la Colline inspirée

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dimanche 21 août 2016

Rodrigue, qui l'eût cru...


Rodrigue, qui l'eût cru...


… que notre humble et simple exposition sur la thèse Berthier fût destinée à déclencher cataclysmes et déluges ?

Il est vrai qu’elle intéresse, et c’était bien le but recherché. Qu’elle intéresse même puissamment, si j’en crois les réactions aux quatre ou cinq présentations que j’en ai faites, au terme desquelles les auditeurs, debout durant plus de deux heures, posèrent tous la même question un peu effarée : «Mais comment peut-on être assez aveugle pour refuser pareille évidence ?» C’est bien la question que nous nous posons tous !

Je lui ai apporté, ici et ailleurs, quelques réponses : les intérêts économiques d’une région en mauvaise passe et qu’il fallait remettre en selle… les intérêts politiques et la difficulté d’assumer les cinq ou six dizaines de millions qu’a coûtés aux Bourguignons leur beau et ruineux Muséoparc… le séisme que risquait d’entraîner pour l’archéologie et l’histoire un changement de datation, contraignant à réécrire tous les livres concernant l’Antiquité romaine de la République et à revoir la datation de tous les artefacts européens ressemblant à ceux d’Alise sainte-Reine, estampillés jusque-là : «type Alésia, donc 52 av. J.-C.».

Mais le plus grand mystère demeure à mes yeux l’attitude des historiens, des latinistes, bref, des intellectuels de tout poil qui sont censés, eux, pouvoir rassembler un dossier et en examiner les pièces, apprécier les éléments d’une démonstration, exercer leur intelligence et solliciter leur bon sens pour comprendre, comparer et, seulement alors, juger. Qu’ils ne tranchent pas, soit ! on ne le leur demande pas au terme d’un simple effleurement de la question. Mais au moins, qu’ils s’informent ! qu’ils consentent à lire ce que d’autres écrivent ! qu’ils cessent de jouer les autruches ! qu’ils fassent, enfin, un travail d’universitaires !

Pour n’importe quel sujet de mémoire ou de thèse, en effet, le B.A.BA du travail consiste à rassembler une documentation, à prendre des notes sur différents aspects de la question, et surtout à comparer les hypothèses : il me souvient d’avoir décortiqué 92 articles traitant des Argées chez Ovide, après avoir subi une cruelle leçon : mon directeur de thèse me rendit en effet la dizaine de feuilles sur lesquelles j’avais consigné mes idées sur la question, avec un commentaire gentiment ironique : «Bravo !... vous avez fait du Wissowa !» Je n’eus plus qu’à les déchirer et à me pencher sur les écrits des autres avant de bâtir les miens. Génial, oui, Wissowa et sa théorie des Argées, mais il l’avait été avant moi !

Donc, on doit compiler pour comparer, et ensuite, seulement, formuler un jugement sur la question, en histoire surtout. Mais… sauf pour Alésia. On s’en tient, sur ce sujet maudit, à la pensée unique, celle d’une «Communauté Scientifique» sans constitution réelle, composée des seuls chercheurs partisans d’Alise. Il existe bien, il existe forcément, une autre communauté, celle des opposants à Alise. Mais celle-là, n’étant pas «officielle», n’existe pas.

Or, la conviction des Alisiens ne respecte pas les normes du travail universitaire : on affirme, sans avoir consulté les écrits adverses, on ignore toutes les objections faites à la thèse qu’on soutient, on va jusqu’à soupçonner les sources antiques de tricherie et de mensonge, sans se priver soi-même de gauchir les traductions, pire, de modifier les textes. Et, bien sûr, on omet ce qui dérange : la plaine de 3000 pas en longueur enfilée entre des collines ; toutes les péripéties du combat préliminaire et la description de son  emplacement avec sa distance au site du siège ; la remontée de César chez les Lingons et le combat situé «en Séquanie» par Dion ; la métropole religieuse et la «très grande ville» qu’évoque Diodore ; les remparts de Plutarque…  Bref, on travaille au sécateur ! On se fait son petit corpus de textes après avoir soigneusement expurgé la véritable liste des éléments probants et déformé les traditions manuscrites. Et c’est ce travail de charcutage et d’ajustements tendancieux que des universitaires s’entendent pour cautionner !

Quant aux archéologues, c’est plus déplorable encore. Ont-ils vraiment pris connaissance des résultats précis des fouilles ? Sûrement pas. J’en publierai la liste d’ici-peu, afin qu’on juge en connaissance de cause les fameuses «preuves indubitables» que les fouilles d’Alise ont permis d’établir. Je les ai tous relevés dans le livre de vulgarisation de Michel Reddé (Alésia, l’archéologie face à l’imaginaire), mais aussi dans l’énorme Rapport de fouilles du même M. Reddé et de S. von Schnurbein. Nous avons examiné tous ces éléments dans notre Supercherie dévoilée, qu’aucun Alisien, à coup sûr, ne s’est donné la peine d’ouvrir. S’ils l’avaient ouverte, ils n’oseraient plus cautionner les fossés de 30 cm, les camps de 35 ares et même ceux de 7,9 hectares, le bas pris pour le haut et la largeur pour la longueur, les monnaies neuves usées, les amphores et les fibules hors-contexte, les fossés baladeurs, les pièges capricieux, les distances aberrantes, les retranchements perdus dans la nature, les 9 km de fortifications inutiles… tous détails – et il en est combien d’autres ! – qui plombent le dossier « Alise » au lieu de l’étayer.

