue du combat perdu.

Que l’armée romaine fût la plus importante «jamais mobilisée par Rome dans toute son histoire en dehors des troupes que Trajan mobilisera lors de la conquête de la Dacie» n’est pas un argument recevable, puisque cette armée est largement inférieure aux effectifs gaulois (10 ou 12 légions = 60000 ou 72000 hommes contre 95000 + 254000 Gaulois – est-il utile de conclure ?)

Le dernier argument du Manifeste prête même à sourire : «Enfin, précisons que, si brillant fût-il, Vercingétorix a perdu face à un adversaire très inférieur en nombre». 

Preuve par les  effectifs : nombre ne fait pas loi ! César fut à deux doigts de perdre le dernier combat, ses soldats fléchissaient de tous les côtés, lui-même dut monter au secours des siens au camp des hauteurs où la bataille faisait rage, grandement secondé, du reste, par l’inertie des myriades venues de toutes les tribus gauloises mobilisées qui se croisèrent les bras, probablement conditionnées par la haine que portaient les chefs éduens à l’Arverne Vercingétorix [41]… Que compte, alors, la valeur militaire ? La Fortune agit à son gré en ces moments de bascule où victoire et défaite tiennent à un de ses célèbres caprices. Plus que le nombre, il y faut la cohésion, la discipline des combattants, le génie d’un chef capable de redresser une situation désastreuse en jouant son va-tout au moment crucial où tout va se décider, et tout cela intervient et se module au gré des événements, là où les considérations d’effectifs sont bien dépassées. D’autant que la réunion des tribus date seulement de janvier -52 alors que l’armée romaine pouvait se prévaloir de huit siècles de fonctionnement cohérent, organisé, soumis à une discipline infaillible qui en assurait la suprématie reconnue sur ses adversaires.  
            
De plus, condamné à l’impuissance, bloqué sur son Alésia, Vercingétorix ne participe pas à la bataille du camp Nord, uniquement menée par Vercassivellaun. Il fut vaincu, absent, plus par la trahison des siens que par l’action de César. Il porte seul le poids de la défaite alors qu’il avait vaillamment essayé de franchir les retranchements romains et que César combattait, lui, au camp de la montagne. Il ne fut donc jamais en face du chef ennemi.
            
Oui, il fut «brillant», dans toutes ses initiatives, mais le combat final fut remporté par ses adversaires contre d’autres que lui, qui avait mené la guerre jusque-là. Il mérite au moins qu’on lui rende cette justice.

***
            
Il se peut, toutefois, que je n’aie rien vu de ce qu’il fallait voir…

            «Elle ne semble pas non plus capable de réaliser une analyse critique des textes pourtant à la portée d'un étudiant de Licence d'Histoire. César fait de la prise d'Alésia l'apogée de son commentaire de la Guerre des Gaules : la description du siège met d'ailleurs fin à la partie qu'il rédige lui-même. Le nombre de chapitres consacrés à Alésia est très supérieur à celui des autres batailles de la Guerre des Gaules, laissant croire que la guerre est terminée, la Gaule soumise et surexposant ainsi le rôle de Vercingétorix. On oublie ainsi un peu vite que la guerre durera encore plus d'un an avec d'autres sièges et d'autres batailles. L'objectif de la propagande césarienne est évident : César utilise Alésia pour valoriser sa victoire militaire et préparer son triomphe

Il a bien étudié son catéchisme, l’étudiant de Licence d’Histoire formé par nos chers collègues, et bien assimilé le poncif d’école primaire des «intentions de l’auteur». Refusons le bla-bla-bla spéculatif pour rester plus terre à terre : César aurait arrêté tout exprès son récit de la guerre sur Alésia pour magnifier sa victoire et préparer son triomphe ? Étrange. Préparait-il son triomphe en -52, alors que la Gaule n’était toujours pas conquise (elle le sera avec la chute d’Uxellodunum = Capdenac en – 51), et il ne célébrera qu’un triomphe en bloc, sur tous les pays vaincus, en août et septembre 46. Gonfle-t-il sa victoire, par les deux mots qu’il consacre à la reddition de Vercingétorix, qu’il aurait eu tout lieu d’exalter s’il avait formé des intentions sous-jacentes ? On entend déjà un Cicéron broder sur ce thème !  César ne s’offre même pas ce luxe. Deux mots, Vercingetorix deditur,  et il suffit.
        
Cela nous amène à évoquer la seule explication qu’on donne à ces chiffres incompatibles avec l’hypothèse Alise : la gloire de César. «César fut l’un des plus grands menteurs de l’histoire [42]» ose écrire Y.Le Bohec ! Et donc, les chiffres qu’il énonce ne sont pas à prendre en compte… Aucun exemple précis à l’appui de ce jugement lapidaire, que des affirmations, tout aussi gratuites que vagues : «Il a menti pour faire carrière car il recherchait le pouvoir»… Affligeant. Là encore, la profondeur d’un fossé est un puissant adjuvant quand on brigue le consulat, ce dont, du reste, César se moquait bien, étant Triumvir depuis 60 et Proconsul des Gaules depuis 59 !  

