la Colline inspirée

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lundi 21 avril 2014

Sais-tu bien qui je suis ? ... - Non.





Sais-tu bien qui  je suis ? ...  - Non.

Passons sur l’ignorance des réalités historiques ou philologiques sur la question : nous aurons tout loisir de les déguster. Il est un domaine, toutefois, où cette ignorance peut surprendre, voire agacer : la méconnaissance complète de l’adversaire... qui, pour contenter l’urgence et le désir de dérision, amène à écrire n’importe quelle sottise.

Petit florilège.
       
Jean-Paul Demoule, archéologue et professeur à l’Université de Paris-I, ex-président de l’INRAP, consacre à Alésia, et surtout à sa médiatisation qu’il ne peut digérer, les pages 205 à 208 du livre intitulé : On a retrouvé l’histoire de France, paru chez Robert Laffont en 2012. Nous y occupons une place de choix, installés entre les trouvailles de Glozel et le Père Noël dont on démontre scientifiquement et gravement qu’il a fort peu de chances de pouvoir descendre dans les cheminées le 24 décembre. Aussi peu en avons-nous de trouver Alésia ailleurs qu’à Alise.

On découvre, en tout cas, avec un brin d’étonnement, sa propre fiche d’identité. « Une universitaire franc-comtoise, Danielle Porte, présidente de l’association André Berthier, développa à nouveau en 2004 la thèse de Berthier dans l’Imposture Alésia, ouvrage qu’elle réussit à faire préfacer par Jacques Bouveresse, professeur d’épistémologie au Collège de France et franc-comtois lui aussi » (p. 207).

Certes, né à Épenoy dans le Doubs, le Professeur Jacques Bouveresse est indubitablement franc-comtois. Je n’ai pas l’honneur, toutefois, de l’avoir jamais approché et, comme tout lecteur de l’Imposture Alésia peut s’en convaincre en ouvrant simplement le livre, ce dernier ne comporte pas de préface… Le seul nom qu’on lise avant le texte est celui d’Olivier Magnan, directeur littéraire aux éditions Carnot qui, pris de passion pour le manuscrit et pour le site, donna, l’on peut dire, le coup d’envoi à la remise en actualité de la vieille controverse. Le livre que préfaça Jacques Bouveresse est celui de Jacques Berger, Alésia Chaux-des-Crotenay, pourquoi ? paru chez Yvelinédition, en 2004.

Navrée de décevoir les Francs-Comtois qui, depuis le temps ! me considèrent comme « de chez eux » : si j’ai effectivement enseigné pendant 42 ans à Paris IV-Sorbonne, et suis donc bien une « universitaire », je ne suis pas, ni de près ni de loin, « franc-comtoise ». C’est le Dauphiné qui m’a vue naître, Grenoble très précisément, au 28 rue des Tournelles, le 22 octobre 1946. Un père natif d’Auris-en-Oisans, village d’une montagne dauphinoise, une mère grenobloise, issue  du Bas-Dauphiné, Saint-Barthélemy-de-Beaurepaire si l’on veut tout savoir. Le Jura, je l’ai connu en préparant pour l’École des Chartes une étudiante qui me parla de l’Alésia-Berthier, et j’y allai voir alors, puis y retournai chaque année, trois jours de rang les dix ou quinze premières années, ce qui est peu pour s’estimer natif d’une province, aussi chère soit-elle devenue depuis.

Quand on veut mener une attaque, il est préférable de se renseigner… Wikipedia suffit, en l'occurrence, à y pourvoir.

Voyons ailleurs.

Yann Le Bohec, Alésia, 52 av. J.-C., Tallandier, 2012.

Mon exemplaire est devenu illisible, rayé en tout sens, pourvu d’au moins une remarque rageuse par paragraphe, tant les inexactitudes et les erreurs se suivent de près. Il y faudrait une réfutation ligne après ligne. Le catalogue des joyeusetés historiques et militaires viendra sous peu, contentons-nous, pour l’instant, de la méconnaissance des personnes et des lieux.

Nous défendons « le site de La Chaux-des-Crotenay, près du village de Syam-Cornu dans le Jura ». Surprenante erreur. Le village de Syam se trouve dans la plaine, les quelques maisons du lieu-dit Cornu s’élèvent, elles, au sommet de l’oppidum. Il existe entre les deux une étendue respectable de falaises, de forêts et de prairies. Quant à la Chaux, elle occupe, loin derrière, une éminence (le in colle summo de César) qui culmine à la cote 801.