C’est si facile de se prévaloir du Rapport de fouilles, en s’abritant derrière le nom de Michel Reddé ! Mais l’a-t-on ouvert ? Non. Si on l’avait étudié, on se serait vite aperçu qu’en conclusion des exposés savants et des travaux minutieusement décrits, on tombait régulièrement sur une phrase du type : «tel élément ne suffit pas à prouver Alésia»…  sans qu’on remette en cause pour autant la formule magique Alésia = Alise. Un seul exemple : la grande épée gauloise, qui est reconnue appartenir à la Tène II (c’est-à-dire dater de 320 à 260 av. J.-C.), mais dont on écrit que le rapport établi lors de sa découverte «montre indiscutablement que cette arme a bien servi pendant les combats de 52[1]», ce qui n’empêche que, p. 148-150, elle est «trop ancienne» pour faire partie du reste du mobilier découvert à «Alésia»… Et toutes les analyses sont de la même facture ! On ne s’étonnera donc pas de lire  que le dossier napoléonien qui, en 1993, devait être «très sérieusement contrôlé point par point», est, en 2001, «parfaitement fiable dans ses grandes lignes[2]». Cela, après des centaines de pages qui ont démontré, chacune, que le bât blessait de partout.

Dans cette coupable innocence, les Alisiens ont réagi aux copieux articles de Presse[3] qui ont salué tant l’exposition de Château-Chalon que la conférence de Franck Ferrand à Baume-les-Messieurs, suivie par plus de 420 auditeurs. Réagi de la façon la plus condamnable qui soit. Donné corps, sans s’en douter, à cette «théorie du complot» qu’on nous accuse immanquablement de «brandir». Ils ont donc osé adresser à toutes les instances départementales et régionales, toutes les Autorités, tous les organismes détenteurs de fonds publics et, pour que nul n’en ignore, à de nombreux journaux, un manifeste à la fois sommant et implorant ceux qui en disposent de… ne pas gaspiller les fonds publics en les consacrant à un site sans intérêt archéologique, pour les réserver à ces nobles chercheurs qui ont passé des examens et des concours, qui dirigent des laboratoires, élaborent des projets, encadrent des étudiants, dirigent des thèses, toute la lyre.

Mais croient-ils vraiment que les défenseurs de la thèse jurassienne sont les premiers venus ? qu’ils n’ont pas, eux aussi, passé examens et concours, dirigé des travaux, et même publié des livres, ce que n’ont pas fait les Alisiens, incapables de discuter de leur thèse parce que, précisément, ils ne consentent pas à en connaître les faiblesses faute d’avoir lu les écrits adverses ? Croient-ils qu’on devient expert de la recherche aéro-spatiale, par exemple, qu’on conçoit l’habitacle de la fusée Ariane, qu’on obtient le contrôle de tous les vecteurs aériens français ou qu’on place le pont Raymond Barre sur le Rhône en claquant simplement des doigts ?

Car la question d’Alésia est, parmi toutes et avant tout, une question pluridisciplinaire. Il faut faire concourir tous les savoirs et conjuguer toutes les compétences : d’abord les données textuelles, si l’on veut savoir ce que l’on cherche, en évitant d’adapter César au terrain qu’on a prédéfini en fonction de trouvailles archéologiques anciennes ; puis des compétences complémentaires et indispensables : historiques, destinées à délimiter un contexte et expulser les anachronismes ; géographiques pour tracer un cadre et cartographiques pour l’exprimer concrètement ; militaires évidemment, avec notions de polémologie antique ; architecturales, hydrauliciennes, pour vérifier les vestiges apparents et les inclure dans le tableau ou les en exclure. Enfin, seulement, vient l’archéologie, qui mettra au jour les structures cachées et les artefacts témoins de l’événement qu’on recherche ou adventices et hors chronologie. En cas d’impossibilité de fouilles, comme c’est le cas pour l’Alésia jurassienne, le recours à l’archéologie non intrusive et aux révélations dues aux procédés modernes : Lidar, magnétométrie, géoradar, qui demandent des techniciens hautement spécialisés. Enfin, l’archéologie. Elle a son mot à dire, mais pas tout de suite, pas à l’aveuglette, pas sans contrôle. Et ne devrait pas ignorer superbement, comme c’est le cas, les autres disciplines. Ni faire bon marché des textes s’ils contrarient ses trouvailles. C’est là scier sa branche, et même son tronc, au ras du sol et plus profond encore.

 Et puis, couronnant le tout, l’exercice du bon sens, apanage de tout un chacun ou qui devrait l’être, et supplante tous les savoirs : s’apercevoir, par exemple, qu’on ne peut faire tenir sur 97 hectares 95000 guerriers dont 15000 chevaux et la population d’une «très grande ville» avec ses bâtiments, ses troupeaux et leurs pâturages, outre ceux, nombreux, que les Mandubiens avaient réunis en prévision du siège, les champs de blé, les  lieux sacrés…  ; se demander pourquoi César écrit que les Gaulois «escaladent les pentes» puisque le camp Nord alisien est au pied du Réa…

Dès lors, intervient l’esprit critique. Mais surtout pas d’esprit critique dans la communauté des Alisiens ! Leur seule conviction tient en huit mots, que tous répètent comme un seul homme sans avoir ouvert le dossier : «Alésia ne peut être qu’Alise sainte-Reine.» Leur credo ne s’appuie sur aucune étude scientifique ni sur aucune observation de simple bon sens. Ils croient, avec la foi du charbonnier.

Mais ce qui sied au charbonnier n’est pas compatible avec un travail universitaire, qui exige, lui, discussion, donc réflexion, donc connaissance. «Les fouilles ont démontré que…», l’éternelle antienne, n’est pas la conclusion d’une recherche scientifique, puisque aucun des articles de foi alisiens n’est jamais contrôlé. Refus de répondre à nos questions,  dérobades  lors des propositions de colloques et de débats… D’ivoire ou de papier, leur tour ne craint rien, tant qu’ils refusent le combat.