Ah ! la «gloire de César» ! On la retrouve sous toutes les plumes, sans le moindre exemple indiscutable, et pour cause, puisqu’on ne dispose d’aucun élément de comparaison…
            
La référence immanquable se porte sur l’ouvrage de M.Rambaud, toujours cité mais rarement lu, (l'Art de la déformation historique dans les commentaires de César), qui est une charge outrancière en ce qu’il suppose des visées politicardes qui déforment régulièrement la vérité. Rappelons que l’auteur va jusqu’à dénombrer toutes les mentions du nom de «Vercingétorix» dans le livre VII du B.G., pour  montrer que César ne perd pas une occasion de se glorifier, y compris lorsqu’il précise que Vercassivellaun est «le cousin de Vercingétorix» parce que cela lui fournit une mention de plus !!! Et dire que c’est devenu la Bible…

L’argument moteur des réponses alisiennes à ces écarts entre le texte et le terrain est de privilégier la recherche archéologique par rapport au texte de César, en alléguant son manque de précision, voire ses tricheries. C’est oublier que le chef romain était entouré d’un État-Major qui pouvait facilement rectifier des distorsions, que ses rapports officiels étaient envoyés au Sénat chaque année et ne pouvaient plus être modifiés lors de leur réunion en livre, en 51 av. J.-C. ; que César ne dissimule pas ses échecs, ses hésitations, ses décisions extrêmes. Était-il obligé, par exemple, de relater l’épisode des Mandubiens expulsés par Vercingétorix, et qu’il refusa de secourir ou le châtiment des deux mille défenseurs d’Uxellodunum-Capdenac à qui il fit trancher les mains ? Bref, il courait plutôt le risque de se desservir qu’il ne trouvait un moyen de se glorifier. À preuve le jugement que portèrent les Autorités de Rome : ses ennemis du Sénat, comme Caton, jugeront de telles représailles «inhumaines».   

Au finale, César est démenti par chaque coup de pioche des archéologues, mais il est tout de même crédible… Savent-ils au juste ce qu’ils veulent ?

Terminons par le plus odieux et le plus futile : quand des universitaires perdent le contrôle…


AIMABLES APPRÉCIATIONS                   
         
«Il est compliqué d’avoir un débat scientifique avec quelqu’un qui possède un système de datation basé sur des récits mythologiques et qui pense visiblement, à la lire, que les Cyclopes ont existé».
         
De quoi rire ou pleurer ? Certes, je ne déverse pas, dans des ouvrages «grand public» des flots d’érudition sur les glaciations du Jura et les galets gravés à l’Epipaléolithique-Mésolithique : nous serions bien loin de 52 av. J.-C., qui devrait constituer notre seul propos. Je maintiens simplement qu’il est difficile de dater menhirs ou mégalithes, par définition dépourvus d’indications gravées : Stonehenge est-il daté avec précision ? Non, les prospections Lidar ont même détecté, voilà cinq ans, d’immenses structures souterraines qui remettent en cause l’estimation traditionnelle.
         
Cette fois encore, il est permis de se poser des questions touchant le fonctionnement de certains cerveaux : pourquoi, étudiant des textes latins et grecs, ferais-je intervenir des systèmes conçus a posteriori par des savants modernes ? Bien obligés sommes-nous d’utiliser ceux que les Anciens ont mis à notre disposition dans l’expression qu’ils leur ont donnée. Et dont l’un des critères était l’époque des héros et des demi-dieux ou demi-hommes de la mythologie.    
         
J’ai écrit, à propos de l’orthostate baptisé «déesse Alésia», qu’elle remontait «bien plus loin dans le temps» que l'Âge du Bronze. Simple synonyme d’«antédiluvien». Je ne l’attribue pas formellement à l’époque de Cro-Magnon dont j’ignore sereinement l’appartenance chronologique, l’estimant sans intérêt pour le conflit entre César et Vercingétorix. Et je persiste dans mon jugement.
         
D’autre part, je précise toujours que les peuples «antiques» (et oserai-je «préantiques» au risque de crouler sous les dissertations pédantes ?) adoraient des structures naturelles mais qui présentaient quelque singularité les désignant à l’attention, voire les retouchaient pour en accentuer les caractères qui suggéraient une origine divine pour eux, humaine pour nous. Ne pratiquant ni l’écriture ni les représentations «artistiques» des dieux, les Gaulois et leurs ancêtres nous ont laissé des témoignages muets de leurs croyances, forcément soumis à la conjecture. Myriam Philibert en a étudié [43] les diverses expressions, rapproché les formes et les signes, décrypté les symboles, dégagé l’importance des orientations, des dispositions circulaires, des accompagnements de pierres alignées, et nous nous rejoignons sur bien des points, sans espérer pouvoir affiner davantage une datation impossible en soi.
         
Mes interprétations sont «délirantes» : peut-être… mais fondées sur une information sérieuse touchant les cultes antiques – ma spécialité universitaire officielle. En tout état de cause, elles sont comprises de tous les lecteurs, ce qui n’est pas le cas pour les dissertations des archéologues. Pour présenter un site méconnu et dans la globalité de son contexte historique, il est tout de même nécessaire d’être compris. Je pense que «mur cyclopéen» parle davantage que «mur en opus siliceum du Latium primitif émigré en Gaule»…
         
On lit d’ailleurs partout que les constructions de Mycènes ou de Tirynthe, entre 1600  et 1100 av. J.-C., sont attribuées à Hercule à cause de la dimension de leurs pierres, ce qui correspond exactement à l’époque de la guerre de Troie (1334 ou 1135), à laquelle participa Hercule. Se gausser de l’existence réelle d’Hercule ou des mythes troyens est vraiment ne rien connaître à l’utilisation antique de la mythologie : Strabon, par exemple, signale la présence d’Hercule dans les récits fondateurs d’un bon nombre de peuples méditerranéens, ce qui faisait du demi-dieu un repère chronologique familier à tous ses lecteurs.

Nous présentant, donc, comme de doux fantaisistes, le Manifeste des Archéologues en vient à dénigrer notre information et le sérieux de nos recherches. «Au mépris de toute déontologie ils [=les «Jurassiens»] ignorent volontairement les rapports de fouille et de sondages.»
       