Il paraît, assure Y. Le Bohec, qu’aucun géographe ne travaille dans nos rangs… Qu’en sait-il ? L’un de nos géographes est même un universitaire spécialiste de la cartographie ! et Y. Le Bohec serait sûrement surpris à la seule énumération des membres de notre Comité scientifique et de leurs spécialités. Nous n’avons, est-il écrit p. 104, « personne pour faire un commentaire de carte au 1/50000» Mieux vaut lire cela qu’être aveugle ! Tous ceux qui se promènent sur notre site ont leur carte d’état-major à la main ; et l’un des nôtres a même réalisé un album de cartes anciennes, y compris celles de Peutinger et de Cassini dont le déchiffrement est familier à tous.


Si André Berthier lisait, p. 99, qu’il « tenta de placer Constantine au Kef », sans  doute sourirait-il, puisque sa thèse portait sur la localisation de la Cirta numide, jusque-là identifiée avec Constantine, et qu’il plaçait, lui, au Kef. Pour caricaturer, cela reviendrait à dire, parlant de Lutetia, que certains placent Paris à Nanterre ! Sourirait de même le délicieux humoriste que fut l’Abbé André Wartelle s’il lisait sa biographie vue par Y. Le Bohec : « ce prêtre, latiniste et helléniste, fit des études de théologie ». Encore heureux ! soupirons-nous, qu’un prêtre ait étudié la théologie…

L’historique de la constitution de la « petite cohorte » qui, (p. 100), rejoignit André Berthier et l'Abbé André Wartelle, prouve par sa simple lecture que Y. Le Bohec s’est renseigné un peu vite. Je cite : « Les rejoignirent M. François Chambon, architecte, Mme Danielle Porte, jadis maître de conférences de latin à l’université Paris IV-Sorbonne, Mme Antoinette Brenet, ancien professeur de latin, et enfin M. Franck Ferrand, journaliste de talent à Europe 1, qui tient une chronique d’histoire très écoutée, qui lui a assuré une solide culture historique, surtout centrée, il est vrai, sur l’événementiel et des périodes plus récentes que l’Antiquité. Peu d’historiens de Rome ou de la Gaule et peu d’archéologues – pour ne pas dire aucun – dans cette petite cohorte. »

Tant François Chambon que Franck Ferrand – et c’est d’ailleurs leur grand regret à tous deux – auraient eu du mal à rejoindre André Berthier et André Wartelle, puisqu’ils se rallièrent à la thèse d’Alésia dans le Jura en 2007, et que ses promoteurs disparurent le premier en 2000, le second en 2001.

Rétablissons la juste chronologie :
- d’abord Antoinette Brenet, professeur à l’École de la Légion d’Honneur, qui connut André Berthier en Algérie ;
- ensuite Danielle Porte, « jadis » enseignant-chercheur en Sorbonne (« jadis » est dur à lire en 2012 quand on a pris sa retraite cette année-là !) chauffeur et photographe d’André Berthier pendant près de trente ans, chargée de rédiger le bulletin annuel de l’association A.L.E.S.I.A. ;
- ensuite Franck Ferrand, connu de moi à l’issue d’une émission de Jacques Pradel le 10 décembre 2004, qui vint sur le site en décembre 2006 et adhéra à l’AAB.cédaj en 2007 ;
- enfin François Chambon, architecte DPLG lyonnais, polémologue par passion, en 2007.

Pour ce qui est de Franck Ferrand, ce n’est pas sa chronique d’histoire à Europe 1 qui lui a assuré une solide culture historique, mais plutôt sa solide culture historique qui lui a fait confier son émission quotidienne par Europe 1. Qu’elle soit « surtout événementielle », cette culture, n’est pas restrictif quand on s’occupe d’Alésia, qui est tout de même un événement dans l’histoire de France. Et pour la connaissance de l’Antiquité, il est capable de réciter les passages clefs du De Bello Gallico VII par cœur, ainsi que ceux de Dion Cassius sur le sujet, et en grec s’il vous plaît. Combien d’historiens spécialisés dans l’étude de l’Antiquité en sont-ils capables ?

Nous comptons dans nos rangs quelques historiens universitaires du genre francs-tireurs, et deux ou trois archéologues du même style. Ce n'est pas la majorité, dont on nous oppose l'unanimité de jugement ? Certes non. La majorité sait où est son intérêt et préfère se blottir dans une routine confortable plutôt que de se démarquer du troupeau. Quant aux archéologues, bien que certains avouent qu’ils ne sont pas convaincus eux-mêmes par la thèse Alise, comment viendraient-ils fouiller un endroit interdit de fouilles ? La « petite cohorte » compte tout de même 345 adhérents pour ce qui est de l’AAB., et largement autant de sympathisants, sans y inclure les correspondants qui se posent des questions (légitimes !) et les expriment sur le forum du site. Comme la cohorte de Y. Le Bohec compte (p. 167) 500 hommes, le total des nôtres forme même une grande cohorte.