Ne pouvant argumenter, donc, ils essaient d’intimider et d’impressionner. Vingt archéologues bisontins, ont co-signé ce manifeste, tous hautement titrés, en des laboratoires aux noms plus prestigieux et plus abscons les uns que les autres : paléoenvironnement…  archéologie spatiale et géomatique… chrono-environnement… En guise de bibliographie : quatre ouvrages, deux de M. Reddé et deux de Ch. Goudineau. Oui, vraiment, la Pensée Unique, ses pompes et ses œuvres.

Leur texte est long, verbeux, fourmillant de détails inutiles et risque fort de tomber des mains de ses destinataires. Je l’ai relégué en annexe. On dirait volontiers ; Avocat, ah ! passons au Déluge ! Il affirme, il dénigre, il insulte mais il ne prouve rien. Dans l’ignorance où sont ses auteurs des réalités jurassiennes, ils confondent statuaire gauloise et orthostates proto- voire préhistoriques, ils s’imaginent que nos murs cyclopéens sont bel et bien les «murets agricoles» que M. Reddé prétend, dans un film, avoir vus chez nous et, de ce fait, affirment que ces murs «manifestent avec éclat (mon) ignorance». Qu’on me donne le gabarit des paysans jurassiens qui manièrent ces blocs, simplement pour délimiter leurs prairies !

                   


  et, pour donner l’échelle, ce mur visité par Franck Ferrand, qui, lui,
  est venu, a vu et, si Dieu le veut, vaincra :

                     


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Puisqu’on faisait jouer les titres, je soumis à mes collègues de Paris IV-Sorbonne le texte bisontin, sans leur demander leur sentiment sur la localisation d’Alésia, mais simplement sur l’élégance du procédé. Les réponses furent unanimes à le condamner. «Inadmissible»… «inacceptable»… «bêtise incommensurable»… «absurdité totale»… «scandaleux»… «franchement comique tellement il constitue une caricature de l’argument d’autorité»… «les jugements d'autorité et plus encore les tentatives d'intimidation sont inacceptables»… «C’est dans leur nature à ces directeurs du CNRS de faire taire toutes thèses contraires aux leurs»… «l'honnêteté intellectuelle n'est pas la qualité la plus enseignée dans les universités». Et, en plus vigoureux : «un ramassis d’abrutis qui commencent à sentir le roussi»… Je ne donne pas les noms, de peur de déclencher une seconde guerre de Troie entre archéologues et latinistes-historiens, mais je puis attester de leur qualité. D’ailleurs, ils ont tous écrit directement leur façon de penser au collectif d’archéologues.

Parmi les causes de cette agressivité mal étouffée et toujours renaissante, semperuirens auraient dit nos ancêtres, n’y aurait-il pas une sorte de paresse intellectuelle ? Revenir sur la chose jugée… quelle fatigue et quel ennui !

Cela ne date pas d’hier :
«Que ne pouvons-nous voir ce qui se passe dans l'esprit des hommes lorsqu'ils choisissent une opinion! Je suis sûr que si cela était nous réduirions le suffrage d'une infinité de gens à l'autorité de deux ou trois personnes qui, ayant débité une doctrine que l'on supposait qu'ils avaient examinée à fond, l'ont persuadée à plusieurs autres par le préjugé de leur mérite, et ceux-ci à plusieurs autres qui ont trouvé mieux leur compte, pour leur paresse naturelle, à croire tout d'un coup ce qu'on leur disait qu'à l'examiner soigneusement».

Il a déjà tout compris, Pierre Bayle, dans ses Pensées sur la comète, en 1680[4]…  Elle a tout compris aussi, l’agrégée de grammaire Ève-Marie Halba, dans un texte ineffable et délicieux envoyé par un archiviste néerlandais :

«BASSE COUR UNIVERSITAIRE
Le monde universitaire est peu médiatisé. Son mode de vie est pourtant digne d'intérêt : poussin, poulet et coq doivent suivre des règles immuables pour la survie de l'espèce.
Le poussin doit choisir la cour d'un coq de renom (le professeur en titre) qui orientera sa formation de poulet et son ascension professionnelle. En échange, notre poussin sera d'un total dévouement et d'une parfaite docilité.
Un bon coq sait se faire craindre des autres cours : il étourdit de ses chants tous les conseils et commissions pour faire admettre son favori. Il obtient que, lorsque le "poulet" soutient sa thèse, il soit nommé dans la basse-cour "maître de conférence".
Le pouvoir du vieux coq ne s'éteint qu'à la fin de sa carrière : c'est pourquoi il la prolonge jusqu'au dernier moment et tente jusqu'à cette date fatidique de régner sans partage. La basse-cour se prépare alors à se disputer le trône : le digne héritier répètera le système à l'envi.
L'université est-elle condamnée au clientélisme ? En matière de clonage, la génétique a émis des lois de bioéthique, quelles sont celles de l'université ?»

Oserait-on écrire que «les volailles se serrent les coudes ?» Ce serait peut-être une des clefs de l’acharnement que montrent les archéologues et certains universitaires contre la thèse Berthier, soutenue par des électrons libres ou des francs-tireurs ; ou des chercheurs marginaux qui, venus dans le sérail sans y être nés, en ont compris le système et s’en sont vite écartés. Nourri dans le sérail, j’en connais les détours… Toujours d’actualité, Racine !

S’unissent donc pour la défense et illustration d’Alise, des intérêts foncièrement opposés : les honneurs et l’argent. Ou plutôt, les universitaires, à cause de leur prestige, sont embauchés au service du tourisme.

Car, me l’écrit un collègue de la Sorbonne, étruscologue, d’autres localisations ont été contestées sans soulever la rage de ceux qui avaient adopté l’emplacement officiel :
«J'avoue ne pas comprendre l'âpreté de cette polémique ; il y en a toujours eu en archéologie (mon maitre R. Bloch a longtemps soutenu que la Volsinies étrusque était à Bolsena, alors que l'on admet aujourd'hui qu'elle était à Orvieto = Vrbs Vetus. Bolsena, qui a récupéré le nom, étant la ville romaine, aprés défaite et déportation des habitamts ; mais il n'a jamais étè vilipendé comme vous l'êtes, toi et tes amis). Est-ce parce qu'il y a des crédits importants en jeu ?»