Bien au contraire, pour écrire la Supercherie dévoilée, J.Berger, J.Rodriguez, E.de Vaulx et moi-même avons épluché les trois gros volumes du grand rapport de fouilles publié sur les travaux de 1991 à 1997 par Michel Reddé et Siegmar von Schnurbein (en 2000, 957 pages, 2129 notices), ainsi que la communication présentée devant l’Institut par M.Reddé, le 2 avril 1993.
         
Toutes les distorsions que j’ai signalées dans l’Imposture Alésia 1 et 2, et dans la Supercherie dévoilée sont extraites de ces Rapports, qui citent les doutes et les aveux des rédacteurs eux-mêmes concernant leurs propres travaux. Je laisse Michel Reddé saper lui-même les merveilleuses recherches qui prouvent «indubitablement» qu’Alise fut Alésia : le fossé césarien de 20 pieds «n’est pas à 120 m de la contrevallation, mais il n’est même pas à 600, et il n’a de toute façon pas 20 pieds de large. Les lilia, les stimuli, les cippi n’ont jamais été retrouvés au complet et dans le bon ordre.» […] «Le catalogue du matériel comprend des objets intrusifs postérieurs à l’épisode de 52, de même qu’il comprend du matériel plus ancien. On se gardera donc de conclure que tout objet retrouvé dans les fossés d’Alésia constitue nécessairement un repère chronologique absolu.» (M.Reddé, Rapport de fouilles, Paris, 2000, p. 501-502). Et ce n’est qu’un exemple !        

«Ces personnes ignorent les progrès des recherches historiques et archéologiques des 30 dernières années.»
         
Les 30 dernières années n’ont apporté aucune nouveauté «historique», le déroulement du siège n’ayant guère pu varier depuis que César – le mieux informé il me semble – l’a retracé. Qu’on nous montre seulement un seul progrès décisif pour l’identification d’Alésia que la recherche actuelle aurait pu apporter… Pas du bavardage ou de l’enfumage savant, mais du concret, du probant !

Les plans du siège proposent toujours les reconstitutions de Napoléon III, dont on connaît depuis l’origine les tricheries (fortifications au-dessus d’une basilique, gommage d’un fossé en trop, etc.). On souhaiterait un plan conçu en fonction des «progrès archéologiques des trente dernières années» faisant état des vestiges réellement retrouvés. Mais les Alisiens se fondent toujours sur les plans napoléoniens qui ont bravement supposé des continuités de fossés là où aucune fouille n’a été pratiquée. Tout en nous accusant d’en rester aux rapports établis sous Napoléon…
Sœur Anne, ne vois-tu rien venir ?
        
Les signataires versent alors dans la pure calomnie : «Ils refusent de publier leurs théories dans des revues scientifiques reconnues comme ils refusent de communiquer leurs résultats lors de colloques nationaux et internationaux.»
         
Il est facile de répliquer : Encore faudrait-il qu’on nous le propose ! Quel colloque centré sur Alésia nous a jamais contactés pour y participer ? Lorsque François Chambon prit l’initiative de téléphoner à Bibracte pour demander s’il y aurait place, au colloque organisé là, pour un exposé sur Alésia à Chaux-des-Crotenay, la réponse, donnée par une voix anonyme (nous apprenons par le Manifeste qu’elle devait être celle de Mme Nuninger) fut sans équivoque : ce serait extrêmement difficile, voire impossible. Aucune justification.
         
Et si l’on envoie un article à une revue internationale, il est refusé parce qu’il porte sur un sujet «trop polémique»… (ainsi, Latomus, pour un article sur Héric d’Auxerre, pourtant rédigé suivant les strictes normes universitaires, selon mon habitude). Quant aux revues de vulgarisation, dans lesquelles la plume des historiens d’Alise ne dédaigne pas de se commettre, si elles publient ad nauseam des fascicules sur Alésia, Vercingétorix, César, le génie méconnu des Celtes etc., elles ne répondent jamais aux propositions d’études qu’on peut leur adresser [44]. Rien d’étonnant : elles sont toutes des satellites du groupe Errance / Faton, ancré sur Alise.
         
Pour qu’il y ait refus, encore faut-il qu’il y ait offre !
         
À ma connaissance, le colloque international sur Alésia est encore dans les limbes. Si toutefois un téméraire se risquait à imaginer un vrai débat sur la question, non pas un échange biaisé comme le fut celui de Beaune, inutile de dire que nous répondrions  présents !

Puisque morgue et dérision président à l’exposé des titres d’universitaires alisiens aussi bien qu’à la réfutation des aptitudes de nos partisans, il nous faut bien justifier ce qui n’aurait aucun besoin de justification si les archéologues alisiens voulaient bien cesser de se draper dans leurs dignités au lieu de regarder en face la réalité. J’ai amplement traité la question des titres dans le blog précédent (Être ou ne pas être… du sérail) et me bornerai donc à compléter. 
         
Le Manifeste des archéologues vise évidemment à impressionner grâce à un étalage de titres, chaque fois répétés. Comme si le nom seul ne suffisait pas à vous faire exister. Normalien un jour, Normalien toujours ! Mais il faut y regarder d’un peu près. Car un titre ne donne pas automatiquement la compétence, lorsque le sujet qu’on traite touche à une pluralité de domaines étrangers au simple exposé historique aussi bien qu’à la recherche archéologique ; et qui exige des connaissances et une expérience approfondies dans bien des aspects scientifiques et techniques, militaires et civils, dont l’exploitation échappe à la compétence des archéologues, parce qu’ils exigent qu’on regarde l’ensemble des données autrement qu’avec le petit bout de la lorgnette.
         