Passons sur les  gentillesses à notre égard : nous n’aurions pas acquis « une maîtrise suffisante de nos disciplines » (p. 102) : nous verrons que le proverbe de la paille et de la poutre est toujours d’actualité. Revenons aux lignes savoureuses qui nous concernent et laissent subodorer que Y. Le Bohec ne connaît notre site que d’après le film que Benoît Bertrand-Cadi vint y tourner pour Canal+ en 2008, diffusé le 12 décembre, projeté maintes fois sur la chaîne Public Sénat - notamment en juin 2010, avec un débat arbitré par Benoît Duquesne (invités : Alain Houpert, sénateur de Côte d’Or, Laurent Olivier, conservateur du Musée de St-Germain-en-Laye, Franck Ferrand, historien, Benoît Bertrand-Cadi, cinéaste) - et constamment rediffusé depuis ; à moins que ce ne fût grâce à d’autres films : de Séverine Lebrun pour France 2 en 2009,  de Thibault Malandrin pour TF 1 en 2010, de Florence Griffond pour France 2 en 2012, et nous ne comptons pas celui de la BBC la même année (Hugh Schofield).

La preuve ? la mention de la boîte à lettres d’un adhérent, au Vaudioux, illustrée par Astérix et Obélix, qui apparaît sur le film… On la trouve p. 100, assortie d’affirmations aussi perfides qu’aventureuses : « La découverte ne déplut point aux habitants de la région, et l’on vit fleurir au long des routes des établissements appelés "auberge de Vercingétorix" "hôtel de César", sans préjudice d’autres maisons accueillantes où Astérix et Obélix furent appelés à la rescousse ». Des hôtels "Vercingétorix" ou "César" ? Bigre ! Nous téléphonons tout de suite pour y retenir des chambres, nous qui peinons à trouver où nous loger dans un confortable périmètre autour de Chaux, et n’y découvrons que des hôtels "des Lacs" ou "des Truites", bref, très peu concernés par Alésia. Le seul "hôtel d’Alésia" qui nous hébergea fut la très modeste maison ainsi baptisée, à Syam, que Y. Le Bohec ne connut certainement pas puisqu’elle brûla voilà une vingtaine d’années. Son information provient d’Internet… et se révèle erronée, puisque les coups de fil de ma part (intriguée que j'étais, je l’avoue, par cette résurrection) aux cinq ou six annonces "hôtel Alésia Syam" aboutissent chez le même particulier d’Arbois… le numéro de l’hôtel disparu étant désaffecté et réattribué depuis longtemps.

À tant faire, l’auteur, s’il avait visité le site, aurait pu mentionner la « rue d’Alésia » qui, à Crans, descend vers les vestiges du camp Nord, fier baptême dû à une municipalité qui ne brida jamais nos recherches, au contraire. Ces recherches n’ayant « rien donné », lit-on, nous n’avons rien publié ? Si, les Annales d’Alésia, en 1983. Depuis, nous nous sommes largement rattrapés, tant en découvertes qu’en publications.

Comme Y. Le Bohec ne connaît pas mieux ses alliés que les... Syamois, il baptise « Jacques », p. 97, un Joël Le Gall dont tous les anti-Alise ont lu les écrits, qu’ils utilisent quotidiennement.

Et j’ai bien peur que, tout à sa volonté enragée de démolir César, il n'ait lu son texte bien distraitement et pris ses désirs pour des réalités : où est-il évoqué, dans le de Bello Gallico VII, 69, « un plateau étroit et allongé, encadré par deux cours d’eau et dominant une plaine » ? (p. 93). Exciper du seul mot collis qu’il s’agit d’un « plateau étroit et allongé » relève de la performance. Réduire la « plaine qui s’étendait entre les collines sur une longueur de trois mille pas » (B.G., VII, 70) au seul mot « plaine » en est une autre, inverse et complémentaire : il y a de fortes chances que Y. Le Bohec ait confondu la colline et la plaine, c'est-à-dire cité la description césarienne d'Alésia… en regardant vers Alise !

À ce compte-là, oui, César écrivait n’importe quoi.
        

      
           
           
      






2 commentaires:



  1. "Qu'en de bons termes ces choses là sont dites"... ENFIN !... Voilà un blog qui promet...

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  2. Voilà, qui une fois encore, est bien recardé !
    De Cort.

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