Question, bien sûr, cruciale, celle des subventions et des flots d’argent que draine, en dépenses comme en recettes, le Muséoparc. Mais elle devrait intéresser plutôt les économistes, les responsables financiers et politiques. Pour les universitaires, je m’interroge moi-même, estimant, bien naïvement sans doute, qu’ils doivent et se doivent d’être sourds au «bruit de l’ardent métal», comme chante Méphisto dans Faust. Je préfère chercher la clef de leurs songes dans l’obsession de la carrière. On ne va pas contre les maîtres à qui l’on doit tout, on se tient coi, même si l’on est persuadé qu’Alise n’est pas Alésia (je pourrais citer au moins cinq noms de hauts responsables qui l’ont avoué sous le sceau du secret, tout en menant les révoltes des Alisiens, ou l’ont dit un peu trop haut près d’oreilles amies) et l’on courbe le dos, fût-ce avec mauvaise conscience.

Oui, d’autres controverses agitent, ailleurs, les questions de lieu. Qu’on songe, me souffle notre architecte-polémologue-interprète-Lidar, à la bataille célèbre de Teutobourg, en 9 ap. J-C., qui vit l’anéantissement des trois légions de Quintilius Varus, motiva la douloureuse colère d’Auguste et entraîna, selon moi, l’exil d’Ovide. Sept cents localités s’en disputaient la gloire, jusqu’au moment où l’emplacement officieux, qui réunissait tous les critères, supplanta l’officiel et connut l’honneur d’être inauguré par la Chancelière en personne. En Allemagne, apparemment, l’on peut s’exprimer sans que la controverse dégénère en lutte au couteau.

Et surtout, sans qu’on prétende lutter en ôtant son couteau à son adversaire.

Comme l’écrit Colette Bérard : «Dans le naufrage du Titanic, les musiciens en tenue continuaient de jouer.  Ce qui avait quand-même plus d'allure.»

***   
À propos de guerre, ou des synonymes qu’admet le mot, notre exposition et sa conférence eurent un résultat plus positif, que l’affaire du manifeste, relayé par la Presse, a relégué au second plan : le DÉBAT !

Oui, on ne rêve pas : le dé-bat. Le dé-bat attendu, souhaité, de plus en plus frénétiquement, depuis quarante années…

Il nous fut offert, le surlendemain de la conférence, par un cartel qu’adressait M. François Sauvadet, ex-ministre, grand partisan d’Alise, à Franck Ferrand : un débat ouvert, public, en présence d’archéologues et d’historiens… En-fin Sisyphe allait pouvoir laisser son rocher… et s’ennuyer ferme, dès l’instant où il n’aurait plus à le pousser. Mais ne boudons pas notre plaisir !


C’est le Bien Public qui se fit messager de l’événement :
         «Dijon, le 17 mai 2016
         Communiqué de presse de François SAUVADET
Invitation à M. Franck FERRAND de venir visiter et débattre au MuséoParc Alésia
Suite aux remarques tenues ce week-end par le journaliste Franck FERRAND sur le MuséoParc Alésia, François SAUVADET, ancien Ministre, Député de la Côte-d’Or et Président du Conseil Départemental a tenu à le convier à venir débattre sur le site du MuséoParc, à Alise-Sainte-Reine.
Comme il lui en avait fait la proposition en 2016 lors de l'ouverture du site, François Sauvadet a adressé, ce jour, un courrier à Franck Ferrand, afin de lui proposer un débat public ouvert sur la localisation du site de la bataille d'Alésia.
Cet échange se fera en présence d'archéologues et d'historiens qui seront invités à venir échanger sur ce sujet qui fait partie du mythe d'Alésia. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle une partie de la scénographie du Centre d'Interprétation lui est consacrée.
(...)
Une invitation à laquelle le journaliste a répondu dans la journée sur son compte Twitter : "François Sauvadet me propose un débat ouvert au Muséoparc Alésia ; mieux vaut tard que jamais. J'accepte donc avec joie."

Ce sera donc un duel en forme qui réglera, espérons-le, la question d'Alésia.
Mais l'hydre à vingt têtes visibles et cent autres cachées se tortillera très probablement de toutes ses écailles. En prolongeant ainsi pour nous les affres et les délices de la recherche et du combat.

Nous devrons donc modifier quelque peu notre leit-motiv habituel, "Avec Alésia on ne s'ennuie pas"... en : "Même morte au combat, Alise est toujours là" !

Mais nous aurons eu enfin la parole, et c'est là l'essentiel.

© Danielle Porte
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Texte du manifeste adressé, le 31 juillet 2016, «par courrier postal à tous les élus du Conseil Général du Jura, les élus directement concernés du Conseil Régional Bourgogne Franche-Comté, les maires des communes jurassiennes concernées (Chaux-des-Crotenay, Champagnole, Equevillon, Saint-Germain-en-Montagne, Salins-les-Bains), le directeur de la DDT du Jura… Nous pensons contacter d'autres médias».