Aucun des récents auteurs d’ouvrages sur Alésia (Y.Le Bohec, J.-L.Voisin, J.-L.Brunaux, A.Deyber) n‘a signé le Manifeste, quoiqu’ils aient défendu le site bourguignon  avec les mêmes arguments que ses signataires, c’est-à-dire en évitant soigneusement toute discussion portant sur les réalités d’Alise, déclarée une fois pour toutes intouchable par les Grands Maîtres, et que, donc, il est sacrilège de toucher. «Alise est une référence qui ne prête pas à discussion», écrit M.Reddé, p. 123 de son Alésia, l’archéologie face à l’imaginaire, 2002. Il n’y a rien à voir, passez.
         
Seconde constatation qui saute aux yeux : les spécialités des archéologues ne concernent nullement César et son époque. Leur association résulte davantage de solidarité de classe ou de profession que de véritable intérêt pour l’époque républicaine de Rome, pour Alésia ou pour César. Proto-histoire... paléo-environnement… archéologie de l’Antiquité… muséologie… géomati(qu)e… tout cela est fort respectable en soi, mais bien éloigné de la guerre des Gaules et de 52 av. J.-C. J’aimerais bien interroger individuellement les signataires pour leur demander, par exemple, d’expliquer la stratégie du dernier combat…

Mes collaborateurs, choisis précisément parmi les spécialistes de ces «domaines extérieurs et complémentaires», ne sont pas «universitaires», et pour cause. Mais au sujet d’ossements de chevaux exhumés, l’avis d’un vétérinaire, par exemple, est bien plus recevable que celui de muséologues ou de géomaticiens, si respectable puisse-t-il être… Les co-auteurs de la Supercherie dévoilée, 2014, publiée pour rétablir la vérité sur les arguments qui «prouvent» qu’Alise fut Alésia, ont mis, eux, leurs compétences professionnelles au service des recherches techniques sur les points cruciaux du siège d’Alésia, passés sous silence par les archéologues et les historiens d’Alise, quoiqu’ils entrent pour beaucoup dans la compréhension du siège et donc dans sa localisation : questions d’itinéraires, de longueurs d’étapes ; reconstitution des péripéties du siège ; chiffrage des effectifs et des délais indispensables à la réalisation des travaux nécessaires pour encercler Alise ; estimation des mesures et surfaces en fonction des occupants, hommes, animaux, matériels ; conditions de vie : peuplement, hydrologie, pollution, hygiène ; opérations stratégiques ; fonctionnement des engins militaires ; datation des artefacts (monnaies, fibules, amphores), etc.
         
Voilà qui est plus utile à la question Alésia que de dépenser un paragraphe à définir ce qu’est une marche de nuit, ou échafauder de nouvelles théories sur la sédentarisation des chasseurs-cueilleurs  primitifs !

(Michel Reddé et Christian Goudineau), nous dit-on, «sont des agrégés de lettres classiques, formés à l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm, pensionnaires de l’École française de Rome, et des philologues reconnus avant d’être des historiens et des archéologues».
         
L’agrégation de lettres classiques ne confère pas l’infaillibilité même dans la traduction. Lorsque des agrégés traduisent, par exemple, altero die par «le surlendemain» ou in longitudinem par «en largeur» on peut s’inquiéter.

L’argument des appellations et diplômes, acquis par définition en début de carrière, n’en est pas un : seuls doivent compter les ouvrages publiés ensuite, lorsqu’on s’est eu spécialisé dans telle branche de la recherche, voire dans plusieurs. Ainsi procède-t-on sur les formulaires et questionnaires… à l’étranger.

Puisqu’il faut donner dans les vétilles prestigieuses : quoique issue de la filière  «Lettres», j’ai rapidement mis de côté la philologie pure pour m’intéresser à l’histoire et à la civilisation de Rome, et présenter  une thèse de doctorat d’État sur un sujet d’histoire de la religion romaine (1980). Ce titre est supérieur à une simple agrégation, puisqu’il demandait, en son temps, un minimum de dix ou douze ans de recherche avant une soutenance de thèse. Au vu d’une centaine d’études dont la majeure partie porte sur des points controversés ou restés mystérieux de la religion et de l’histoire romaines, je pense passer aux yeux des chercheurs universitaires pour quelqu’un de sérieux. On se doute bien, également, que je ne suis pas le seul chercheur à investiguer sur le problème d’Alésia et sur le texte de César. Avant de me prononcer sur tel ou tel point, j’ai toujours eu soin de soumettre mes textes aux collègues compétents, notamment philologues. Ils sont unanimes.
         
Et nous sommes rejoints tous les jours par des spécialistes en toutes branches, séduits par la pertinence de nos raisonnements, tandis que le grand public (notamment les 1600 personnes qui ont signé le Livre d’or de l’exposition «Et si César avait dit vrai  ?» à Château-Chalon, entre avril et octobre 2016), s’étonne que des doutes puissent encore subsister et que les universitaires nient encore l’évidence. Beaucoup de Bourguignons ont d’ailleurs abandonné l’hypothèse Alise et nous l’ont dit ou écrit. Quant à l’étranger… Je citerai simplement un courrier adressé, d’Oxford, à Michel Wartelle, par le Professeur d’Archéologie européenne Barry W.Cunliffe, le  6 janvier 1995 :
         
« Dear Mr Wartelle,
It was extremely kind of you to take the trouble to write to me about Alisia, and the claim of Chaux-des-Crotenay to be the site of the famous engagement.
I do not know the book to which you are referring, but I will make sure that I obtain it. Your comments were extremely interesting to me. I visited Mont Auxois some years ago with a copy of Caesar’s Gallic Wars in my hand, and I must confess I did not find that the two fitted very well, though I was prepared to accept the general opinion of my French colleagues. I will now try to take the opportunity to re-think the situation inspired by your letter.
Thank you again for your kindness and interest 
(formule de politese illisible) Barry Cunliffe»

« 6 janvier 1995,
 Cher Monsieur Wartelle,
C'était très aimable à vous de prendre la peine de m'écrire à propos d'Alisia, et de la revendication présentée par  Chaux-des-Crotenay : être le site du célèbre engagement.
Je ne connais pas le livre dont vous me parlez, mais je ferai mon possible pour me le procurer. Vos commentaires étaient extrêmement intéressants pour moi. J'ai visité le Mont Auxois il y a quelques années avec un exemplaire de la Guerre des Gaules de César à la main, et je dois avouer que je n'ai pas trouvé de concordances évidentes. Néanmoins, j'étais tout disposé à accepter l'opinion générale de mes collègues français. Je vais maintenant essayer de saisir l'occasion pour repenser la situation inspirée par votre lettre.
Merci encore pour votre gentillesse et votre intérêt : Barry W. Cunliffe. »

         Voilà qui est clair.

         Passons encore une fois à la bienséance. Puisque le nom de Franck Ferrand est associé à celui de Danielle Porte, je me permets d’évoquer en propres termes, pour ceux dont je sais qu’ils s’en régaleront, «les invectives gratuites et insultantes de Franck Ferrand». Lui qui se fait traiter régulièrement d’«historien de pacotille», de «pseudo-historien» ou d’«historien d’occasion», s’est borné à répondre par trois mots éloquents aux épithètes malveillantes que nous avons subies des années durant et dont lui-même bénéficie dans ce Manifeste («F.Ferrand a un DEA d’histoire moderne sur Versailles et se contente de recycler des thèses éculées et complotistes, sans rien apporter de nouveau»). Il a simplement  affecté aux trois auteurs d’ouvrages récents qui ont sévi contre nous sans nous épargner des avanies qui suent une indéniable malveillance [45], les noms des trois Mandarins du Turandot de Puccini. J.-L.Voisin, Y.Le Bohec et J.-L.Brunaux sont donc devenus Ping, Pang et Pong. «Invectives» ? «Gratuites» ? «Insultantes» ? Signe de culture, plutôt. Il n’est pas interdit de préférer l’esprit à l’injure ou à la calomnie. Mais doit-on mettre une note, à l’usage des incultes, chaque fois qu’on recourt à une citation ? Il faut croire. Navrant.

Le Manifeste poursuit dans le dénigrement : «… (de l’absence de toute publication scientifique argumentée), catégorie de publication dont D.Porte et F.Ferrand sont parfaitement incapables»… Ni Franck Ferrand ni Danielle Porte n’ont la prétention de traiter de questions hautement spécialisées, en archéologie tout au moins, tandis qu’est parfaitement de leur ressort une réflexion sur une question d’histoire antique, à rendre accessible aux cerveaux doués d’une vertu indispensable et indépendante du savoir pédantesque : le  simple bon sens.
         
Vulgarisateurs ? Certes. Et sans complexes. Pourquoi refuser au «peuple», uulgus, la connaissance historique, sous une forme qui lui permette de comprendre ce qu’il lit ? Si l’on écrit à l’usage des seuls initiés, que ne garde-t-on ses cogitations pour soi et les siens ! Je constate tout de même, et l’ai dit, que les spécialistes ne jugent pas indigne de leur transcendance les revues d’histoire et d’archéologie «populaires» (qu’on achète et lit souvent uniquement à cause des fort belles photos) dont le succès et la multiplication montrent bien qu’elles intéressent ? Et là, plus de jargon, de sabir, d’hébreu ou de sanscrit scientifiques, preuve que les archéologues descendent parfois de leur piédestal. Qu’ils n’invectivent donc pas leurs homologues qui ont adopté la règle d’écrire simplement.

Le savoir, ces derniers le possèdent, sur la question d’Alésia. Sans atteindre l’érudition inimaginable de Franck Ferrand sur le thème d’Alésia, dont il connaît à la virgule près, sans textes, en langue originale – bien que n’ayant aucun diplôme de Lettres classiques – toutes les sources grecques et latines, ceux qui collaborent aux écrits sur la guerre des Gaules ont creusé dans le détail les points importants et les questions qu’ils posent. Et il suffirait que les signataires aient pris la peine de lire les 517 pages, en tout petits caractères pour le chapitre sur Alise, de mon Alésia, l’imaginaire de l’archéologie, 2010, pour que ce type d’appréciation ne sorte pas de leur plume. Si mes publications ne sont ni scientifiques ni argumentées, que faut-il, alors... Toutes les références y figurent… Et tout un chapitre de la Supercherie dévoilée commente le Rapport de fouilles dans le moindre détail.

«C’est là un florilège rare d’ignorance.»… 
         
En résumé, les archéologues du Manifeste n’ont pas compris que nous ne parlions pas le même langage qu’eux, Franck Ferrand et moi ; que la simplicité de l’expression n’enlevait rien au sérieux de la démonstration ; qu’il était vain, dès lors, de reprocher un langage non universitaire à des ouvrages qui ne voulaient surtout pas l’être. Vain, surtout, de déverser sur nos têtes des torrents d’une érudition complètement inutile sur la géologie dans le Jura, puisqu’elle n’éclaire en rien les structures cultuelles néolithiques ou les vestiges militaires et césariens à décrypter, dont elle nie, au surplus, la simple existence.