Alésia n’est pas dans le Jura…. 
En 1855, Alphonse Delacroix émit l’hypothèse que la bataille d’Alésia s’était déroulée autour du village d’Alaise (25). Il y consacra une grande partie de sa vie, effectua de nombreuses fouilles qui révélèrent un habitat fortifié et plusieurs nécropoles… datant du premier âge du Fer (entre environ 600 et 450 avant notre ère). Quoique les plus fervents défenseurs de cette thèse aient reconnu leur erreur, le plaidoyer en faveur d’Alaise reprit de plus belle en 1922, attisé par Georges Colomb (plus connu sous le pseudonyme de Christophe, le père de la Famille Fenouillard et du Sapeur Camember) : elle tombe alors dans le domaine de la polémique folklorique. Finalement, des fouilles effectuées à Alaise de 1952 à 1954 et publiées dans la Revue Archéologique de l’Est confirmèrent l’indéniable intérêt protohistorique (âges du Bronze et du Fer) du site, mais l’absence d’occupation de l’époque gauloise. Alaise ne pouvait donc pas être Alésia. 
Il y a une vingtaine d’années, la traversée de la ville de Salins-les-Bains permettait encore d’apercevoir quelques slogans affichés sur les vitrines : "Salins = Alésia". Comme la précédente - et comme les nombreuses autres - cette théorie était portée par quelques érudits locaux qui fondaient leur raisonnement sur une interprétation du texte de César La Guerre des Gaules, et notamment sur les descriptions topographiques qui s’y trouvaient. De plus, les sites archéologiques exceptionnels proches de Salins, comme les nécropoles de la Forêt des Moidons et le camp de Château-sur-Salins, soulignaient encore pour ces érudits l’importance des lieux. Or, les travaux anciens et plus récents sur ces sites ont montré très clairement qu’ils datent de l’âge du Bronze et surtout du début de l’âge du Fer, mais aussi du Moyen Âge pour Château-sur-Salins. En dépit de recherches assidues et approfondies sur ce secteur, les témoins d’occupation de l’époque gauloise y restent timides et contredisent l’hypothèse ancienne Salins/Alésia. Aujourd’hui, les slogans ont disparu et cette théorie semble, elle aussi, abandonnée. 
Se fondant sur des arguments tour à tour historiques, géographiques, philologiques, toponymiques ou politiques, plus d’une vingtaine de sites concurrents ont ainsi été proposés, avec comme point commun l’absence de dossier archéologique un tant soit peu tangible. Outre les deux exemples décrits, on peut ajouter : Guillon (89), Eternoz (25), Mandeure (25), Novalaise (73), Authezat (63), Izernore (01), Alès (30)…, et bien sûr aujourd’hui Chaux-des-Crotenay (39). Une multitude de concurrents, soutenus par des érudits locaux, des associations, des collectivités locales, des élus… qui trouvaient parfois des appuis universitaires et médiatiques. Comme Alaise et Salins, ces localisations d’Alésia disparaissent ou apparaissent au gré du charisme et de l’opiniâtreté des personnalités qui les défendent. 
Aujourd’hui, l’ensemble des archéologues français et étrangers considère que tout concourt pour faire des vestiges datés du milieu du Ier siècle avant notre ère, découverts à Alise-Sainte-Reine (21) et dans ses environs, les preuves indiscutables que ces lieux ont été le siège de la bataille d’Alésia relatée par César dans La Guerre des Gaules. 
Depuis l’époque antique et médiévale, Alise-Sainte-Reine est connue pour être le siège de cette célèbre bataille. Des textes du haut Moyen Âge confirment que l’agglomération d’Alise se nommait alors Alésia. C’est le cas de la vita sancti Germani, écrite vers 480 par Constance de Lyon, qui évoque un premier voyage de Germain, qui se déroule vers 430 : il emprunte un trajet d’Auxerre à Alésia (“in alesiensi loco”), puis la Saône en direction de Lyon et Arles. Au cours d’un second voyage qui a lieu en 448, Germain part d’Auxerre, passe à Alésia, puis sur le territoire d’Autun ; il traverse des cités gauloises non précisées avant de franchir les Alpes, passer par Milan et atteindre Ravenne. Au IXe siècle, Hoeric d’Auxerre signale encore l’antique renommée de la ville "célèbre par le siège qu’y fit César". Les érudits de la Renaissance défendent encore cette idée. En 1760, soit un siècle avant le début de la polémique, une inscription sur pierre en langue gauloise est découverte à Alise-Sainte-Reine. Sa traduction donne : "Martialis, fils de Dannotalis, a donné cette crypte (?) pour Ucuetis, avec (ou / et pour) les forgerons qui façonnent [la statue d’] Ucuetis à Alisiia". Le fait que la ville antique d’Alise-Sainte-Reine s’appelait à cette époque « Alésia » n’est donc pas discutable. 
L’intérêt du site archéologique d’Alise-Sainte-Reine a conduit, en 1990, plusieurs universités françaises et allemandes à développer un programme commun de recherche. Ce programme, piloté par Michel Reddé (directeur d'études à l'École pratique des hautes études) et Siegmar Von Schnurbein (Professeur à l’Université de Frankfurt-am-Main), s’est étendu sur les années 1991-1997 autour de quatre axes : 1. reprise de l’étude du mobilier trouvé lors des fouilles anciennes ; 2. analyse des données nouvelles offertes par la prospection ; 3. mise en oeuvre de fouilles de vérification à grande échelle ; 4. publication des résultats. 
On sait que l’agglomération fortifiée d’Alésia, édifiée sur le Mont-Auxois dans les années 100 avant notre ère, est le centre vital d’un petit territoire dont l’identité culturelle a été bien mise en évidence par les recherches récentes (à partir des faciès céramiques et monétaires notamment). Les contours de ce territoire sont pérennisés à l’époque romaine dans ceux du pagus alisiensis, d’abord intégré à la cité des Lingons, puis à celle des Eduens. Initialement oppidum, Alésia se transforme à partir du changement d’ère en agglomération gallo-romaine, suivant un processus bien connu désormais. C’est finalement une des nombreuses agglomérations d’origine gauloise qui prospèrent au Haut-Empire, tant en Bourgogne qu’en Franche-Comté : Alise-Saint-Reine/Aliisia, Mâlain/Mediolanum, Vertault/Vertillium, Nuits-Saint-Georges, Mandeure/Epomanduodurum, Lons-le-Saunier, Grozon … 