Mieux vaudrait, de l’un ou l’autre des signataires, un volume intitulé  Alésia-Alise, 52 av. J.-C. ! Mais là…


Pour conclure sur ce lamentable Manifeste, débordant d’accusations fielleuses et dérisoires, je me bornerai à laisser mes lecteurs juger du haut niveau de son contenu grâce à quelques citations que je rougirais, à la place de leurs auteurs, d’avoir signées :

«On rappellera que la localisation d’Alésia à Chaux-des-Crotenay est une escroquerie intellectuelle fondée sur le mensonge, l’imposture, la manipulation des textes antiques et la falsification des résultats de fouilles archéologiques.»

Comment qualifiera-t-on, en ce cas, la localisation à Alise Sainte-Reine !

Aux yeux de ses défenseurs, elle est le résultat d’une démonstration impeccable : «Nous confirmons d’abord que l’oppidum du mont Auxois à Alise Sainte Reine et le siège militaire du Ier siècle av. J.-C. qui y a été révélé par l’archéologie correspondent bien à la bataille d’Alésia».
et :
«Aucun piège ou élément défensif n’échappe à la description césarienne : c’est essentiellement leur association et leur organisation spatiale qui peuvent varier. Tout ceci est bien évidemment expliqué en détail dans les différentes publications liées aux fouilles de 1991-1997 que D. Porte est censée avoir lues

«Nous confirmons»… sur quelles bases ? Sur quelles découvertes nouvelles qui viendraient sceller la question et les bouches des adversaires ? Rien de nouveau qui puisse réfuter définitivement les objections que soulève toujours le choix du Mont-Auxois. Une «confirmation» aussi bien étayée suscitera difficilement l’adhésion. «Croyez ce que nous disons parce que c’est nous qui le disons». Ou, très récemment, sous la plume de François Sauvadet, dans Côte d’Or Magazine, 14.2.2018 : «Nous sommes le seul site qui a acquis la certitude que nous sommes bien à Alésia, parce que d’autres n’ont pas fait les efforts de valorisation que nous avons faits. Si nous les avons faits justement, c’est que nous sommes sûrs qu’Alésia, c’est là». En termes clairs : Alésia est en Bourgogne parce que la Bourgogne a beaucoup plus dépensé que le Jura pour amener à l’affirmer. Et ces dépenses nous permettent d’affirmer que c’est là». À quoi bon se ruiner pour prouver ce dont on est certain ? Le somptueux Muséoparc peut-il imposer un dogme que les données antiques, la simple raison et les résultats aberrants des fouilles dénoncent dès qu'on prétend en approfondir les racines ? À l’argument d’autorité s’ajoute, à présent, l’argument finances… ce qui veut tout dire.

Bref, c’est un hymne vibrant à la toute-puissance de l’Archéologie qui nous fait atteindre les sommets de l’outrecuidance : «Ce n’est pas le texte latin qui peut éclairer la localisation, mais la localisation qui permet de choisir comment traduire le texte de César.»
         
Prétention ahurissante. Il faudra donc corriger, pour éditer son texte, toutes les distances inter-tours (6 ou 7 différentes), toutes les profondeurs et largeurs des fossés, autant de fois qu’il y a eu de fouilles, sans parler du grand fossé ; descendre le camp Nord dans la plaine ; multiplier la surface de l’oppidum par dix ou douze ; tasser la plaine jusqu’à ce que sa longueur devienne sa largeur ; écarter la ceinture de collines à plus de deux kilomètres etc… Bref, imposer une caricature.

Et instaurer une guerre, bien futile, entre rats de bibliothèque et creuseurs de trous… 

Les trouvailles anachroniques, depuis l’Âge du Bronze jusqu’aux temps mérovingiens, signifient-elles quoi que ce soit pour ce qui concerne un siège de 52 av. J.-C. ? L’extravagance des mesures et des chiffres de toute sorte concernant les fouilles, en face de ceux qu’a écrits celui même qui fit réaliser les travaux, permet-elle cette substitution insoutenable ? Si l’archéologie d’Alise éclaire les écrits de César, ils sont bons à brûler en place publique.  

Laissons le grand chef des Alisiens, M.Reddé, calmer lui-même l’enthousiasme excessif de ses partisans trop zélés : «L’archéologie montre à l’évidence que cette description [= de César] ne correspond, pour l’instant, à aucun des secteurs explorés : les systèmes défensifs romains varient d’une ligne à l’autre, d’un point à l’autre du site, parfois à quelques centaines de mètres de distance. [46]»

            César dirait : «Sans commentaires». 