L’agglomération et le territoire d’Alésia/Alise-Sainte-Reine font partie des sites les mieux étudiés actuellement par l’archéologie. Les multiples fouilles menées depuis la fin du XIXe siècle sur la colline du Mont-Auxois ont permis de restituer l’organisation d’une agglomération, fouillée sur près de 40% de sa surface. Les clichés obtenus par les prospections aériennes et les images issues des mesures géophysiques sont très nombreux et de grande qualité : ils révèlent de façon précise les vestiges d’occupations anciennes, tant au sommet du Mont-Auxois que dans la campagne environnante. Les différents quartiers de la ville gallo-romaine, ses monuments, ses axes de circulation, ses accès, les fortifications gauloises se distinguent parfaitement. Les clichés aériens permettent également de visualiser avec une très grande précision les dispositifs de siège décrits par César permettant d’isoler l’oppidum gaulois et de se protéger des éventuelles armées de secours, les fameuses contrevallations et circonvallations. Certains clichés permettent même de déceler des détails particuliers des dispositifs césariens, tels que des éléments des systèmes d’entrée des camps (tutulus et clavicula de l’entrée nord du Camp C), les fondations des tours qui rythment l’agger (talus) édifié à l’arrière des fossés des lignes d’investissement construites par César ou encore les étroites tranchées de fondation de défenses avancées. L’archéologie révèle également la structure des camps romains et des fortins cernant l’oppidum, dont la physionomie générale correspond assez précisément à celle du siège de Numance, par Scipion Émilien, en 134-133 avant notre ère. Les terrassements reconnus, et notamment la présence de deux lignes de défenses caractéristiques, sont d’ailleurs les plus importants vestiges de cette période et de ce type connus en Gaule. Au passage, la qualité et la précision des relevés topographiques effectués à la fin du XIXe siècle, sur commande de Napoléon III, ont été largement confirmées. 
Le mobilier découvert en fouille est lui aussi très parlant. Il confirme que le site a bien été le lieu d’une bataille entre Gaulois et Romains. Les armes découvertes (casques, fers de lance, pila, épées, éléments de boucliers …) appartiennent aux panoplies militaires gauloise et romaine du Ier siècle avant notre ère, telles qu’elles peuvent désormais être restituées grâce aux travaux des spécialistes de cette période. Les nombreuses monnaies découvertes datent dans leur immense majorité du milieu du Ier siècle avant notre ère. Les mors de bride équipaient les chevaux gaulois. Les clous de chaussures proviennent d’équipements romains comme les fragments de toile et piquets de tente, de meules et de louches… De plus, ces données confirment l’origine des protagonistes. L'analyse des restes osseux et dentaires de chevaux retrouvés sur le lieu de la bataille a montré la coexistence de plusieurs espèces de chevaux correspondant aux variétés morphologiques de chevaux présents à cette époque en Italie, en Gaule et en Germanie. Un umbo circulaire de bouclier, isolé, pourrait peut-être aussi révéler la présence d’auxiliaires germaniques. Celle de légionnaires romains est attestée par les nombreuses amphores à vin de type Dressel 1B, produites en Campanie ou en Étrurie. On mentionnera également la présence de balles de fronde en plomb, dont deux portent une estampille T.LABI, abréviation du nom d’un des principaux légats de Jules César, Titus Labienus. Le faciès d’armes de jet (pointes de flèches, traits de catapulte …) et de fragments d’équipement militaire romain mis en évidence à Alise-Sainte-Reine trouve des correspondances très précises sur d’autres sites des batailles menées par César explorés ces dernières années (Merdogne/Gergovie, Le Puy-d’Issolu/Uxellodunum, notamment). 
Il est donc certain qu’une grande bataille, appuyée sur un siège, a eu lieu au milieu du Ier siècle avant J.-C. autour de cette ville fortifiée, dont on sait par ailleurs qu’elle se nommait Alésia. La présence de l’armée romaine de César est certaine, comme l’indiquent les éléments mobiliers et la mention du général Labienus. 
Devant l’ensemble de ces éléments, pourquoi existe-t-il donc encore aujourd’hui un débat pour refuser d’interpréter, malgré l’évidence, ces éléments, comme ceux du siège d’une ville nommée Alésia et décrit par César dans ses commentaires sur la Guerre des Gaules ? 
Depuis les années 1860, une polémique s’est développée, remettant en cause la localisation traditionnelle et jusque là consensuelle de la bataille d’Alésia. Napoléon III, empereur des français entre 1852 et 1870, est féru d’histoire. Il veut écrire un grand ouvrage sur Jules César, son idole. Pour cela, il va mettre en action les services de l’État pour repérer et fouiller les sites de La Guerre des Gaules, dont bien sûr Alésia. Ces travaux archéologiques napoléoniens, de premier ordre, livrent le plan de fortifications d’époque césarienne et mettent au jour un matériel permettant de définir la fonction des différents sites fouillés et d’avancer une datation fiable. 
L’élément déclencheur de la polémique à propos d’Alésia réside dans l’exploitation politique de cet épisode de La Guerre des Gaules par le Second Empire. Napoléon III fait de cette bataille l’origine de la nation française. La surexploitation politique du site atteint son paroxysme dans la fameuse statue de Vercingétorix où Napoléon III apparaît sous les traits du chef gaulois. Les fondements de cette polémique sont en fait multiples : différents politiques exacerbés à la suite de l’effondrement de la France lors de la guerre franco-allemande de 1870-1871 ; développement des recherches locales et des sociétés savantes qui veulent valoriser leur patrimoine local ; développement des micronationalismes (folklore et régionalisme) ; complot supposé de l’État et de la "Faculté" entretenu par des militants politiques et/ou des universitaires ainsi que des journalistes en mal de reconnaissance ; vieille opposition culturelle entre Bourgogne et Franche-Comté, réactivée récemment par la fusion des deux régions... De multiples sites concurrents sont alors inventés en Franche-Comté et ailleurs, en s’appuyant sur deux arguments : la toponymie (Alaise dans le Jura, Alès dans le Gard, …) et sur les descriptions géographiques imprécises de César, en particulier sur une discussion du texte mentionnant le passage des troupes « aux confins » ou « à travers le territoire des Lingons en direction des » ou « chez les Séquanes » (… cum Caesar in Sequanos per extremos Lingonum fines iter faceret…, De bello Gallico, VII, 66, 2). 