© Danielle Porte

[1] J’ai fini par comprendre d’où provenait l’incommensurable hargne de ce personnage à mon égard : c’est un  élève d’Olivier de Cazanove, chargé de fouilles à Alise Sainte-Reine. Vrai !... Ce petit ?... Déjà prête-plume !  Se peut-il ?...  On n’est jamais trop jeune pour cajoler sa carrière, voyons !…
[2] En  B.G., VII, 71, 2, répété en VII, 75, 1.
[3] Le chiffre de 11000 donné par le manuscrit α, considéré comme le plus conforme au texte de César par L.-A.Constans, est retenu par tous les éditeurs du B.G., douze, que recense l’édition de K. Jungermann en 1669 ; la version grecque qu’il cite écrit 96  stades pour la contrevallation, 112 pour la circonvallation. Sachant qu’un stade équivaut  à 184 m, la contrevallation mesure, chez ce Grec, 17,664 km et la circonvallation 20,608. 
[4] M.Reddé, article de Ch.Thévenin dans les Dépêches du 7 août 2003
[5] Ce chiffre de 15 km figure p. 141 d’Alésia, A.Berthier, 1990. Entre 15 km et 21/22 km, il existe une petite différence ! On admet une estimation de 15 à 16,2 km, pas davantage.
[6] On remarquera que le calcul, fondé sur les plans alisiens, par addition des segments dessinés, ne révèle que 12 km… Noter aussi le tracé fantaisiste des deux lignes de défense, tantôt exagérément écartées sans raison, tantôt presque jointives (110 m d’écart), ce qui oblige à rejeter les camps à l’extérieur et constitue une pure aberration militaire. Les considérations de reliefs à contourner ne peuvent être invoquées pour les camps de la plaine des Laumes.
[7] B.Gay, dans Alésia, la Supercherie dévoilée, 2014, passim.
[8] Quoniam tantum esset  spatium complexus, nec facile totum opus corona militum cingeretur.
[9] J’emploie ce mot, dénoncé par les Archéologues, car je renonce à comprendre leurs arguties sur l’«ambiguïté» du mot «bord», avec laquelle je suis censée jouer. Ce qui se conçoit bien… Prétendre que des cours d’eau «baignent le pied» d’une colline à… 300 m de distance est une affirmation éhontée.
[10] Même récit, mais avec distribution correcte de Gergovie et d’Alésia chez  Strabon, IV, 7. Son texte a-t-il été utilisé par Florus, et ce dernier, ou un copiste, a-t-il commis un «bourdon» sur quelques mots de son modèle ?
[11] Et encore ! Cette identification est bancale, puisque Fain n’est pas située dans une plaine ; cf étude de toutes les «plaines» envisageables et trop éloignées du site par F.Chambon (Supercherie dévoilée, 2014).  J.-L.Brunaux tranche le nœud gordien en ne se posant pas la question de l’itinéraire parcouru entre le combat de cavalerie et le site du siège : il se déroule bien à 15 km d’Alise, mais où ?... Bonne question ; mais sans réponse… pour cause.  J.-L.Brunaux,  27 septembre 52 avant j-.C., Alésia, 2012, p. 67.
[12] Suggestion de G.Lopez.
[13] Alésia… imaginaire, 2003, p. 44 & 46.
[14] C.Grapin , l’Alésia de César au regard de l’archéologie, dans l’Archeothema, 22.6, 2012, 45-51, p. 51.
[15] P. ex. R.Goguey, cf. n. 33.
[16]  C.Grapin , dans Archeologia, h.s. 14, 2012, p. 22.
[17] P. ex. dans le Figaro Histoire, 9, 2012, p. 62 ; le Monde, Histoire et civilisations, 12, 2015, p. 32-33.  
[18] § 83 : Erat a septentrionibus collis […] Haec Gaius Antistius Reginus et Gaius Caninius Rebilus legati cum duabus legionibus obtinebant. Maxime ad superiores munitiones laboratur, quo Vercassivellaunum missum demonstravimus. § 86 : Caesar Labienum cum cohortibus sex subsidio laborantibus mittit ; § 87 : eo quo Labienum miserat contendit; cohortes quattuor ex proximo castello deducit. Tout se passe au Nord.
[19] Étude critique chiffre à chiffre dans Alésia, la Supercherie dévoilée, 2014, p. 41 à  80. Tous les chiffres examinés proviennent des ouvrages de J.Le Gall, M.Reddé, M.Mangin et du Rapport de fouilles (M.Reddé  et S.von Schnurbein). M’accuser de manipuler ou d’inventer les chiffres revient donc à mettre en doute leurs augustes écrits.
[20] Déjà M.Reddé, dans sa communication à l’Académie,  2.4.1993, 281-320, p   311.
[21]  Rapport de fouilles, p. 86.
[22] Si on estime le poids d’un potin gaulois, p. ex., entre 4 et 5 g, notre guerrier aurait transporté sur lui 3,775 kg parfaitement inutiles dans un combat, et même exposés à tous les dangers !
[23] L.Olivier, l’Archéologie du siège d’Alésia, dans l’Archéothema 22, 2012,  52-59, p. 59. L’idée apparaît d’abord sous la plume de J.Le Gall.  
[24] Op. cit. supra, p. 313.
[25] C.Grapin, op. cit. (l’Archéothéma).
[26] Est-il utile qu’un pays soit unifié pour qu’il reconnaisse une métropole religieuse ? Qui dit métropole suggère aussitôt un  éclatement de divers peuples issus d’elle, loin de toute unification politique. Le Vatican n’est-il pas une métropole religieuse pour bien des peuples d’Europe, pourtant éloignés de l’Italie ?
[27] Hapasès tès Keltikès Hestian kai mètropolin (Ἁπάσης τῆς Κελτικῆς στίαν καὶ μητρόπολιν.)
[28] J.Le Gall, Alésia, textes littéraires antiques, Paris, 1980 (1973), p. 56.
[29] Alésia, la bataille décisive, dans le Nouvel Observateur h.s. 78, 2011, 50-52,
[30] Remarquons que, une fois de plus, tout se passe dans la plaine : cette «bataille livrée héroïquement» sur les lignes extérieures n’est pas celle du gros de l’armée de secours, qui n’eut rien d’héroïque puisqu’elle ne combattit pas, mais l’expédition de Vercassivellaun, dont l’auteur ne connaît décidément pas l’existence !
[31]  Justin, Hist. Phil., 43, 5, 11-12.
[32] Fabienne Creuzenet, Cherche Gaulois désespérément, dans Historia, 77, 2002. Même nombre dans le Manifeste de 2017. Seize ans après, les cherche-t-elle toujours ?
[33] Vingt ans d’archéologie aérienne, de la Bourgogne à l’Alsace, dans Archeologia, 132, 1979, 71-82, p. 74.
[34] Ce qui donne, pour 10 à 12 légions autour d’Alésia, 60000 à 72000 guerriers, et non «40000 à 45000 » comme le veulent L.Olivier, op. cit., p. 57, et les études actuelles. Non. Une légion époque César compte 6000 hommes, aucune hésitation. Il suffit de fonder la multiplication sur le bon chiffre… 
[35] Alésia, l’Archéologie… imaginaire, p. 148.
[36] Celles des druides, auxquels sont consacrés les § 13 et 14 du livre V.
[37] Il le dit en propres termes au § 29 du livre VII, lorsqu’il dévoile ses intentions : «Il fera en sorte de rallier celles des cités qui ne s’associent pas aux projets du reste de la Gaule, et fondra en une seule les volontés de l’ensemble de la Gaule, unanimité à laquelle même le monde entier ne  soit pas en mesure de faire face.»
[38] Parmi de nombreuses expressions, la plus expéditive se trouve dans Il était une fois la Gaule, dans le Nouvel Observateur, 4-10.8.2005 ; aussi : la Gaule n’a jamais existé, dans Historia, 77, 2002, 74-75.
[39] Dans les Origines ; cité par Varron, R.Rust., I, 2.
[40] On traduirait volontiers par «lâchage», la coalition des peuples auparavant amis et alliés de Rome étant considérée comme une traîtrise.
[41] VII, 63, lors du concilium de Bibracte. Les troupes de l’armée de secours qui auraient dû compléter l’attaque des Gaulois sur deux fronts (oppidum et camp Nord) sont restées dans leurs camps (Fit protinus hac re audita ex castris Gallorum fuga.)
[42] Comment on devient César, dans le Figaro Histoire, 3, août-sept. 2012, 48-51, p. 50.
[43] Dans le Grand secret des pierres sacrées, Monaco, 1992. Aussi : Dictionnaire des symboles fondamentaux, éd. du Rocher, 2000 ; la Pierre, Pardès, 2004 ; B.A.BA des Mégalithes, Pardès, 2000.
[44] Hormis quelques belles pages de Science et Inexpliqué, 16, 2010, dues à Bernard Alain-Jean,  La Vérité sur Alésia.
[45] Pour Turandot : Figarovox, 30.5.2014 ; voir ce blog «À chacun sa vérité».