Au début de 52 avant Jésus-Christ, il reste à César à stabiliser la région pour protéger les territoires romains de la Provincia, la Gaule Transalpine, future Gaule Narbonnaise. Dans ce sens, le général Labienus est chargé de mater les peuples du Bassin parisien et de Belgique, révoltés à la suite des Sénons et des Carnutes. Il écrase les armées coalisées à Lutèce. En juin 52 avant J.-C., après la défaite de Gergovie, César paraît avoir perdu la partie ; il cherche alors à rallier les légions de Labienus qui, depuis Lutèce, remontent la Seine et l’Yonne. César veut sauver son armée et ses bagages dans cette retraite en direction de la province par la vallée de la Saône, à travers le territoire des Lingons, un des seuls peuples à lui être resté fidèle. Vercingétorix tente de lui couper la route pour remporter une victoire complète… et qui serait prestigieuse pour lui. Il lance toute sa cavalerie alors que César remonte la vallée de l’Armançon (sud-ouest du territoire lingon), mais il est défait et doit se réfugier non loin de là, dans un oppidum mineur : Alésia. Nous sommes dans les premiers jours d’août 52 avant notre ère… En septembre, une armée levée par les Gaulois vient au secours de Vercingétorix. César, qui est pris en tenaille, entreprend les importants travaux de fortifications que l’on connaît qui lui permettront à la fois de se protéger de cette armée de secours et de contenir les troupes de Vercingétorix à l’intérieur de l’oppidum d’Alésia. Après un siège de plusieurs semaines et des batailles à l’issue incertaine, les Gaulois finissent par jeter les armes. 
Grâce à cette victoire, César peut se glorifier d’avoir ramené la paix en Gaule. Cette paix promet la poursuite d’un commerce lucratif car il doit s’enrichir, d’abord pour ses besoins personnels, et surtout pour contrôler et payer ses légions. Le retour de la paix magnifie l’action de César auprès des citoyens romains et lui permet d’acquérir une aura politique et militaire que possèdent déjà ses concurrents pour le pouvoir, en particulier Pompée. Il doit pour cela faire entériner l’importance des moyens qui lui ont été confiés : "l’ennemi était vraiment puissant et très dangereux pour le monde romain…". Il doit aussi faire accepter la longueur de la conquête et l’importance des pertes subies. Il doit répondre aux attentes des Romains, valoriser leur civilisation et leur armée face aux "barbares" gaulois. Ainsi, les descriptions que César donne de cette campagne militaire sont souvent exagérées et peu précises dans les détails. Il ne fait pas oeuvre de géographe mais de reporter et surtout de propagandiste. Il s’adresse à des lecteurs romains qui ignorent et se moquent de la topographie, des moeurs et de la géopolitique locale. Les positionnements topographiques sont souvent vagues : une colline avec une ville… deux rivières et une plaine… des collines autour… vers le nord, une grande colline… Cette description correspond à bien des lieux dans le centre-est de la Gaule ! 
Cette polémique sur le texte de César, particulièrement sur les descriptions topographiques, est un débat d'un autre siècle qui n'a fait que tourner en rond, repris et adapté aux contraintes locales de "leur" site par tous les partisans de tous les pseudo-Alésia. Les données archéologiques, les structures mises au jour comme le matériel découvert démontrent sans conteste qu’Alésia se trouve à Alise-Sainte-Reine… et pas dans le Jura ! Tous les plus grands experts internationaux de cette période reconnaissent la qualité des travaux menés à Alise-Sainte-Reine. De quelle expertise les défenseurs de la localisation d’Alésia à Chaux-des-Crotenay peuvent-ils se prévaloir ? 
De ce point de vue, le meilleur plaidoyer pour ruiner l’hypothèse d’Alésia à Chaux-des-Crotenay se trouve dans les considérations de Danielle Porte sur un prétendu rempart et sur des blocs de calcaire brut interprétés comme des statues (Canal+, décembre 2008) : ce qui manifeste avec éclat son ignorance à la fois des murs de soutènement édifiés par les agriculteurs depuis des siècles, de la statuaire gauloise, mais aussi de la géologie locale. Par ailleurs, la clouterie retrouvée sur le site ne comporte aucun vestige gaulois ou antique. À trop vouloir prouver, on ne prouve rien et on se couvre de ridicule. 
C’est toutefois indiscutable : Chaux-des-Crotenay a sur son territoire des sites archéologiques… comme presque toutes les autres communes du Jura. Les différentes fouilles qui y ont été conduites ont permis de découvrir plusieurs sites, en particulier un établissement rural antique et médiéval, dont le mobilier (une clé en bronze, de la céramique) ne présente pas de caractère militaire. Absolument rien ne justifie que des fonds publics financent des recherches dans cette commune plutôt que dans ses voisines. Si les défenseurs d’Alésia à Chaux-des-Crotenay cherchent un site archéologique à défendre et à financer, ils ont à quelques kilomètres de chez eux et au dessus de Champagnole l’important complexe gaulois et gallo-romain qui englobe le Mont Rivel et les communes de Saint-Germain-en-Montagne et d’Équevillon : ce site mériterait indiscutablement d’être réinvesti par une archéologie moderne et les résultats pourront faire l’objet d'une mise en valeur qui attirera certainement un large public. Il s’agit en effet là d’un couple associant un authentique oppidum gaulois avec des vestiges nombreux et une agglomération de plaine (Saint- Germain-en-Montagne) fondée au IIe siècle avant notre ère au plus tard, tous deux encore occupés jusqu’à la fin de l’époque romaine, à l’image de ce que l’on connaît à Alise-Sainte-Reine. 
Les signataires de cet article ont passé des concours très sélectifs pour entrer dans l’université ou des organismes de recherche spécialisés, puis pour accéder aux différents grades offerts à leur fonction. Tout au long de leur carrière, elles ou ils ont soumis au jugement de nombreux spécialistes français et étrangers des ouvrages et des articles scientifiques pour que ces spécialistes les critiquent et proposent des corrections afin d’arriver à une version scientifiquement satisfaisante. Toutes et tous ont construit des programmes de recherche complexes qu’elles ou ils ont soumis à des organismes pour obtenir des financements, organismes qui ont fait appel à des experts (le plus souvent étrangers) afin de sélectionner les projets qui seraient effectivement financés (pour donner une idée de la difficulté de l’exercice : moins de 10 % des projets déposés à l’ANR = Agence Nationale de la Recherche, obtiennent des financements). Toutes et tous ont présenté leurs travaux lors de réunions et de colloques internationaux. Toutes et tous ont enseigné devant des centaines d’étudiants, encadré des mémoires de master et dirigé de nombreuses thèses. Un grand nombre ont dirigé et dirigent encore des équipes et des laboratoires de recherche, administrent la recherche de notre pays dans l’enseignement supérieur, des organismes de recherche comme le CNRS, les ministères… 
Si l’on en croit les détracteurs de la thèse Alise-Sainte-Reine/Alésia, tous ces acteurs majeurs de la recherche archéologique et historique française se tromperaient ! Pire encore, ils seraient la main armée d’une conspiration ourdie par on ne sait quel pouvoir… 