Nos Mandarins :
Entre diverses perfidies pour le moins déplacées, dont un portrait du contestataire-jurassien-type, qu’on pourrait appliquer trait pour trait à l’Alisien moyen (!) des appréciations fielleuses de J.-L.Voisin : «Avoir chez soi la première page de l’histoire de France est un privilège qui rapporte gros.» Pour l’instant, c’est surtout le Muséoparc alisien qui rapporte, le site jurassien ne bénéficiant d’aucun soutien régional financier ou autre, ni, Dieu merci ! de structures touristiques. «Aussi, les élus ne se privent pas de soutenir des initiatives et des revendications locales qui ne reposent archéologiquement sur rien, mais qui pourraient transformer un site inconnu en un « lieu de mémoire ». On ne sait jamais, des curieux peuvent se déplacer» (p. 164). On voit bien que J.-L.Voisin ignore tout de l’Alésia jurassienne, même et surtout dans le Jura ; «L’insolite et le farfelu plaisent. Surtout quand il est local», p. 163. Je rappelle que les collaborateurs et successeurs d’André Berthier ne sont pas Jurassiens : chronologiquement, lui-même de Beaumont-sur-Oise, André Wartelle de Saintes, Jacques Berger de Toulon, Jean-Pierre Picot de Montpellier, Danielle Porte de Grenoble, Bernard Gay de Lille, Franck Ferrand de Poitiers, François Chambon de Lyon ; les miens : Guillaume Lopez d’Angers, Pierre-Jean Bardin de Cortambert (Bourgogne), Maryse Hugon de Dijon, Éric de Vaulx de Beignon (Bretagne), Régis Sébillotte de Chassagne-Montrachet. Enfin ! deux Jurassiens, Jacques Blondeau et Xavier Griffond. Et je ne compte que les têtes capables de raisonner et d’écrire sur la question…
Pour Yann Le Bohec, même ignorance et mêmes appréciations : «La découverte ne déplut point aux habitants de la région et l’on vit fleurir au long des routes des établissements appelés «auberges de Vercingétorix», «hôtel de César», sans préjudice d’autres maisons accueillantes où Astérix et Obélix furent appelés à la rescousse » p. 100. Tout cela est pure imagination galopante, hormis Astérix et Obélix qui ornent une boîte à lettres du Vaudioux, et encore, vue sur un documentaire !  Et les deux compères de se réunir dans la même condamnation : «La localisation d’Alésia est un problème mort depuis des décennies, et il n’intéresse plus que quelques auteurs, selon Y. Le Bohec, 2009, p. 192. Les controverses appartiennent désormais à un chapitre folklorique de l’historiographie» p. 55, n. 3 du livre de J.-L.Voisin. Et pourtant, les deux auteurs et J.-L.Brunaux ont sorti trois livres sur la question en 2012… S’acharner à traiter une question «résolue» prouve justement qu’elle ne l’est pas ! Sinon, on s’épargnerait encre et plume : à quoi bon écrire sur un cadavre ?
[46] M.Reddé, Rapport de fouilles, p. 125. Comme rien d’extraordinaire n’a été découvert depuis la publication de 2000 puis celle de 2003, ce «pour l’instant» peut être corrigé en : «définitivement».






                                                 le Quénot, redoutable obstacle militaire
                                                                                                                    (ph. jacques Blondeau)