Soyons sérieux ! 
Juillet 1016 
François Favory, professeur émérite d’histoire ancienne et archéologie gallo-romaine, université de Bourgogne Franche-Comté, Besançon 
Hervé Richard, directeur de recherche, paléoenvironnement, CNRS-université de Bourgogne Franche- Comté, Besançon 
Pierre Nouvel, Maître de conférences d’archéologie gallo-romaine, université de Bourgogne Franche- Comté, Besançon 
Philippe Barral, professeur d’archéologie protohistorique, université de Bourgogne Franche-Comté, Besançon 
Anne-Marie Adam, professeure émérite d'archéologie, université de Strasbourg 
Stephan Fichtl, professeur d'archéologie, université de Strasbourg 
Emilie Gauthier, professeure d’archéologie et paléoenvironnement, université de Bourgogne Franche-Comté, Besançon 
Vincent Guichard, archéologue spécialiste de protohistoire européenne, directeur de l'établissement public de coopération culturelle de Bibracte 
Jean-Paul Guillaumet, directeur de recherche émérite, expert pour l’étude du matériel métallique des sites de Chaux-des-Crotenay, CNRS-université de Bourgogne Franche-Comté 
Luc Jaccottey, archéologue, Institut national de recherches archéologiques préventives et laboratoire chrono-environnement, UMR 6249/CNRS-UBFC, Besançon 
Martine Joly, professeure d’archéologie gallo-romaine, université de Toulouse 
Sylvie Lourdaux-Jurietti, responsable des collections d’archéologie, musées de Lons-le-Saunier 
Laure Nuninger, chargée de recherche, archéologie spatiale et géomatique, CNRS-université de Bourgogne Franche-Comté, Besançon 
Pierre Pétrequin, directeur de recherche émérite, pré- et protohistorien, MSHE C.N. Ledoux, CNRS-université de Bourgogne Franche-Comté, Besançon 
Matthieu Poux, professeur d'archéologie, université de Lyon II 
Annick Richard, ingénieure, DRAC de Bourgogne-Franche-Comté - service régional de l'archéologie et laboratoire chrono-environnement, UMR 6249/CNRS-UBFC, Besançon 
Matthieu Thivet, ingénieur de recherche, archéologue, laboratoire chrono-environnement, CNRS-université de Bourgogne Franche-Comté, Besançon 
Claudine Munier, archéologie urbaine gallo-romaine, service d’archéologie de la ville de Besançon et laboratoire chrono-environnement, UMR 6249/CNRS-UBFC, présidente de l’association française d’archéologie du verre 
Stéphane Venault, archéologue, Institut national de recherches archéologiques préventives et laboratoire chrono-environnement, UMR 6249/CNRS-UBFC, Besançon 
Valérie Pichot, ingénieure au CNRS, archéologue, Centre d’Etudes Alexandrines - USR3134 
Stefan Wirth, professeur de protohistoire européenne, université de Bourgogne Franche-Comté, Dijon 
À lire : 
Goudineau Christian, 2001. Le dossier Vercingétorix, Paris, Actes Sud/Errance. 
Goudineau Christian, 2002. Par Toutatis ! Que reste-t-il de la Gaule ? Paris, Le Seuil. 
Reddé Michel et von Schnurbein Siegmar (dir.), 2001. Alésia : fouilles et recherches franco-allemandes sur les travaux militaires romains autour du Mont-Auxois (1991-1997). Paris : Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres ; 22). 
Reddé Michel, 2003. Alésia, l’archéologie face à l’imaginaire, hauts-lieux de l’histoire, Errance, Paris. 











[1] S. Sievers, p. 124 du Rapport de fouilles.
[2]  M. Reddé, C.-r. Acad. inscr., p. 297 ; Rapport de fouilles, p. 258.
[3] Ils sont reproduits dans le deuxième bulletin, Ephemeris, de notre association, « Cercle Alésia – 52 ».
[4] Merci à l’adhérent qui m’a passé la citation, Gilbert Girard. 

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